Bon an, mal an, des directions oublient de former de tels comités ou y font siéger les élèves de leur choix, écartent des candidatures avant les élections ou même après leur victoire, car elles leur paraissent irresponsables et incontrôlables. Rien d’étonnant, d’ailleurs, de ne pas entendre les comités d’élèves s’exprimer en cette période de pandémie, alors que la gestion des écoles et des classes s’effectue sans aucun respect de la démocratie scolaire. On veut bien laisser croire aux élèves que la démocratie existe à l’école mais pas au point de les laisser prendre de vraies décisions au sujet d’une situation les concernant directement.
Heureusement, ces manœuvres d’adultes n’empêchent pas les élèves de se concerter, de se mobiliser et de contester, y compris en pleine pandémie. Ainsi, le mouvement de la jeunesse pour le climat a été relancé en septembre, avec plus de 3 000 actions dans le monde. Même Greta Thunberg fait à nouveau grève le vendredi, devant le parlement suédois. Cet automne, les écoles sont aussi le théâtre de mobilisations contre le sexisme et le racisme.
Au Québec, des garçons portent la jupe en solidarité avec les filles soumises à l’obsession sexuelle de surveillants qui se traduit par des humiliations publiques et des suspensions. En France, des lycéennes ont appelé à s’habiller de manière indécente, par provocation face aux mêmes contraintes. En Grande-Bretagne, des filles ont dénoncé l’inaction des autorités au sujet d’un passage près de l’école où 17 agressions sexuelles ont été perpétrées en un an. « Ce n’est pas une “rumeur” : croyez les victimes », pouvait-t-on lire sur leurs pancartes. À la Sarawittaya School, à Bangkok, le groupe « Mauvais élèves » a organisé une manifestation contre les punitions corporelles et pour exiger le renvoi d’un enseignant qui a sexuellement harcelé 14 élèves.
Les élèves se mobilisent aussi contre le racisme, par exemple à l’école Henri-Bourassa, à Montréal. À Calgary, les élèves n’en peuvent plus que la police contrôle les groupes de jeunes « de couleur » devant les écoles et dans les parcs. Sans compter qu’un directeur et une enseignante ont usé du mot-en-N lors d’échanges avec des élèves de la communauté noire. Résultat, 200 élèves ont fait grève et manifesté devant le poste de police.
Aux États-Unis, les élèves du réseau public du Maine ont manifesté pour défendre la légitimité du mouvement Black Lives Matter et des dizaines d’élèves au Kentucky ont fait grève en réaction à la diffusion d’une ancienne photo de leur directeur avec une blackface. Au Royaume Unis, les élèves d’une école pour filles ont manifesté par centaines pour dénoncer des propos racistes d’une élève sur les médias sociaux. En Afrique du Sud, deux écoles ont été touchées par des mobilisations d’élèves, d’ex-élèves et de parents contre le racisme, et contre le sexisme.
Et la pandémie?
Les élèves se mobilisent aussi au sujet de la pandémie, mais ce n’est pas nouveau. En avril déjà, des élèves du Japon manifestaient contre la réouverture des écoles sans mesures sanitaires adéquates. En mai, des élèves du Bénin protestaient pour obtenir des masques. En juin, des élèves d’Afrique du Sud ont déclenché une émeute et ont affronté la police, suite à l’annonce qu’il n’y aurait pas de test de dépistage à l’école même si un enseignant avait contracté la covid-19. D’autres élèves ont bloqué l’entrée de leur école avec des chaînes pour empêcher le retour d’un enseignant malade. En Inde, l’été a été marqué par une campagne sur Instagram pour le report des examens.
D’autres élèves ont entamé une grève de la faim (satyagraha) parce que leur village n’est pas adéquatement approvisionné en électricité, ce qui rend l’enseignement en ligne impossible dans certains foyers. Une élève de 14 ans a déclaré aux médias : « Nous avons une grande foi dans la puissance de satyagraha, une méthode protestataire enseignée par Mahatma Gandhi. Et nous avons aussi beaucoup d’espoir. »
En Grande-Bretagne, les élèves de Cardiff ont manifesté pour exiger l’annulation des droits de scolarité, puisque l’enseignement s’effectue en ligne, alors que les élèves de Madrid ont protesté contre le « désastre de l’éducation en ligne », exigeant les ressources pour des classes de taille réduite. Aux États-Unis, il s’agit surtout de manifestations pour la reprise des classes en personne, entre autres après de premiers résultats catastrophiques à la Ovid-Elsie High School, au Michigan. En Caroline du Nord, des élèves ont appelé sur les médias sociaux à se débrancher (log out) des classes en ligne du vendredi, pour réclamer un enseignement en personne, mais d’autres élèves s’y opposent par crainte pour la santé de leurs parents.
Au Québec, des élèves de la LaSalle Community Comprehensive High School, à Montréal, ont dénoncé les risques sanitaires : « Cessez de nous traiter en cobayes de laboratoires. Offrez-nous l’option de l’enseignement en ligne ». Pour leur part, des élèves de la polyvalente de Saint-Georges, en Beauce, ont séché les classes du matin et manifesté devant l’école pour exprimer leur opposition aux mesures sanitaires. Au campus Longueuil du Collège Charles-Lemoyne, la direction a informé les parents que les élèves participant à des manifestations anti-masques risquaient une suspension de 14 jours, soit une mise en quarantaine forcée, et que l’enseignement virtuel ne leur sera pas offert.
C’est en Grèce que la mobilisation a été la plus spectaculaire.
Des photos ont aussi circulé sur les médias sociaux pour ridiculiser les masques distribués par l’État, beaucoup trop grands. En assemblée tous les matins, les élèves votant pour l’occupation restaient dans la cour toute la journée, alors que les autres retournaient à leur domicile. Sur une bannière suspendue aux grilles d’une école occupée, on pouvait lire : « Ils ont trouvé de l’eau sur Mars, mais nous n’avons pas d’enseignant de physique depuis un mois ».
La police est intervenue dans des écoles pour arrêter plusieurs élèves, preuve supplémentaire du manque d’imagination et d’humanité des adultes face aux jeunes qui osent s’organiser politiquement et pratiquer ensemble une vraie démocratie.