Étant lui-même à l’Université de Montréal, l’auteur semble croire qu’il comprend mieux les dynamiques de l’UQAM que les personnes qui y étudient. Une relecture critique par des étudiantes extrémistes.
Le radicalisme, cette cible facile
Dans sa publication, Lorange aborde initialement ces fameuses « associations radicales », sans toutefois les nommer… une cible facile, trop même. De quelles associations parle-t-on réellement et quelles actions ont-elles entreprises pour se voir étiquetées d’un tel qualitatif ? Entre deux mots de vocabulaire soutenu, de gros amalgames sont dressés ; « une université gangrénée » et « des affrontements avec des personnes militantes fanatisées », rien de moins.
Parle-t-on de ces associations qui n’ont pas eu peur de montrer leur désapprobation en voyant leurs membres, mais également leurs pairs, payer pour un stage obligatoire sans recevoir de salaire, alors que dans d’autres programmes, majoritairement masculins tels que l’ingénierie, l’entièreté des stages sont rémunérés ? Fait-on référence à ce regroupement qui a organisé la manifestation « À l’UQAM en bobettes » ? Avec cette tendance à dresser des portraits à grands coups de pinceau, on en vient à oublier les nuances : la manifestation n’était pas organisée par quelconque association étudiante de l’Université ; il s’agissait plutôt d’un mouvement solidaire voulant dénoncer les démarches démesurées entreprises par l’UQAM, dans un contexte sociétal plus gros où les corps féminins ne cessent de faire débat. L’autonomie de son propre corps n’est pas une chose radicale, c’est plutôt un droit que la charte des droits et libertés de la personne nous donne, et ce, dès le premier article.
Un renversement de pouvoir : la communauté étudiante versus l’institution
La prochaine cible de Lorange : « l’à-plat-ventrisme » de l’Institution face aux étudiants qui « règnent en maîtres ». D’abord, rappelons que l’UQAM est composée d’une structure hiérarchique dans laquelle plusieurs instances décident tant des visions de l’université, que des lieux où est investi le financement. S’il existe bel et bien des mécanismes permettant de faire participer la communauté étudiante à la prise de décision, celle-ci détient peu de poids décisionnel face aux personnes non-étudiantes qui y siègent, déjà de par leur infériorité numérique dans les comités.
En effet, les personnes qui étudient dépendent des personnes qui évaluent les cours et octroient les diplômes. C’est donc un rapport hiérarchique dans lequel un groupe détient le pouvoir de contrôler le présent et l’avenir de l’autre. Pour cette raison, de nombreux membres de la communauté étudiante peuvent avoir peur de dénoncer, tant les violences sexuelles que les violences racistes et transphobes vécues entre les murs de l’UQAM, et maintenant dans les cours en ligne.
Par ailleurs, si Lorange reproche à l’UQAM de ne rien faire, il gagnerait à s’informer auprès des personnes militantes menacées de poursuite ou effectivement poursuivies pour avoir exprimé des positions qui ne concordent pas avec celles de l’institution. Ce n’est d’ailleurs pas d’hier que l’UQAM, comme d’autres universités, utilise des moyens répressifs pour faire taire la dissidence dans son institution.
Un fantasme de dogme qui en cache un autre
Lorange ne semble également pas comprendre que son article qui dénonce le mythique dogme de « la gauche postmoderne » s’ancre lui-même dans une idéologie universitaire bien établie. Sous le couvert de la défense de l’UQAM contre les associations étudiantes « extrémistes », l’auteur reproduit l’opposition imaginaire entre une droite objective, rationnelle, défenderesse des droits individuels et la gauche hypersensible, qui exagère et met en danger les bases mêmes de notre civilisation. Ce faisant, il associe des groupes et des luttes qui n’ont rien en commun, sauf leur capacité à le déranger.
Pourtant, s’il n’existe pas une gauche postmoderne, mais bien des groupes qui peuvent se rattacher à des idées progressistes, il y a bel et bien une vision de la connaissance qui domine les universités. Sous prétexte de défendre les « justes causes », les « moyens raisonnables » et les personnes non extrémistes de l’UQAM, Lorange participe plutôt à renforcer l’archétype universitaire où la communauté étudiante reçoit passivement des savoirs, qui eux, seraient universels.
Qu’est-ce qui va tuer l’université ?
Enfin, si Lorange s’inquiète que le « trop grand espace accordé à des groupes radicaux » tue l’UQAM, l’arrimage entre les universités et le marché semble être un risque bien plus grand pour les universités, comme on peut le voir actuellement à l’Université Laurentienne. De plus, si des visions dogmatiques peuvent bel et bien limiter les possibilités de réflexion, c’est également le cas des raccourcis intellectuels qui empêchent de réelles discussions de prendre place.
En tant qu’étudiantes de l’UQAM, nous souhaitons tout comme lui que ce soit un lieu « où il fait bon vivre ». Toutefois, cela signifie, pour nous, une université où le corps professoral comme la communauté étudiante et l’ensemble du personnel peuvent dénoncer les violences vécues dans l’institution sans crainte de représailles et où les rapports de pouvoir sont remis en question tant durant les cours, qu’en dehors de ceux-ci. Pour protéger sa réputation, il serait temps que « l’université du peuple » tende l’oreille et qu’elle écoute réellement ce que sa communauté a à lui dire.
Mélanie Ederer, candidate à la maîtrise en travail social à l’UQAM
Alexandra Dupuy, candidate à la maîtrise en linguistique à l’UQAM
Cosignataires
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Stéphanie Thibodeau, étudiante à la maîtrise en éducation, UQAM
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Barbara Fritz, étudiante au baccalauréat en travail social, UQAM
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Wina Forget, candidate à la maîtrise en théâtre, UQAM
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Justine Gendron, étudiante au certificat en Études Féministes, UQAM
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Marie-Ève Simard, candidate à la maîtrise en sociologie, UQAM
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Maude Tremblay, étudiante au baccalauréat en droit, UQAM
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Étienne Aumont, candidat au doctorat en psychologie, UQAM
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Camille Charbonneau, étudiante au baccalauréat en administration des affaires, UQAM
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Charlène Nault, étudiant•e à la maîtrise en linguistique, UQAM
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Franck Rwamo, étudiant au baccalauréat en sciences politiques, UQAM
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Élizabeth Duboc, étudiante à la maîtrise en sciences de la gestion en responsabilité sociale et environnementale, UQAM
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Cheryl Collerette, étudiante à la maîtrise en sciences de la gestion, responsabilité sociale et environnementale, UQAM
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Sabry Adel Saadi, candidat au doctorat en travail social, UQAM
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Julie Levasseur, diplômée du baccalauréat en études littéraire, UQAM