Cette phrase a été dite dans la foulée des ravages causés par l’ouragan Katrina, en Nouvelle-Orléans dans l’État de la Louisiane. Bush fils avait été vertement critiqué pour sa réponse lente à cette tragédie environnementale qui a fait près de 2000 morts et un nombre incalculable de blessés. Katrina, c’était l’un des ouragans les plus puissants de l’histoire des États-Unis. La Nouvelle-Orléans, c’était une population composée surtout d’Afro-américains, l’une des plus importantes concentrations de personnes noires au pays.
Comme à l’habitude, cette catastrophe naturelle a mis en lumière et exacerbé les inégalités socioéconomiques et de santé : ce sont les Afro-américains qui furent les plus affectés tout en le plus laissé à eux-mêmes. Aujourd’hui, la vaste majorité de ces Afro-américains ont déserté les lieux. La région, gentrifiée et surtout peuplée de Blancs et de Latino-Américains avec de meilleurs revenus, s’adapte à la menace perpétuelle que représente l’eau.
L’histoire se répète
Le 28 février dernier, Radio-Canada nous apprenait qu’en Louisiane, l’Isle de Jean-Charles était vouée à disparaître. Depuis 1950, cette île a perdu 98% de sa superficie sous l’eau. D’ici deux générations, elle sera entièrement submergée. Deux générations : ce sont les enfants de mes enfants que j’aurai peut-être, soit la génération qui ferait de moi une grand-mère. Ainsi, les « Autochtones francophiles » qui peuplent ce bout de territoire sont aujourd’hui les tout premiers réfugiés climatiques d’Amérique.
Cela fait longtemps que les scientifiques sonnent l’alarme quant au réchauffement climatique. Notamment, la magnifique chanson « Plus rien » de 2004 des Cowboys Fringants – ma préférée de leur répertoire qui a bercé mon enfance – a été écrite à la suite d’une conférence du scientifique et astrophysicien Hubert Reeves. Ce dernier avait déclaré que la planète avait connu plusieurs extinctions massives et que la prochaine serait très probablement celle de l’humanité, de l’Homme avec un grand H.
De Nakate à Peltier : pour un mouvement pluriel pour le climat
À la fin septembre 2019, Montréal a connu une marche historique ayant rassemblé près d’un demi-million de personnes pour le climat à la venue de la militante écologiste suédoise Greta Thunberg. Greta Thunberg s’identifie comme étant Asperger, une différence cognitive pas toujours visible à première vue et qui se retrouve sur le spectre de l’autisme. Parmi les caractéristiques répertoriées chez les individus neuroatypiques se retrouvant sur ce spectre, nommons les intérêts poussés dans un domaine d’activité restreint (visiblement ici, on parle d’environnement pour Thunberg), une incapacité à mentir faussement interprétée comme un manque d’empathie envers autrui, une préoccupation importante pour la justice, la vérité et l’équité, des difficultés de compréhension des normes sociales amenant souvent à être maladroit, incompris et mal interprété, au point de vivre de l’intimidation, du rejet et de l’anxiété sociale. Ajoutons à cela une absence de préjugés souvent confondue avec de la naïveté.
Malgré sa grande intelligence et force de caractère, la reconnaissance internationale accordée à Greta Thunberg se voit toutefois influencée par son privilège blanc et de classe. Plusieurs autres militant.es sont très actifs sur cet enjeu, parfois depuis plus longtemps, mais leur message crucial ne porte pas autant que celui de Thunberg.
Quand je pense à des jeunes militants environnementaux, le nom de l’Ougandaise Vanessa Nakate me vient à l’esprit. Nakate a eu beaucoup d’attention à l’international – bien que son militantisme date de plusieurs années – après avoir été coupée d’une photo de l’Associated Press (AP) où Greta figurait ainsi que d’autres jeunes militants écologistes blancs, Loukina Tille, Luisa Neubauer et Isabelle Alexsson. L’AP avait été forcée de s’excuser publiquement et en privé à Nakate devant le tollé qui a mis en lumière le manque de diversité et de représentation au sein du monde écologiste.
