« J’ai lu beaucoup de choses ces 24 dernières heures; certaines belles, d’autres condamnables. Je vous invite à lire ce texte. Personnellement, il m’a fait le plus grand bien : J’ai une peau noire et je rejette le concept de racisme systémique »
Fair enough!
Reste que je me demande ce qui va lui faire le plus grand mal, moi, au ministre Charette!
La question se pose quand même à savoir quelles étaient les compétences requises pour ce ministère qui revêt une importance particulière dans le contexte actuel. Je n’ose pas croire que l’idée d’avoir une conjointe noire ait été l’unique prérequis favorable à l’octroi du titre de responsable à ce, je le réitère, nouveau mandat pour une personne croulant déjà sous l’absence de propositions d’envergure en ce qui touche ses dossiers au niveau environnemental.
A t-il un long historique, dans son autre ministère, de recrutement et de rétention de personnes racisées dans des positions d’influence?
S’il le nie, qu’en est-il de celui du racisme environnemental? Est-ce qu’il dira : « Là, ça, c’est pas dans ma cour… »? Ira-t-il se chercher un livre de Robert D. Bullard, considéré comme le « père » de la justice environnementale, ou scandera-t-il que ce concept associant environnement et justice ou environnement et racisme n’est propre qu’aux Américains et ne doit absolument pas être importé?
Donner des données au Ministre
Sait-il que les quartiers noirs sont souvent imaginés comme sites de dépôts de déchets et de déchets toxiques? Va t-on lui dire que ces quartiers, dans la longue tradition canadienne, subissent tout ce que l’absence de politique publique conséquente et antiraciste peut engendrer? Pas obligé d’aller voir les effets différenciés de l’ouragan Katrina de 2005 sur les blancs et les noirs de la Louisiane. On peut regarder les effets différenciés de l’ouragan de pandémie auprès des populations qui composent le Québec.
Encore faut-il vouloir regarder sans le désir de ne voir que ce qui nous fait le plus grand bien Va-t-il s’intéresser aux effets différenciés de la pandémie chez les populations fortement représentées dans les emplois précaires et corps de métier de première ligne? Fera-t-il une analyse de la trajectoire de la pandémie dans les territoires avec populations fortement diversifiés au plan ethnoculturel par comparaison avec les territoires composés principalement de communautés blanches? S’intéressera-t-il aux pathologies discriminatoires? À l’absence d’équité fiscale dans les budgets de recherche face aux réalités distinctes vécues par les communautés noires dans le milieu de la santé? Que fera-t-il, en fait? Il va nous filer une liste d’articles hebdomadaires à lire?
Vers l’avant
Quel sera le legs du Ministre Charette?
Se permettra t-il d’accueillir les réflexions sur le racisme médiatique? Fera t-il preuve d’introspection? Prendra-t-il son collègue, Ian Lafrenière, policier, militaire, ministre responsable des Affaires autochtones, par le cou (ou plutôt le coude vu la pandémie), en lui chuchotant: «Je doute de pouvoir servir les attentes des principales personnes qui subissent le déni de l’urgence d’agir sur le racisme. Démissionnons ensemble, vu que toi aussi, c’est pas fort, ta posture. Come on, le Principe de Joyce, c’est la bonne chose à faire mon chum! » Ou va-t-il continuer à raconter des anecdotes sur sa famille riche de sa diversité?
Racisme et médias
Prenons un petit pas de recul et de côté. Le 1er décembre 2020, le gouvernement du nouveau ministre responsable de la lutte contre le racisme ainsi que du ministère de l’Environnement, publiait par l’entremise de la présidente de la Commission de la culture et de l’éducation, Mme Lise Thériault, le rapport unanime de la Commission dans le cadre de son mandat d’initiative portant sur l’avenir des médias d’information. C’est, si je ne m’abuse, la même Lise Thériault associée à la mauvaise gestion des allégations de mauvais traitements subis par des femmes autochtones de Val-d’Or. Celle dont l’ex-député Bernard Drainville, alors au PQ, demandait la démission en invoquant son manque de jugement, un comportement erratique et indigne de ses fonctions.
On parle donc d’une commission ayant reçu plus de 87 mémoires et entendu plus de 50 intervenants et dont les observations et recommandations ont été regroupées selon cinq thèmes : le financement des entreprises et des organismes de presse, la viabilité des modèles d’affaires à l’ère du numérique, la présence régionale et la valorisation du rôle local de l’information, l’indépendance des médias d’information et le droit du public à l’information.
