Des restrictions ont déjà été émises par Environnement Canada sur les molécules toxiques PFOA et PFOS. Ces dernières sont utilisées par les fabricants afin de rendre les objets et les tissus imperméables à l’eau, aux huiles et aux graisses. On les retrouve dans des articles de sport et de plein air, des textiles à usage médical, des filtres d’usine de filtration d’eau et des papiers d’emballage.
Des molécules dangereuses
Le professeur en santé environnementale et santé au travail de l’Université de Montréal Marc-André Verner explique que les PFOA et PFOS font partie d’un groupe de substances qui ne se dégradent pas, les forever chemicals (éléments chimiques perpétuels). Ce qui a été produit demeure dans l’environnement et se bio accumule dans les organismes. Même à l’arrêt de l’exposition par l’eau ou le contact avec les surfaces, une personne sera affectée pendant des années par ces contaminants. Ceux-ci peuvent avoir une demi-vie de cinq ans, c’est-à-dire que cinq années seront nécessaires pour que 50 pour cent de la masse de la substance ne disparaissent.. «[Ces contaminants se transmettent] aussi d’une génération à l’autre parce qu’on sait que ces contaminants-là peuvent passer à travers le placenta et peuvent passer dans le lait maternel», ajoute Marc-André Verner.
Selon le groupe scientifique de recherche C8 dont les études portent sur le PFOA il existe des liens probables entre le PFOA et des maladies graves dont le cancer du testicule, le cancer du rein, des maladies de la thyroïde, la prééclampsie chez la femme enceinte et une multitude d’effets sur le développement du fœtus dont un petit poids à la naissance, un retard de développement des glandes mammaires et une réduction de la réponse aux vaccins.
En 2009, le PFOS, ses sels et le POFS ont été classés parmi les POPs (polluants organiques persistants), au titre de la Convention de Stockholm en raison de leur nature omniprésente, persistante, bio accumulable et toxique.
Un public mal informé pour cause de secret industriel
Le conseiller principal à la recherche à l’École de santé publique de l’Université de Montréal Denis Bégin rappelle que les compagnies sont tenues par la loi de signaler les substances dangereuses contenues dans leurs produits. Mais les fabricants ont aussi la possibilité de contourner cette obligation en invoquant le secret industriel. Ils sont en revanche tenus de déclarer la toxicité de leurs produits afin que les consommateurs les utilisent adéquatement. Mais là encore l’application de la réglementation laisse à désirer.
«Il y a beaucoup de revendeurs qui font de très mauvaises fiches avec des informations qui sont non conformes. Il y a peu de recours; si on fait une plainte à Santé Canada, il n’y a pas beaucoup d’inspecteurs qui vont se pencher sur ce problème-là en particulier. Moi, j’ai souvent fait des plaintes et ça n’a pas changé grand-chose» regrette Denis Bégin.
Pour remédier aux problèmes de données incomplètes, celui-ci propose de créer une base de données centralisée avec tous les produits chimiques utilisés au pays, sans aucune censure. «L’autorité responsable aurait une base complète avec tous les produits chimiques qui sont utilisés au Canada. C’est utile pour toutes les réglementations quand vient le temps d’interdire un produit.» Il donne l’exemple des pays nordiques dont la Norvège et le Danemark qui ont mis sur pied la base de données SPIN qui est ouverte au public. Elle permet de connaître la quantité, le secteur d’activité et la fonction des substances chimiques utilisées dans les pays nordiques.
Quand il est question d’importation de produits entrant au Canada, il sera difficile de faire appliquer les restrictions proposées dans la nouvelle mouture du règlement prévu cet automne. Plusieurs de nos produits proviennent de pays ou l’interdiction n’est pas en vigueur. L’équipe d’inspecteurs du gouvernement fédéral canadien aura la tâche imposante de prendre des échantillons de tous les produits qui entrent sur le sol canadien afin de leur faire passer une batterie de tests de conformité.
«Le gouvernement fait un échantillonnage, mais il ne peut pas mesurer tout dans tout ce qui arrive», ajoute Denis Bégin.
Modification du Règlement: et après?
La modification au Règlement sur certaines substances toxiques est prévue pour l’automne 2021 et sera suivie d’une période pour les commentaires du public d’une durée de 75 jours. À ce moment, les compagnies pourront s’opposer aux modifications en déclarant qu’elles ne peuvent utiliser un autre produit ou qu’elles ont besoin de plus de temps. Les groupes de pression, des groupes environnementaux et des scientifiques pourront aussi donner leur opinion.
L’interdiction complète des PFOA et des PFOS est un pas dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire. Marc-André Verner énonce que ces deux substances font partie d’une classe de contaminants qui contient entre 5 000 et 10 000 composés per et polyfluoroalkylés. En réglementer deux est une bonne chose, mais il va demeurer la question : qu’est-ce qu’on fait des autres?