Plus près de chez nous, le nom de Autumn Peltier, protectrice du droit à l’eau de la nation Anichnabé, ressort. Peltier s’est exprimée devant les Nations Unies en 2019 pour expliquer que le Canada brime le droit d’accès à l’eau potable de nombreuses communautés autochtones. En 2016, à l’âge de 12 ans, elle a confronté le premier ministre Justin Trudeau qui avait promis de faire mieux. Un Justin Trudeau qui a promis de planter deux millions d’arbres dont on n’a toujours pas vu la couleur de l’argent et les feuilles. Visiblement, une autre annonce-choc, sans aucune substance.
À mon sens, il nous faut centrer les militant.es et penseurs écologistes situés dans les marges de nos sociétés, soit ceux racisés, noirs et autochtones, afin que l’on trouve des solutions à l’impasse environnementale actuelle. Un genre de retour aux sources.
L’erreur boréale
En 2017 et 2019, l’arrondissement de Pierrefonds-Roxboro et de L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève, bordé par la Rivière des Prairies, a été frappé par des inondations monstres et historiques. Le West Island de Montréal, c’est là où j’ai passé la majorité de mon adolescence dans des petits appartements avec ma famille. Comme une image vaut mille mots et que la plupart des gens ont la mémoire courte, au point d’en oublier des déclarations lourdes de sens dites le matin même, voici ce qui nous avait mérité l’état d’urgence décrété en 2017 par le maire Coderre. La Rivière des Prairies dans la ville. Littéralement.
Il va falloir innover, être visionnaire, audacieux. Donner un véritable coup de barre, sinon on sera pris de court, comme avec la COVID-19 et le système de santé.
Je ne crois pas à la pureté militante, pas plus qu’à la pureté des comportements individuels, cette pression et culpabilité indue qu’on veut faire porter aux individus au lieu de pointer du doigt l’ensemble de l’œuvre. Même si certains veulent tant jouer à MTV Hollywood Activist Superstar. On ne changera pas la donne à coup de sacs réutilisables, de bacs de compost et de recyclage. Ce qu’il faut surtout, c’est des politiques publiques qui mettent les grandes compagnies, les grands pollueurs à genoux. Et pour ça, ça prend la volonté politique. Pour qu’il y ait volonté politique, il faut une mobilisation sociale durable, à l’unisson et non en silo. Une Révolution tranquille 2.0 qui nous amènerait à faire un virage à 180 degrés dans notre modèle économique et de manière transversale à tous nos ministères.
Il va aussi apprendre à s’inspirer des innovations et de la vision des pays du Sud, eux qui subissent de premier chef les conséquences de nos excès au Nord. Je pense notamment au projet The Great Green Wall qui a fait l’objet d’un documentaire avec la chanteuse Inna Modja en tête d’affiche. The Great Green Wall comme dans « rêve africain ».
Faire preuve d’un optimisme lucide
Il n’y a qu’une évidence à mes yeux : il va falloir mettre l’égo de côté et se solidariser dans une véritable convergence des luttes – antiraciste, féministe, environnementale et j’en passe – parce que ces enjeux sociaux tirent leurs sources du même mal : le colonialisme et
l’hétéropatriarcat. De plus, il n’y a pas de capitalisme sans racisme.
C’est d’ailleurs ironique qu’au provincial, le ministre Benoit Charette ait hérité de deux dossiers d’importance : l’environnement et la lutte contre le racisme.
Dans un optimisme lucide, le scientifique Hubert Reeves nous appelle toujours à l’action. Car il n’est pas trop tard. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir et une possibilité d’éveiller les consciences endormies. Il faut que l’on soit woke (en paroles, mais surtout en actions derrière les portes closes, à l’abri des caméras et des médias sociaux, là où ça compte pour de vrai). Ça commence par tendre l’oreille vers celles et ceux qui n’ont pas le monopole de la parole.