La réaction de CHOI me rappelle une scène du film Death Proof de Tarantino. C’est dans le troisième acte du film. Après avoir essayé de renverser une autre voiture, juste pour le fun, le personnage Stuntman Mike (Cascadeur Mike) subit une solide réplique de la part des trois femmes qui étaient dans la voiture malmenée par celui-ci. Blessé, il crie et pleure dans sa voiture : « Pourquoi??!! Oh non!!! Mais pourquoi??! » Comme s’il n’avait rien fait pour subir leur colère et qu’il était victime d’une injustice.
Les complaintes de CHOI ressemblent un peu à ça. La station plaide qu’elle ne comprend pas pourquoi ça lui arrive, qu’elle ne mérite pas un tel sort. Comme si elle n’avait rien fait, comme si elle avait juste joué avec les idées, peu importe les risques de son attitude et la violence de ses propos. Comme si les propos étaient sans danger.
Si la station se réclame du droit de dire n’importe quoi ou si elle défend son droit d’inviter des gens qui disent n’importe quoi, les personnes qui achètent des publicités ont le droit de choisir de ne pas vouloir s’associer à n’importe quoi. Choisir avec qui on s’associe, c’est aussi ça, la liberté d’expression.
Ça fait des années que les Fillion, Maurais et compagnie disent que les gens ont juste à porter plainte ou les poursuivre si leurs propos dépassent les bornes. Arrêter de les soutenir, c’est un peu le même genre d’action, sauf que l’effet est immédiat au lieu de traîner en cour et de coûter cher à tout le monde.
D’un autre côté, certaines personnes s’inquiètent que ces retraits de publicités, dont celles d’un palier de gouvernement, agissent comme une forme de censure. Je veux bien que les annonceurs ne doivent pas décider de ce qui peut se dire ou ne peut pas se dire sur les ondes, mais je crois tout de même que les annonceurs, privés ou publics, peuvent décider de ne pas s’associer à n’importe quel propos. Comme un mauvais placement publicitaire. Après tout, Dominic Maurais lui-même invite les concessionnaires automobiles à retirer leurs annonces du Journal de Québec dès qu’il y a un texte contre le 3e lien.
Il ne faut pas oublier cette réalité déjà présente : les différents paliers de gouvernement n’achètent pas de la publicité dans tous les médias. