Le cas des rénovictions du Manoir Lafontaine sur le Plateau-Mont-Royal frappe l’imaginaire. 70 ménages locataires risquent de perdre définitivement leur logement très prochainement. C’est fort probablement une des plus grosses tentatives de rénoviction de l’histoire récente du Québec. Leurs propriétaires, Brandon Shiller et Jeremy Kornbluth, veulent y faire des rénovations pendant 7 mois. Ceux-ci se défendent de procéder à des évictions déguisées, se cachant derrière un paravent de vertu en affirmant vouloir rénover les logements et permettre la réintégration des locataires.
Nous en sommes témoins quotidiennement dans les comités logement à travers le Québec. La formule est simple : les propriétaires achètent des immeubles, souvent à fort prix en raison de la spéculation immobilière, ensuite ils évincent les locataires par diverses tactiques, font des rénovations et, finalement, ils relouent au double, voire au triple du loyer initial.
Où vont les locataires évincés? La plupart sont incapables de se trouver un logement dans leur quartier. Ils sont donc déracinés, forcés de quitter leur voisinage, leurs amis, leur famille. Ils doivent parfois changer de ville complètement. Il arrive aussi souvent qu’ils décident de se tourner vers des logements insalubres ou trop petits, incapables de trouver mieux à un prix raisonnable.
Faut-il rappeler que nous vivons une grave crise du logement au Québec? Les taux d’inoccupation sont historiquement faibles dans la plupart des régions du Québec (ils sont artificiellement gonflés à Montréal en raison de la pandémie) et le prix des loyers augmente à un rythme effréné. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), les loyers ont augmenté de 6% en 2020 au Québec, tandis que dans certains quartiers montréalais les hausses tournent autour de 10%. C’est bien au-delà de l’inflation et des taux suggérés par le Tribunal administratif du logement.
Malgré ce scénario catastrophe, il reste de l’espoir. Les locataires sont solidaires et luttent collectivement contre leurs propriétaires. En quelques jours à peine, les locataires du Manoir Lafontaine ont organisé leur riposte, notamment avec l’aide du Comité logement du Plateau-Mont-Royal. Les locataires se sont rassemblés pour partager de l’information, ont érigé des bannières sur leur balcon et ont donné plusieurs entrevues dans les médias. Et les locataires n’ont clairement pas dit leur dernier mot!
Des actions gouvernementales
Au-delà de cette formidable solidarité entre locataires, il est urgent que les différents paliers de gouvernements réalisent l’ampleur du problème et agissent conséquemment. Nous pensons tout particulièrement au gouvernement du Québec qui possède la majorité des pouvoirs en matière d’habitation, mais qui continue à nier la crise du logement.
C’est pour cette raison que nous réclamons à la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, d’instaurer un contrôle obligatoire des loyers. Plus précisément, il faudrait que les estimations moyennes d’augmentation suggérées chaque année par le Tribunal administratif du logement soient rendues obligatoires. Au-delà d’un certain seuil, les propriétaires devraient avoir l’obligation de faire fixer le loyer par le tribunal. De plus, un registre des loyers public est nécessaire afin de lutter contre les hausses abusives de loyer qui surviennent lors des changements de locataires.
La ministre Laforest doit également modifier le Code civil du Québec afin de mieux protéger les locataires contre les évictions. Il est actuellement beaucoup trop facile d’utiliser les voies légales pour se débarrasser impunément de locataires. Enfin, le gouvernement du Québec doit prendre au sérieux la flambée généralisée des prix de l’immobilier qui affecte autant les ménages désirant accéder à la propriété que les locataires. L’avenir du logement est à un point tournant au Québec. Le gouvernement doit impérativement prendre les actions nécessaires pour assurer l’accès à un besoin aussi fondamental qu’un toit sur la tête.
Maxime Roy-Allard, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec
Cloé Fortin, organisatrice communautaire, Comité logement du Plateau Mont-Royal