Puis, quelque temps après, j’ai vu circuler la Déclaration du caucus des 24 professeur.e.s et bibliothécaires Noir.e.s, Autochtones et Racisé.e.s de l’Université d’Ottawa qui contraste totalement avec la lettre des 579.
Je me suis dit il faudrait bien faire ressortir l’évidence et j’ai pris des heures pour rechercher les photos des 579 professeur.e.s et enseignant.e.s afin de savoir combien de personnes blanches et non blanches avaient signé cette lettre.
Le résultat est effarant, mais pas étonnant.
Je ne sais pas ce qui est le plus consternant de ce milieu académique :
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D’avoir une lettre signée par 97,2 % de personnes blanches sur un enjeu dénoncé par des personnes qu’on racise et qui touchent principalement les Noirs, à la base ;
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D’avoir autant de personnes blanches du milieu académique qui ne semblent pas s’être questionnées sur l’absence de signataires issus des communautés noires et qu’on racise ;
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D’avoir si peu de diversité dans le milieu académique québécois ;
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De constater que la très vaste majorité des personnes blanches du groupe des 579 sont d’origine canadienne-française, en faisant un enjeu principalement québécois ;
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De constater qu’il y a plus de personnes noires et de personnes qu’on racise et autochtones dans une déclaration signée par seulement 24 personnes provenant directement de l’université principalement concernée par cet enjeu;
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De constater que la déclaration des 24 personnes de l’Université d’Ottawa soit tant à l’opposé de celle des 579 autres, ce qui soulève la question évidente : pourquoi si peu de ces 579 personnes semblent avoir pris le temps de communiquer avec les 24 autres personnes?
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De constater qu’il y a une nécessité évidente d’augmenter la compréhension des luttes antiracistes et de racisme anti-noir au sein d’un milieu qui se dit progressiste dans le monde académique.
J’ai beaucoup d’ami.e.s dans ce groupe des 579 personnes issues du milieu académique, pour lesquels j’ai toujours autant d’affection. Cette sortie publique n’est pas passée inaperçue et c’est à eux que je m’adresse : j’espère que vous allez aussi sortir publiquement avec humilité et avec autant d’empathie que Patrick Lagacé a eu le courage de le faire.
Quand j’ai vu l’enseignant de l’école Henri-Bourassa intimider ses élèves du secondaire, principalement noirs et qu’on racise, en martelant l’usage du mot haine (mot en N) dans sa classe, j’ai beaucoup pensé à vous et à l’impact que votre lettre a eu sur la société et sur ce professeur.
D’ailleurs, si je me fie à vos écrits, ce professeur n’outrepasse pas ce que vous avez publié et pourtant il est d’une telle évidence qu’il administre intentionnellement cette violence à ses élèves.
Je vais vous laisser avec un passage provenant du texte d’Arlene Laliberté et de Georgia Vrakas, cosigné par Pascale Kaniasta Annoual et Benoît Brisson, paru dans La Presse de ce jour, lequel je vous recommande fortement de lire :
Le discours qui domine actuellement dans la majorité des médias est centré sur un faux débat : celui de la protection de la liberté académique, qui n’est pas le vrai enjeu. Pourquoi? Parce qu’il est plus facile de s’insurger contre la perte potentielle ou imaginée d’un privilège détenu par des personnes en majorité blanche, plutôt que de mettre en lumière le contexte qui permet l’utilisation du « n-word » dans nos institutions, en sachant très bien que celui-ci peut porter atteinte à la dignité de certaines personnes déjà marginalisées, opprimées et victimes de racisme systémique. »