On peut critiquer avec raison la relégation de la politique étrangère à l’arrière-ban des campagnes électorales. De toute façon, elle est traditionnellement abordée de façon mièvre, commentée par des politologues, directeurs de chaires d’études internationales et autres observateurs instruits (dans les bonnes écoles) à-travers un spectre d’analyse offrant de superficielles variations d’un même point de vue, libéral, occidentaliste, pro-OTAN et toujours empêtré dans le mirage de l’interventionnisme humanitaire. Toute autre perspective, surtout celles d’une perspective humaniste, anti-impérialiste, antimilitariste et anticolonialiste sera balayée du revers de la main par les notables médiatiques comme relevant de l’utopisme, de lubies de gauche (le péril rouge n’est jamais loin) ou, pire, de sympathies avec les ennemis désignés.
L’impasse réaliste
Les disciples du réalisme politique en relations internationales maintiennent que les états-nations n’ont pas d’amis, mais seulement des intérêts. On attribue souvent la citation au général Charles de Gaulle, mais c’est vraisemblablement Henry John Temple, Lord Palmerston, qui a introduit l’idée dans les annales de la diplomatie moderne lors d’un discours en Chambre au Parlement britannique en 1848, pour décrire les relations entre l’Empire britannique et l’Europe continentale.
Ce serait donc la raison pour laquelle le Canada a, depuis les attentats du 11 septembre 2001, abandonné de lever le voile sur sa posture «pacifiste» pour joindre ouvertement à temps plein le théâtre grand-guignolesque du militarisme et de l’impérialisme occidental.
En 2005, les troupes canadiennes étaient envoyées à Kandahar, lieu d’intenses combats après un court séjour autour de la capitale afghane. Dès la fin de 2003, les premiers cercueils drapés du drapeau canadien ont commencé à défiler sur le tarmac pour entreprendre leur ultime voyage de retour, salués par des hommes et des femmes dont on avait seulement débuté à exploiter honteusement le patriotisme et le dévouement.
Politique étrangère…sans pleine souveraineté
L’inféodation du Canada à l’empire américain est devenue un cliché à l’absurdité croissante, à plus forte raison au cours des 20 dernières années. Durant la décennie Harper, cette servitude est même devenue ouvertement volontaire, pour paraphraser Étienne de la Boétie! Rendons à César, les Conservateurs, comme les Républicains américains, ont au moins l’honnêteté de montrer la politique de leurs pays respectifs sous leur vrai jour.
C’est ainsi que le Canada est devenu un des principaux pitchmen de la politique de changement régime et la liste s’allonge d’année en année : Irak en 2003 (après avoir soutenu le crime contre l’Humanité d’avoir laissé crever un demi-million d’enfants durant une décennie de sanctions), Haïti en 2004, Libye et Syrie en 2011 (une grosse année!) et aujourd’hui, tout pays latino-américain commettant l’odieux de mener une politique extérieure souveraine face aux desseins impérialistes occidentaux. Sans parler, évidemment, de l’Iran, un projet de longue haleine.
Rajoutons à cela la participation active de l’armée canadienne au sein de l’AFRICOM américain, qu’on peut facilement qualifier d’armée d’occupation (malgré la relative subtilité de l’opération) et la promotion des ambitions corporatives des barons canadiens de l’énergie fossile et du pillage minier sur le continent africain. Pour paraphraser mon ami Fred Dubé, l’Afrique n’est pas pauvre et en besoin d’aide, elle est riche et victime d’un vol.
Et depuis quelques années, le maintien d’un contingent militaire permanent en Lettonie «en réponse à l’agresseur russe» et l’obligation de prendre une posture hostile face à la Chine, devant laquelle tremble un empire américain décadent et artisan de son éventuelle chute, dans le contexte d’une nouvelle course à l’armement nucléaire, comme si l’urgence climatique n’était pas suffisamment préoccupante!
Donc, non, le Canada n’est pas souverain en rapport avec sa politique étrangère, d’autant que ses alliés traditionnels, surtout le voisin du sud, glissent toujours davantage du mauvais côté de l’Histoire en matière d’oppression des peuples du monde, surtout ceux du Sud global.
Peu importe le parti au pouvoir
Les Conservateurs d’Erin O’Toole veulent perpétuer les ambitions sionistes de Stephen Harper en déménageant l’ambassade canadienne à Jérusalem, histoire d’humilier un peu plus le peuple palestinien.
Le NPD a le luxe d’adopter une posture plus critique, n’étant pas prétendant au pouvoir, mais ne s’éloigne jamais trop du consensus capitaliste et interventionniste.
Quant au Bloc, il aurait intérêt, encore une fois, à lâcher le jupon conservateur et travailler à sa mission première en matière de politique étrangère : agrandir la grande famille des états souverains et soutenir activement l’indépendance du Québec, quoique je n’ai aucune illusion quant à leur vision d’un Québec-pays qui resterait fort probablement au sein de l’OTAN, pour ne nommer que cette triste possibilité.
(L’omission du PPC est totalement assumée, jusqu’au jour où Saint-Georges-de-Beauce ouvre une représentation à l’étranger).