Le discours de justification reste toujours le même : des tirs de roquettes en provenance de Gaza. Le Dôme de Fer protège les citoyens israéliens. Nous adoptons une posture défensive. Le Hamas doit se rendre, les autres groupes armés palestiniens aussi.
La différence (et, présumons-le de manière assez sûre), c’est que Gaza est une prison à ciel ouvert pour ses habitant.e.s, au sud d’une terre occupée et colonisée de la manière la plus brutale et volontairement ignorante du droit international.
Concurremment, la Turquie et la Russie se sont affrontées dans le Haut-Karabakh dans une guerre de procuration entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Les civils arméniens ont brûlé leurs maisons au rythme de l’avancée de l’armée azerbaidjanaise, à peine un siècle après un génocide commandé par l’empire ottoman. Au Sahara occidental, l’armée marocaine et les milices du Front Polisario ont rompu leur cessez-le-feu pour la première fois en trente ans. Le sang continue de couler au Yémen, avec la bénédiction des puissances occidentales. Les terres de la République démocratique du Congo et de nombreux autres pays d’Afrique se font éventrer et leurs richesses pillées par des multinationales étrangères, protégées par les bandits sous contrôle de despotes à gages.
Se souvenir… pour mieux oublier
La semaine dernière avait lieu le Jour du Souvenir, ce moment de l’année où on observe un important devoir de mémoire face aux millions de morts – soldats et, surtout, civils – qui sillonnent le sanglant parcours de l’histoire depuis le début du XXe siècle.
On nous bombarde de poncifs et de récits qui occultent les dérangeantes vérités qui se cachent derrière les beaux discours et les injonctions contre la critique.
Le complexe militaro-industriel canadien n’en finit plus de croître, comme en témoigne notamment cet effort de lobbyistes pour qu’une usine du géant français de l’armement MBDA ouvre une usine de munitions en Beauce. Des drones turcs déployés au Haut-Karabakh sont dotés de technologie canadienne.
Le Canada est et sera toujours un allié indéfectible de l’État d’Israël et approuvera toujours tacitement l’occupation et la colonisation des terres palestiniennes, qu’importe la gravité des crimes de guerre commis. Aux Communes, seul le Bloc Québécois, sa cheffe d’alors Martine Ouellet et le député (et ex-chef) Mario Beaulieu avaient osé déposer une motion en 2017 reconnaissant la légitimité de l’État palestinien. Inutile de dire que la machine sioniste s’est alors mise en marche si bien que l’ensemble de la classe politique fédérale et même Gilles Duceppe avaient appelé le parti à clarifier sa position et forcé le Bloc à édulcorer son discours. Le Canada avait applaudi les faux accords de paix chapeautés par les USA entre Israël et trois pays musulmans (j’en ai parlé ici ). Doit-on en conclure qu’en cas d’une guerre contre l’Iran, le Canada s’y engagerait? Sans parler des efforts de censure envers l’organisme pro-palestinien BDS (Boycott, désinvestissements et sanction).
En tant que membre du Groupe de Lima, le Canada travaille activement à renverser le gouvernement démocratiquement élu au Venezuela. 2024 marquera le 20e anniversaire du coup d’État en Haïti contre le président Jean-Bertrand Aristide, auquel le Canada a participé activement.
« Plus jamais »
La Première Guerre mondiale fut un conflit impérialiste dans lequel nombre de Canadiens-Français ont été contraints de servir. Au-delà des histoires de bravoure et des chants glorieux qui javellisent le récit de sanglantes batailles, on cherche à nous faire oublier que c’était la guerre de l’oppresseur britannique, et non la nôtre. Et en avril 1918, des soldats canadiens ont tiré dans le tas lors d’une manifestation contre la conscription à Québec.
Quelques décennies auparavant, des soldats canadiens sont allés écraser une juste lutte menée par les Métis du Manitoba. Encore aujourd’hui, « La Rébellion du Nord-Ouest, 1885 » figure au tableau des « honneurs de bataille » du Royal Canadian Regiment.
Car plus le glas sonne pour nos aïeux qui ont combattu en Europe contre le nazisme, plus on doit nous rappeler que ce sont de jeunes milléniaux canadiens et québécois qui ont servi par milliers en Afghanistan et ailleurs. Le souvenir de l’Holocauste et du nazisme commencent aussi lentement à se faner dans la mémoire vivante collective, ce qui serait un facteur contribuant à ce qu’un pan de la jeunesse soit davantage vulnérable à l’endoctrinement fasciste et néo-nazi.
Du fusil à la plume, mon combat a changé, écris-je souvent.
Nombre de luttes sociales seront de plus en plus inévitables dans un avenir plus ou moins rapproché et la passivité collective n’est plus une option.
Pour paraphraser le grand Albert Camus, si nous ne pouvons refaire le monde, empêchons du moins que celui-ci ne se défasse complètement.