Alors que le Québec entier se préparait au triste anniversaire de la crise sanitaire, Mireille Ndjomouo, une femme noire de 44 ans s’est éteinte à l’hôpital général juif de Montréal.

Cette femme qui s’est d’abord déplacée au centre hospitalier Charles-LeMoyne s’est sentie si peu écoutée et si peu en sécurité qu’elle a lancé un appel à l’aide sur les réseaux sociaux devant les refus répétés et obstinés du personnel soignant de l’écouter. Ce n’est que lorsque plusieurs personnes se sont déplacées pour faire respecter ses droits qu’on a enfin autorisé son transfert dans un autre centre hospitalier avant de constater son décès.

Il y aurait eu une réaction allergique à la pénicilline administrée, semble-t-il, alors que le personnel soignant était au fait de l’allergie. Que s’est-il passé exactement? Qui était le personnel médical présent qui devait la soigner? Ni vous ni nous n’allons le savoir de sitôt.

Cependant, ne laissons pas ces questionnements effacer la trame de fond, la véritable question : est-ce que cette femme a été respectée, écoutée et a reçu les meilleurs soins que le Québec doit assurer à chaque personne? Nous pensons que la réponse est non.

Urgence de reconnaître le racisme systémique

Nous ne pouvons passer sous silence ce traitement résultant du racisme systémique dans le milieu de la santé au Québec, qui rappelle le décès de Joyce Echaquan en septembre dernier suite à la négligence et la dérision violente des professionnel.le.s de soin de l’hôpital de Joliette.

Les femmes noires, autochtones et racisées sont fréquemment victimes de comportements racistes dans les établissements de santé. Nous devons collectivement reconnaître que nous vivons dans une culture dans laquelle les préjugés envers les différentes communautés ethniques sont omniprésents et que les professionnel.les de la santé ne sont pas à l’abri de biais culturels qui teintent leurs soins. Dans nos organismes, on le voit, on le sent, on l’entend. Les témoignages sont là. Récemment, nous avons reçu le témoignage d’une étudiante infirmière noire dont la professeure lui a dit qu’elle était plus tolérante à la douleur et donc qu’elle pourrait servir de cobaye pour ses collègues étudiant.es. Une autre a vécu une césarienne à froid, d’autres subissent des micro-violences et certaines, comme Mireille, perdent la vie parce que l’on refuse de les écouter, de les croire, en raison, oui, de la couleur de leur peau.

Le contexte de la COVID-19 renforce l’isolement des personnes qui font face à de la discrimination systémique en milieu hospitalier puisque l’accompagnement par un proche est limité. Ici, quand on parle d’accompagnement, on ne parle pas uniquement d’une personne significative qui vient vous tenir la main, mais d’une personne qui jouera le rôle de témoin et d’avocat.e de vos droits en cas de tentative d’abus.

En appui à la demande de la famille de Mme Ndjomouo, nous exigeons qu’une enquête interne soit faite pour comprendre les conditions d’hospitalisation de Mireille Ndjomouo.

Nous demandons aussi une enquête externe de la part du Collège des médecins, et que le Groupe d’action contre le racisme (GACR) du gouvernement du Québec étudie la situation en partenariat avec les groupes qui étudient la question depuis de nombreuses années. Nous revendiquons des sanctions exemplaires pour le personnel soignant concernant l’absence de consentement, le non-respect des droits et les fautes médicales potentielles, ainsi qu’un plan d’action du GACR pour adresser le racisme dans le système de santé québécois.

M. Legault, combien de personnes encore devront perdre la vie avant que vous reconnaissiez l’existence et les ravages du racisme systémique au Québec?

Laurence Raynault-Rioux, co-coordonnatrice de la Fédération du Québec pour le planning des naissances

Sophie Mederi, pour le Regroupement Naissances Respectées

Marlihan Lopez, Co-vice présidente de la Fédération des Femmes du Québec

Co-signataires :

Stéphanie Germain, pour Hoodstock

Josyane Giroux, pour le Regroupement les sages-femmes du Québec

Jessica Quijano, Projet Iskweu, Native Women’s Shelter

Tarah Stephi Paul, intervenante au CALACS de l’Ouest de l’île

Émilie Théroux, pour Le Collectif pour le libre-choix

Sarah Landry, pour le Groupe Maman

Marie-Andrée Gauthier, pour le Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec

Patricia LaRue, pour la Clinique des femmes de l’Outaouais

Anastasia Marcelin, directrice de Nous sommes la ligue des noirs nouvelle génération

Mélina Castonguay, pour Les Passeuses

Josyane Giroux, présidente du Regroupement les Sages-femmes du Québec

Pascale Dupuis, pour le Centre de santé des femmes de la Mauricie

Gabriella Kinté, pour la Librairie Racine

Sylvie Majeau, présidente de la Table des groupes de femmes de Montréal

Karine Martel, médecin généraliste en santé des femmes

Emilie Cantin, professeure au Cégep Marie-Victorin

Ingrid-Arielle Mugiraneza, conseillère en intervention psychosociale

Natalie Stake Doucet, infirmière, AQII

Martin Jalbert, membre du comité contre le racisme systémique du Cégep
Marie-Victorin

Annick Bourbonnais, Association québécoise des accompagnantes à la naissance