Depuis le début de la pandémie, le directeur de la santé publique du Québec, Horacio Arruda, est en retard sur tous les événements, sur les connaissances scientifiques et en dessous du rôle de leadership que doit jouer un haut responsable de la santé publique.

D’abord, alors que la pandémie commençait déjà à frapper l’Italie de plein fouet, il partait au Maroc pour un colloque, ridiculisait l’hypothèse d’une épidémie de COVID-19, puis prolongeait son séjour là-bas pour prendre des vacances. Lorsque le nouveau coronavirus a commencé à se propager au Québec, il n’a pas vu immédiatement, au contraire de sa collègue de Colombie-Britannique, le danger des allées et venues de personnel entre les CHSLD et autres centres de soins. Puis, lorsque le gouvernement a déclaré l’urgence sanitaire, il a été incapable de dire, avec transparence, quels seraient les critères de confinement et d’un éventuel déconfinement ou d’admettre qu’il l’ignorait.

Ensuite, des semaines durant, il a répété (de même que son premier ministre) que le masque était inefficace et entraînerait la perte de distanciation et de discipline, alors que des données récentes et des études émergentes démontraient l’utilité et la nécessité du port du masque de tissu dans la population générale. Si on lui présentait des chiffres ou des études scientifiques, il arguait qu’on n’avait pas démontré l’efficacité du masque de façon définitive et irréfutable, comme si on devait avoir une telle exigence pour une mesure somme toute banale, accessible et très peu coûteuse. Après des pressions répétées et argumentées de multiples experts et médecins en infectiologie et en épidémiologie, il a finalement changé sa position et s’est mis à le recommander, mais sans justifications, sans argumentaire scientifique, désorientant et divisant ainsi la population.

De même, il a répété des semaines durant que tout allait bien, qu’aucune comparaison statistique avec d’autres pays et provinces n’était valable, et qu’il fallait plutôt voir que nous étions à l’avant de la vague épidémique par nos mesures hâtives, cela après même que des journalistes eurent sonné l’alarme sur la tragédie des CHSLD. Peu après, il nous proposait de suivre la courbe épidémique du Portugal alors que nous avions déjà commencé à nous en éloigner rapidement depuis quelques jours.

Avant-dernier épisode, le déconfinement a été déclaré plus tôt que dans les autres provinces et pays, moins restrictif sur les bars et les rassemblements, se dépêchant d’ouvrir les vannes plus rapidement qu’ailleurs même si nous avions connu la pire épidémie au pays et une des pires dans le monde. Les décisions de la Direction de la santé publique (DSP) laissaient l’impression que l’épidémie était derrière nous et que le docteur Arruda était un ministre de François Legault. De même, la réouverture des écoles a connu des dérapages et des contradictions en raison de «bulles-classes» sans masques, dont les élèves pouvaient pratiquer extra-muros des loisirs et des sports collectifs où ils côtoyaient d’autres jeunes de diverses écoles. Finalement, on imposera sans conviction démontrée le masque dans les écoles secondaires.

Enfin, maintenant que la 2e vague est bien amorcée, la DSP ferme comme d’égales sources de propagation communautaire de la COVID-19 bars et restaurants où l’on parle fort sans arrêt des heures durant, et des lieux culturels publics (théâtres, bibliothèques, cinémas) où la distanciation, le port du masque et le silence se pratiquent facilement et scrupuleusement. Pourquoi ne publie-t-elle pas les données épidémiologiques disponibles sur les principaux lieux et modes de contagion avec statistiques à l’appui? À quoi sert le traçage si on ne peut pas suivre rapidement et publiquement(!) l’évolution de l’épidémie?

Mais où sont le bon sens, la cohérence, la transparence, la rigueur et le leadership de la santé publique au Québec? On a l’impression que la DSP ne suit pas activement la littérature scientifique ni ses propres données, ou qu’elle est sous influence politique. Comment se fait-il qu’une professeure de physique de cégep et les scientifiques et médecins dont elle a su s’entourer aient toujours un mois d’avance sur le directeur de la santé publique, sur l’efficacité du masque, sur la propagation de la COVID-19 par les aérosols et sur des mesures adaptées à cette caractéristique? Quand commencera-t-on la reddition de comptes? On ne doit pas ignorer la part gouvernementale dans les décisions, mais le directeur de la santé publique n’a-t-il pas tous les pouvoirs et l’indépendance en cas d’urgence sanitaire?

Le docteur Arruda et ses conseillers doivent se remettre sérieusement en question et « embrayer » ou laisser la place à des médecins plus dynamiques, plus allumés, plus rigoureux et plus scientifiques.

Michel Camus, PHD, a été analyste de risques sanitaires et épidémiologiste principal à Santé Canada de 1997 à 2016.