À peine remis du choc de la découverte des ossements de centaines d’enfants près du plus grand pensionnat autochtone du pays, ceux et celles qui ont survécu à ces institutions entament un long et pénible processus de deuil. Selon Angela White, directrice générale de la Société des survivant.e.s des pensionnats autochtones, on ressent une foule d’émotions : «Ces personnes sont en train de revivre les traumatismes qu’elles ont vécus en tant qu’enfants. Certain.es sont très fâchées, d’autres sont très blessé.es et rempli.es de chagrin et de tristesse», observe-t-elle.

«La découverte a définitivement fait resurgir beaucoup d’émotions et a rouvert des vieilles plaies entourant le système des pensionnats autochtones», constate Terry Teegee, chef régional de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique, qui dit avoir le cœur brisé depuis la découverte.

Yascha Wecker

La vague de solidarité qui a traversé le pays depuis l’annonce de la Première Nation Tk’emlups te Secwepemc le 27 mai dernier offre un certain réconfort, admet-il. «Le soutien ne vient pas seulement des peuples autochtones, il vient de gens de tous horizons. Je pense qu’il est important de reconnaître que cela a vraiment touché beaucoup de gens.»

Réparer et rebâtir

Alors que les survivant.e.s des pensionnats autochtones se recueillent, des voix s’élèvent pour que le Canada saisisse cette occasion pour guérir ses relations avec les Autochtones.

Le pays doit commencer cet effort en offrant du soutien adéquat et culturellement approprié aux survivant.e.s, estime Angela White. «Ce dont ces personnes ont le plus besoin est de savoir que lorsqu’ils étendent une main, il y aura quelqu’un pour la prendre», explique-t-elle. Elle demande notamment que les organismes qui viennent en soutien aux survivant.e.s soient financés à la hauteur de leurs besoins.

La responsabilité de guérir les blessures causées par le système des pensionnats autochtones revient au gouvernement fédéral et à l’Église catholique, croit Angela White. Dans ce contexte, elle estime qu’une des priorités est de mettre en œuvre les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada ainsi que du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Terry Teegee croit qu’en plus de cela, il faudra aborder un enjeu plus fondamental afin de guérir les relations entre le Canada et ses populations autochtones, soit celui du racisme systémique : «Bon nombre de politiques qui régissent les relations avec les peuples autochtones jusqu’à ce jour sont ancrées dans le racisme. Nous avons besoin du soutien de tous les Canadien.nes pour combattre ces idées insidieuses et systémiques contre les peuples autochtones.»

Tourner la page

Depuis la découverte macabre de la semaine dernière, les appels se sont multipliés pour que le Canada fasse la lumière sur ce qui s’est réellement passé dans ces anciens pensionnats. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a notamment enjoint au Canada de mener des fouilles afin de retrouver les enfants disparus, et d’indemniser les communautés touchées. L’ancien sénateur autochtone Murray Sinclair, qui a présidé la Commission de vérité et réconciliation du Canada, a pour sa part réclamé la tenue d’une enquête indépendante pour fouiller tous les lieux de sépulture près des anciens pensionnats fédéraux.

Yascha Wecker

En réponse aux événements, le gouvernement fédéral a récemment rendu accessible un fonds de 27 millions de dollars pour aider les communautés autochtones à entamer les recherches sur d’autres sites d’anciens pensionnats et pour commémorer les victimes.

Jusqu’à présent, la Commission de vérité et réconciliation a recensé plus de 4 100 décès au cours du régime des pensionnats autochtones entre 1863 et 1996. Ce nombre pourrait toutefois être 5 à 10 fois plus élevé, estime la Commission.

«Quelque 140 pensionnats autochtones étaient en fonctionnement pendant les plus de 100 ans que le système existait, donc qui sait, on pourrait identifier des lieux de sépulture anonymes ou des fosses communes près de tous ces pensionnats autochtones dans un avenir proche», prévient Terry Teegee.

Chaque découverte sera douloureuse pour les survivant.e.s, mais selon Angela White, il s’agit d’un processus nécessaire. «Ce sont de tristes constats que nous devrons faire afin de savoir où se trouvent ces enfants et de pouvoir tourner la page sur ce chapitre.»