Le nouvel axe du REV traverse l’île de Montréal du nord au sud sur près de 9 kilomètres. De part et d’autre de la rue Saint-Denis, deux larges pistes cyclables, unidirectionnelles et balisées, ont amputé autant de voies de circulation automobile. L’artère cyclable traverse quatre arrondissements et permet de relier de nombreux lieux importants, comme le marché Jean-Talon. Dans certains secteurs, la piste emprunte les rues Lajeunesse et Berri.
« Des infrastructures plus larges et à haute capacité, on en demande depuis les années 1990, mais on se faisait toujours fermer la porte », raconte François Dandurand. Depuis 30 ans, il milite auprès de divers groupes en faveur de la mobilité active. Après Le Monde à bicyclette, il est aujourd’hui membre de la Coalition vélo de Montréal et a cofondé les associations pour la mobilité active de Ville-Marie et de Verdun.
« Pour moi, le REV, c’est un peu comme un aboutissement, explique-t-il. Le nom peut évoquer le rêve, ou encore la révolution active. » Il estime que la transformation de la rue Saint-Denis va également bénéficier aux piétons et sécuriser les intersections.
Les participants s’étaient donnés rendez-vous au parc Jeanne-Sauvé, en bordure du boulevard Gouin. Vers 11h20, le contingent a emprunté la rue Berri en direction sud avant de rejoindre la rue Saint-Denis, à hauteur du boulevard Crémazie. Certains tronçons du REV étaient toujours en chantier : des agents du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) assuraient la sécurité des différents usagers.
Vers 12h15, à hauteur de la rue Gounod, une altercation a eu lieu entre un automobiliste et un peloton de cyclistes. Les forces de l’ordre présentes sur les lieux sont rapidement intervenues, et le circuit a pu se poursuivre sans autre perturbation.
Johanne Meunier ne savait rien de l’événement qui a réuni quelques centaines de cyclistes, samedi. Elle a pourtant interrompu sa balade quotidienne pour s’y joindre spontanément.
En appui aux commerçants
« On croit fermement que le salut et la relance de la rue Saint-Denis passe par le REV, affirme l’organisateur de l’événement, Jacques Nacouzi. C’est une condition sine qua non pour qu’elle devienne à nouveau une destination prisée. »
Une vingtaine de commerçants a répondu à l’appel de Jacques Nacouzi, qui est aussi propriétaire de Code & Café. Pour l’occasion, certains offraient des rabais – d’autres ont profité de la température clémente pour vendre leurs produits à l’extérieur. « Le REV est très important pour Montréal, croit Ben Adler, le propriétaire de Rebicycle. Ça va non seulement revitaliser la rue Saint-Denis, mais bien toute la culture cycliste. Ça va tout changer.» L’entreprise avait investi la terrasse d’un commerce voisin pour une vente de fin de saison.
« C’est aussi un événement pour soutenir les commerçants de la rue Saint-Denis », affirme Jacques Nacouzi, lui-même cycliste. En plus de rendre l’artère commerciale accessible à une plus grande diversité d’usagers, le REV permettra de diminuer le trafic automobile.
Jacques Nacouzi déplore que l’attention médiatique ait surtout été octroyée aux détracteurs de la piste cyclable. « Ça parle très fort, des gens mécontents. Pourtant, c’est à chacun de décider d’en faire un problème ou une opportunité et pour moi, c’est très positif. »
Des exemples probants
En 2012, une étude du New York City Department Of Transport (NYCDOT) a conclu que l’instauration de pistes cyclables protégées pouvait encourager le commerce de proximité. Sur la 9e Avenue, les entreprises locales ont connu une hausse des ventes au détail de 49%. À l’échelle de l’arrondissement, cette hausse est de 3%. Un diminution de 58% de blessures a par ailleurs été observée pour l’ensemble des usagers de la route.
À Toronto, le Centre for Active Transportation (TCAT) a analysé l’impact économique de l’installation d’une piste cyclable sur Bloor Street – Danforth Avenue, une rue semblable, mais sans piste cyclable, servait de comparaison. L’étude a relevé un impact économique positif, ou du moins neutre, de la voie cyclable. Sur Bloor Street, la proportion de déplacements effectués à vélo a presque triplé, passant de 7% à 20%.
Au mois d’août, une soixantaine de marchands de la rue Saint-Denis se disaient inquiets pour l’avenir de leur commerce et de l’artère et signaient une lettre ouverte publiée dans La Presse. À la mi-septembre, trois commerces ont envoyé une mise en demeure à la mairesse Valérie Plante, l’invitant à « suspendre ou à annuler les travaux » qui « rend[ent] impossible la survie de leur commerce ».