Bien que nous comprenions le danger que représente l’introduction des nouveaux variants du SARS-CoV-2 au Canada et la transmission communautaire accrue de ceux-ci, les moyens (quarantaines payantes, fermetures des frontières) envisagés par le gouvernement fédéral et réclamés par le gouvernement du Québec nous préoccupent. Ceux-ci risquent d’affecter disproportionnellement les familles proches et élargies binationales, qui sont déjà précarisées par la situation pandémique. Elles auront pour effet de rendre la réunification familiale inenvisageable pour la plupart d’entre nous.

Si les mesures sanitaires sont essentielles à la lutte contre le virus, l’amour est essentiel à la vie

Comme vous, les familles binationales vivent le confinement. Nos biopsies sont retardées. Nos chirurgies sont suspendues. Nous vivons les mêmes répercussions que le reste de la population canadienne. Les mesures sanitaires nous affectent tout autant, et nous y adhérons afin d’endiguer la pandémie, incluant la quarantaine obligatoire. Nous ne sommes pas des personnages sur Instagram, vantards sur la plage, fiers de récolter injustement un chèque de 1000 $. Comme le démontrait déjà le mouvement Love is not tourism, nous ne voyageons pas pour le plaisir, mais pour le droit fondamental de revoir les membres de nos familles. Nous sommes des gens ordinaires qui devons mettre une partie de notre vie de côté, dans l’attente d’être réunis avec ceux que l’on aime.

Depuis le 14 avril, les voyageurs ayant un plan de quarantaine non approuvé par les douanes canadiennes sont redirigés vers une quarantaine à l’hôtel. En octobre 2020, le gouvernement de Justin Trudeau a assoupli les restrictions aux frontières afin de permettre aux membres de la famille élargie d’entrer au Canada. Ceci représente un gain qui est grandement mis en danger par l’adoption de mesures prohibitives telles qu’une quarantaine sous surveillance payante au coût de 2000 $. Des mesures intermédiaires seraient tout aussi efficaces tout en protégeant notre droit à retrouver nos conjoints, nos enfants, à porter assistance à nos parents se trouvant à l’extérieur du Canada.

Nous ne serons pas les boucs émissaires de vos politiques défaillantes

Le gouvernement du Québec rejette la faute sur les individus. Selon les statistiques épidémiologiques, les voyageurs représentent entre 0,4 % et 2,9 % des contagions. En comparaison des taux d’infections dans d’autres milieux, notamment le milieu manufacturier et celui du commerce de détail, tels que publiés par l’INSPQ en date du 9 janvier 2020, le risque de contagion est faible. Nous nous en remettons à l’expertise des épidémiologistes pour dresser le portrait de la situation.

Il nous faudrait plutôt accuser les mesures d’austérité budgétaire et le démantèlement de l’État-providence par les gouvernements successifs. Le surmenage des soignants, l’engorgement des hôpitaux et les conditions dégradantes des milieux de soin de longue durée sont des problèmes systémiques portés par des politiques néolibérales n’ayant pas à cœur le bien-être des citoyens. Nous en faisons maintenant tous les frais.

Il nous faudra faire un important constat à la fin de cette période éprouvante. Il sera de notre devoir de remettre l’humain au centre des politiques publiques. Entre-temps, il est essentiel de protéger notre droit à l’amour, à la famille.

Fanny Latreille et Corine Lemieux

Ressource pour les familles binationales : www.facesofadvocacy.com

NDR : cette lettre a été rédigée le 29 janvier, avant les annonces gouvernementales. Le passage au sujet des amendes a été modifié après la publication initiale.