C’est ce qu’un inspecteur du tribunal administratif du travail aurait admis à un membre du syndicat après une visite de vérification de l’entrepôt.

C’est depuis le 24 septembre dernier que Metro Épiciers, le nouveau propriétaire des pharmacies Jean Coutu (PJC) empêche les quelque 700 employés syndiqués de leur entrepôt à Varennes d’aller travailler.

Le conflit de travail persiste depuis que la convention collective entre le Syndicat des Travailleuses et Travailleurs de PJC Entrepôt-CSN (STTPJC-CSN) et Métro est arrivée à échéance le 31 décembre dernier.

Les négociations sont dans une impasse depuis.

Le contentieux entre les deux parties résiderait surtout autour de questions salariales. Les employés demandent que l’on continue à leur verser un “bonus COVID” et exigent que les salaires de l’entrepôt Jean Coutu soient ajustés au même niveau que les autres entrepôts de Metro puisqu’il s’agirait de la première convention collective négociée avec le nouveau propriétaire de PJC.
Ces demandes sont considérées comme déraisonnables selon la partie patronale. Pourtant, si on se fie à leur dernier rapport trimestriel, les profits de Metro et de sa filiale, le Groupe Jean Coutu, ont continué d’augmenter en pleine pandémie.

Cet été, le 14 juin, les membres du STTPJC-CSN se sont dotés d’un mandat de grève, mais ont décidé de ne pas exercer ce droit. Ce n’est qu’en septembre que les premières salves sont lancées. Pour éviter de trop nuire à l’approvisionnement en médicaments des pharmacies en pleine crise sanitaire, les travailleurs essentiels ont débrayé durant 24 heures le 23 septembre dernier.

C’est le lendemain matin que les employés qui rentraient travailler se sont heurtés à des agents de sécurité leur informant que l’employeur avait déclaré un lockout.

Le jour même, Jean Coutu a obtenu une injonction qui limitait le nombre de personnes permises sur la ligne de piquetage de l’entrepôt et qui les forçait à se tenir à un minimum de 10 mètres des entrées et sorties de l’entrepôt.
L’ordonnance les obligeait aussi à «permettre a tout temps et à quiconque le libre accès à la propriété [de Jean Coutu],» et même de pas «(…) tenter de nuire aux activités normales de [PJC]». Cette injonction rendait effectivement le piquetage de l’entrepôt inutile puisqu’elle interdisait aux «lock-outés» de nuire à l’exploitation du site par la compagnie et donc de continuer d’y engendrer des profits.

Petite histoire de scab

Le 14 octobre, la partie patronale a quitté la table de négociations. Les employés de l’entrepôt ont donc décidé de changer de tactique et d’aller manifester devant plusieurs succursales de Jean Coutu à Montréal le 18 octobre.

Ce n’est que depuis la visite des inspecteurs du TAT, le 27 octobre, que les patrons ont décidé de retourner négocier le 30 octobre, nous dit une source au sein du STT-PJC (FC-CSN)

Metro a aussi publié une offre d’emploi pour des «commis d’entrepôt» à Varennes. La compagnie n’a pas d’autres entrepôts que ce centre de distribution de Jean Coutu dans cette ville. Le taux horaire indiqué correspond au plancher salarial de l’entrepôt.

La Confédération des syndicats nationaux (CSN), insiste sur le fait que l’approvisionnement des pharmacies à été durement affecté par le lock-out, ce que Metro nie fortement. Des images d’étalages vides dans multiple pharmacies Jean Coutu ont pourtant été partagées à Ricochet par la CSN.

Les luttes ouvrières des années 60-70 furent très violentes au Québec. Il arrivait souvent que les patrons envoient des fier-à-bras briser des sit-in pour permettre à des scabs de faire rouler leurs usines.

C’est en 1977, une semaine après que huit syndiqués soient blessés par des gardes de sécurité de la Robin Hood Multifood Company, utilisant des scabs en plein lock-out, que le gouvernement Lévesque passe la première «loi anti-scab» en Amérique. Il est illégal au Québec pour les patrons d’employer des «briseurs de grève» lors d’une grève ou d’un lockout. Seul le personnel administratif peut effectuer les tâches de leurs subalternes syndiqués lors d’un arrêt de travail.

L’utilisation de briseurs de grève est considérée comme une tactique déloyale puisqu’elle permet au patron d’économiser sur la masse salariale et d’augmenter sa marge de profit durant un conflit de travail. Au Québec, avec un taux de syndicalisation frôlant les 40 %, briser une ligne de piquetage est vu comme un acte immoral.

Jointe par téléphone, Marie-Claude Bacon, relationniste chez Metro, nie toutes ces allégations et insiste pour dire que leur «plan de contingence est conforme aux lois du travail», et que «tout le personnel qui travaille à l’entrepôt est cadre».

Elle n’a pas voulu commenter sur l’enquête du TAT avant le dépôt de leur rapport. Elle ne pouvait pas expliquer pourquoi le centre de distribution de Varennes continue de recruter en plein lockout.

La CSN organise quant à elle une manifestation «en solidarité aux travailleurs lockoutés» lundi prochain.