Au contraire, nous qui travaillons dans les institutions de santé, les services sociaux, les organismes communautaires, nous qui travaillons avec d’autres individus, souvent en ayant le pouvoir de prendre des décisions qui ont des impacts majeurs sur leur vie… nous sommes humains.
Nous sommes imprégnés par la société dans laquelle nous baignons, influencés par les discours qui nous entourent, par les croyances populaires. Nous avons les mêmes préjugés, les mêmes biais, les mêmes tendances à fuir ce qui nous rend inconfortables et ce que nous ne comprenons pas. Nous écoutons les mêmes médias, rions des mêmes mauvaises blagues et sommes les mêmes à vivre des situations que l’on peut constater chez les personnes avec lesquelles on travaille. Vous connaissez les cordonniers mal-chaussés? C’est nous.
Ça ne veut pas dire que nous ne mettons pas du cœur dans notre travail et que nous ne voulons pas contribuer au mieux-être des personnes qui nous entourent. Bien souvent, nous sommes des personnes généreuses, qui en prennent trop sur leur épaule, qui travaillent dans des métiers sous-payés et pas toujours reconnus à leur juste valeur. Nous le faisons malgré tout parce que ça fait partie de nous de vouloir aider notre prochain.
Mais, ce n’est pas assez. Ce n’est pas parce que nous sommes dans des métiers où nous donnons plus que notre temps que ça signifie que nous l’utilisons à bon escient.
Il faut arrêter de penser que l’habit fait le moine.
Que l’emploi fait le cœur
Que travailler dans le domaine du care est un gage de valeurs
Et il faut se le rappeler continuellement.
Tant que nous ne sommes pas prêts à changer comment nous parlons de nos emplois et de nous-mêmes, nous ignorerons les nombreuses violences que vivent les personnes qui viennent nous voir. Nous refuserons de comprendre comment nous y participons. Et nous continuerons à faire l’autruche plutôt qu’à croire les individus qui dénoncent les violences dont nous faisons partie.
Il est vrai que, comme professionnel soignant ou soutenant, nous sommes débordés. Nos équipes fonctionnent fréquemment en sous-effectifs et nos organismes s’épuisent à courir après du financement. Toutefois, nous ne pouvons nous servir de ces conditions comme excuse pour nous déresponsabiliser de nos rôles individuels et collectifs dans ces violences que vivent des individus qui fréquentent nos organisations.
Les discriminations existent bel et bien dans les soins de santé et des services sociaux, comme ailleurs au Québec. Arrêtons de nous fermer les yeux, de froncer les sourcils de surprise et de pointer du doigts certains individus comme étant l’exception.
En maintenant un aura de pureté autour de certains emplois, nous sommes tous complices.
Mélanie Ederer, travailleuse sociale
Merci à Magalie Lefebvre Jean pour sa contribution dans l’écriture.