J’en fus – c’était par un idéalisme que je sais aujourd’hui fort mal-placé que j’ai moi-même joint les rangs du Régiment de Maisonneuve en 1999, dans un climat géopolitique pré-11 septembre 2001 dans lequel le Canada envoyait ses Casques Bleus un peu partout pour « maintenir la paix ». C’est ainsi que je me voyais à l’époque… Casque bleu. La suite fut évidemment fort différente.

Je m’attendais à me reconnaître dans le parcours et les ambitions du jeune homme. À plusieurs reprises au cours de ma carrière militaire, on m’a surnommé « soldat-poète », « guerrier-poète » et j’en passe, vu ma propension à chroniquer nos mésaventures. Bref, de nombreuses variations sur la figure de ce combattant qui manie aussi bien l’épée que la plume, incarnée de manière exemplaire par le personnage d’Aramis dans Les trois mousquetaires.

J’avais même appris qu’un Jean-François Vaillancourt s’était mérité une médaille de bravoure en Afghanistan en 2011. L’auteur s’était enrôlé seulement deux ans auparavant – je m’entretiens donc ce matin avec une « superstar » militaire, me dis-je en ce vendredi matin.

Ce n’était pas lui, mais ma relative déception fut de courte durée.

Lorsqu’il a rejoint les rangs de la Réserve de l’armée canadienne en 2009, l’adolescent de 16 ans qu’était Jean-François Vaillancourt ne se doutait pas de l’ampleur de l’expérience humaine qu’il allait vivre, encore moins qu’il en tirerait un roman.

Malgré qu’il soit lui-même fils d’un militaire de carrière, il n’avait même jamais envisagé de s’y enrôler, mais entre jouer au soldat à temps partiel et travailler au salaire minimum dans un emploi étudiant quelconque, le choix s’est imposé.

« Je n’ai jamais été un trippeux de guerre, ça n’a jamais été même une option de carrière. C’est un choix qui s’est présenté à moi parce que je trouvais que les jobs étudiantes normales n’étaient pas intéressantes ».

C’est d’ailleurs ce qui motive la grande majorité des réservistes, ces « citoyens-soldats » qui enfilent l’uniforme un soir par semaine, une fin de semaine par mois et à temps plein durant l’été.

Mais ça, ce n’est que le principe de base. Au plus fort de la guerre en Afghanistan, les réservistes ont compté pour près du quart des soldats déployés, même chose pour les missions de « maintien de la paix » comme en Bosnie entre le milieu des années 1990 et le début des années 2000. Et pour nombre d’entre eux, leur statut de soldat à temps partiel aura rendu l’accès à des soins et à des prestations plus ardu que leurs camarades de la force régulière.

Plusieurs sont revenus décorés, d’autres ne connaîtront pas le privilège de la vieillesse. Et pourtant, on les regarde encore aujourd’hui comme des « soldats de seconde zone », moins compétents, moins professionnels.

Mais c’est sans compter le patriotisme et le sens du devoir qui les poussent à mettre études et carrières en veilleuse pour mieux les voir usurpés par des gouvernants qui les envoient dans des guerres fondées sur des mensonges, plus souvent qu’autrement dénuées de noblesse et combattues au nom d’intérêts particuliers.

Mais Jean-François n’a jamais envisagé de participer à une mission outremer, d’autant que le Canada avait retiré ses troupes de Kandahar alors qu’il n’était qu’une recrue à peine formée.

« J’avais de la difficulté à trouver ma place dans cet univers et je commençais à accumuler de trop grosses responsabilités. Pour moi, être réserviste, c’était un emploi dans lequel je voulais avoir du plaisir », explique celui pour qui la progression en grade marqua, ironiquement, la fin de sa carrière militaire, en plus de vouloir se concentrer sur sa véritable ambition : devenir écrivain.

Et à en juger par son premier roman, ce fut une sage décision.