Il existe de nombreux exemples de mesures qui contribueraient à renforcer la solidarité sociale et à atténuer la pandémie : des augmentations salariales; un ratio enseignant / élève plus petit; des tablettes, des ordinateurs portables et l’internet à la maison gratuits pour tous les élèves québécois; l’amélioration des systèmes de ventilation dans les écoles et les lieux de travail; et beaucoup plus.
De plus, la surveillance policière accrue et une augmentation de contraventions, entre autres, risquent de compromettre le traçage ainsi que d’autres mesures qui s’avèrent cruciales à l’atténuation de la pandémie.
Les approches autoritaires et paternalistes se retournent également contre les communautés de la classe ouvrière et populaire, au sein desquelles nous n’aimons pas la condescendance, particulièrement celle des flics et des politiciens discrédités (ou les petits mouchards de quartier). Ces approches centrées sur la police sont contraires à la solidarité et à la santé collectives, et finissent par favoriser le retournement des communautés les unes contre les autres, plutôt que de s’attaquer aux raisons structurelles de l’échec de notre réponse à la pandémie. Ces raisons structurelles comprennent le sous-financement prononcé du secteur des soins de santé au cours des trente dernières années par des gouvernements provinciaux consécutifs qui ont tous promu .
Un couvre-feu général, comme le premier ministre du Québec François Legault l’a annoncé pour samedi, renforcera la recherche constante de boucs émissaires, généralement en blâmant d’autres membres de la société, et la dépendance continue envers les flics. Pendant ce temps, les acteurs pernicieux de notre société — en particulier, les capitalistes qui ont promu l’austérité et les entreprises parasites depuis des décennies — reçoivent une carte de sortie de prison. Le fait que la réponse à la pandémie du gouvernement Legault exige l’ouverture de grand nombre de lieux de travail, malgré les preuves évidentes de la propagation du virus dans les lieux de travail de grande envergure, n’est pas un secret.
Le virus n’agit pas différemment la nuit, et il y a de nombreuses raisons de sortir après 20 heures sans compromettre d’aucune façon les objectifs collectifs de santé publique, et sans être harcelé par les flics qui exigent de savoir exactement ce qu’on fait et avec qui.
Comme d’autres l’ont souligné, en particulier les travailleur-euse-s communautaires de première ligne et les militants à la base : le couvre-feu aura des implications horribles pour les sans-abri, pour les personnes en détresse, pour les personnes prises dans une relation de violence et pour les personnes sans-papiers. La police pourra demander des informations personnelles et pourra justifier d’autres mesures répressives connexes dans le cadre du couvre-feu envers toutes et tous, incluant les travailleurs essentiels sans-papiers, ce qui entraînerait davantage de détentions et de déportations.
Apparemment plus banal (mais toujours important pour notre santé mentale) : qu’en est-il des promenades, de l’exercice ou de toutes les autres choses que nous faisons et que nous avons faites en toute sécurité après 20 heures? Fidèle à la gestion de la pandémie par Legault, le couvre-feu est autoritaire et destiné à faire peur, pas à améliorer réellement notre santé collective. C’est aussi quelque chose qui n’a aucun sens dans la réalité cosmopolite des zones urbaines comme Montréal, un dynamique qui est également fidèle à la marque Legault.
Lors d’un point de presse cette semaine, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a fait l’éloge bizarre de la police quant à leur aide tout au long de la pandémie et leur a demandé de faire preuve de « bon jugement » et de discrétion en ce qui concerne le couvre-feu. Elle a également refusé de se prononcer sur les nombreux exemples de manque de jugement de la part des forces de police partout au Québec pendant cette pandémie et semblait ignorer les réalités des profilages racial et social. Rappelons-nous que cette même ministre avait demandé aux Québécois.e.s d’être « dociles » et « obéissant.e.s » en avril dernier.
Les professionnels, ainsi que les experts de la santé publique, débattent vivement de la nécessité d’imposer des couvre-feux pour atténuer les effets de cette pandémie. Ces débats sont inévitablement très politiques, comme une grande partie de la réponse à la pandémie. La division est prévisible : s’en remettre à l’autorité ou fournir de l’information, des ressources et des services à la population; trouver des boucs émissaires ou contribuer au soutien, à l’entraide et à la réduction des méfaits; rabaisser et blâmer constamment les personnes démunies et marginalisées ou confronter et vaincre les problèmes systémiques et structurelles.
Il existe une position de gauche, progressiste et pro-science, qui prône la prise au sérieux de la pandémie et des mesures de santé publique, tout en refusant de céder à des mesures autoritaires inutiles et contre-productives, qui finissent par mettre les flics au centre, au lieu d’une politique de santé publique solide. Une telle position doit continuer à prendre plus de place publiquement et s’opposer sans compromis aux couvre-feux et aux flics tout en favorisant des réponses efficaces à la pandémie qui aident à développer la justice sociale et la solidarité à long terme.