Ce n’est pas non plus un nouveau mot en enseignement. Il fait partie de la terminologie de la didactique (la science de l’enseignement) depuis très longtemps. Je me souviens, quand les cours en ligne ont commencé à faire leur apparition, au début des années 2000, on utilisait ce terme pour leur opposer les cours « traditionnels ». Et les cours à distance, sans être en ligne, existaient déjà depuis longtemps.

La perception de la nouveauté réside plutôt dans le fait qu’on ait commencé à parler des techniques d’enseignement sur la place publique. Quand, avant la pandémie, a-t-on dû spécifier aux nouvelles de quelle manière les cours allaient être dispensés? Quand, avant la pandémie, a-t-on parlé des différents formats possibles des cours?

Présentiel est un mot utile. Que ce soit un cours d’éducation physique, un cours d’arts, un laboratoire de chimie ou un cours de mathématique, il permet d’exprimer l’idée que le cours se donne dans le gymnase, dans le local d’arts, dans le laboratoire ou dans la classe. Il est succinct, ce qui fait qu’il peut même s’insérer dans le titre des cours, car il y a certains cours qui sont développés spécifiquement de cette manière.

Pourquoi, donc, ce mot est-il tant détesté?

Une de mes hypothèses est que l’enseignement est dévalorisé dans notre société. Je me souviens d’une étudiante que j’avais eue dans un cours offert aux gens du bac en enseignement au secondaire. Elle était passée de la microbiologie à l’enseignement. Les gens autour d’elle lui avaient dit qu’elle était « trop bonne » pour faire cela. Qu’avec les notes qu’elle avait, elle « valait mieux que ça »! Je suis certaine que beaucoup des personnes qui travaillent en enseignement ont des anecdotes similaires.

La didactique, donc, n’est jamais perçue comme un domaine valide, qui justifierait l’existence de termes techniques. Encore moins leur emploi dans la langue courante. Le public est pourtant habitué à ce que des mots qui appartiennent au vocabulaire technique d’un domaine soient soudainement utilisés dans la langue courante. Personne, par exemple, n’écrit d’article pour exprimer sa haine du terme ARN-messager, qui a fait son apparition dans les médias avec la découverte des vaccins contre la COVID.

On a le droit, évidemment, de ne pas aimer certains mots. On peut ne pas aimer la manière dont ils sonnent, leur origine, leur orthographe, etc.

Moi, par exemple, je n’aime pas le mot pneu. Je le trouve laid. En revanche, j’adore le mot ubiquité, peut-être parce que le « u » se prononce comme dans linguistique. Ce sont des opinions personnelles. Je n’irai pas écrire à une entreprise automobile pour lui dire de cesser d’utiliser le mot pneu parce qu’il ne me convient pas!

« Mais on peut remplacer présentiel par autre chose! », me dira-t-on (on me l’a d’ailleurs déjà dit). Certes. Mais comme il s’agit du mot reconnu et attesté dans le domaine de la didactique, pourquoi le ferions-nous, lorsque, justement, parle de didactique? De toute façon, c’est très fréquent qu’on puisse remplacer un mot par un autre. Ça s’appelle la synonymie. Personne ne viendra dire qu’on devrait cesser d’utiliser le mot commencer parce que débuter existe!

Et le mot présentiel est reconnu par l’OQLF. On peut aimer ou pas cet organisme, mais il n’en demeure pas moins que c’est lui qui a le rôle de recommander ou de condamner des termes. Les gens qui disent que bon matin est une faute, en se basant sur le fait que l’Office le condamne, ne devraient pas, en toute logique, condamner présentiel, car l’Office le recommande. Si l’on veut de la cohérence, on ne peut pas décider de se fier à un organisme officiel seulement lorsqu’il correspond à notre propre sentiment!

Bonne rentrée, donc, à toutes les personnes qui travaillent en enseignement. Et espérons que ce retour en présentiel le sera pour de bon!