Dans ce rapport:
Rien sur l’éthique.
Rien sur l’équité.
Dans la forme, c’est un cortège de personnes quasi-exclusivement blanches qui plaident malgré le risque d’inféodation, au nom d’organisations majoritairement blanches, pour que le gouvernement, rappelant l’époque Duplessis, sauve le modèle d’affaires du 4e pouvoir québécois de l’influence grandissante « qu’exercent ou que pourraient exercer sur leur travail les intérêts privés des propriétaires de médias et des annonceurs ». Le tout dans un contexte de silence sur qui a tué Joyce Echaquan et d’erreur sur la personne de Camara, alimenté médiatiquement par des créateurs d’information qui œuvrent encore, sans blâme et sans contre-pouvoir face à leur pratiques génératrices de biais et de panique morale.
Comment prendre la pleine mesure du courage du nouveau ministre en matière de lutte contre le racisme?
Il est dit dans le rapport sur les consultations particulières et auditions publiques dans le cadre du mandat d’initiative sur l’avenir des médias d’information que «De 2003 à 2017, les investissements publicitaires dans les quotidiens québécois sont passés de 507 millions à 255 millions de dollars et du côté des hebdomadaires, de 169 à 119 millions. […] Selon les données de l’Institut de la statistique du Québec. […] De 2006 à 2016, le nombre de personnes exerçant le métier de journaliste est passé de 4 255 à 3 840, soit une baisse d’environ 10 %».
Malgré l’aide de 36,4 millions de dollars en 2017 pour soutenir la presse d’information, suivi du plan d’urgence pour le soutien aux médias écrits, représentant près de 50 millions de dollars par année d’ici 2023-2024, l’exode du regard québécois est tel que en 2018-2019, le gouvernement du Québec a dépensé une somme record en publicité sur les plateformes des géants du Web, soit 3,7 millions de dollars.
D’ailleurs, même le nouveau ministre est contraint de se tourner vers Twitter pour parler de ses lectures préférées.
Est-il prêt à faire en sorte que QUE le gouvernement du Québec s’assure que le soutien public accordé aux médias est conditionnel au respect de critères de transparence et de reddition de comptes, mais aussi d’une éthique renouvelée pour la protection des personnes racisées?Est-il prêt à exiger qu’une demande similaire à l’engagement pris par Catherine Tait, présidente de Radio-Canada? Elle annonçait en juin 2020, peu de temps après les soulèvements entourant le décès de George Floyd, que 50% de toutes les futures embauches au sein de la haute direction du diffuseur national refléteraient la diversité du Canada. Dans un contexte québécois, Monsieur Charrette pourrait insister pour que l’ensemble des médias recevant un soutien gouvernemental aient un effectif qui reflète la diversité distincte de sa composition locale?
Car, le racisme dans notre société s’alimente aussi des publications portant préjudices à des personnes dont les voix ne sont que constamment minorisées dans l’espace médiatique québécois. Le récent texte du Journal de Montréal « Deux vols en provenance d’Haïti bourrés de cas de COVID », bien que corrigé suite à l’indignation populaire, témoigne de l’absence de contre-pouvoir formel pour éviter ces frasques récurrentes.
Est-il prêt à plaider pour que l’augmentation des dépenses publicitaires gouvernementales dirigées vers les médias locaux, régionaux et nationaux soit conditionnelle aussi au respect et l’application de politiques antiracistes?
Est-il prêt à finalement favoriser la transparence et le dialogue ouvert sur l’enjeu du racisme en divulguant « la liste des des gens ou groupes très pertinents » rencontrés par le Groupe d’action contre le racisme qui comprenait sept députés de la CAQ? Ces groupes sont peut-être, à raison, encore en contact avec le gouvernement, mais plus de voix gagnent à informer des tristes réalités du terrain, non?
Il est prêt à quoi, au fait, le ministre de la lutte contre le racisme?
Je lui suggère d’entamer sa première semaine de mandat avec un recensement critique des textes publiés dans ses journaux préférés en se demandant quels sont les leviers à sa disposition pour aider le 4e pouvoir à non seulement survivre, mais à permettre aux gens sous-représentés adéquatement par ces derniers d’avoir accès à une information reflétant de hautes normes journalistiques et non rigide de déni d’humanité.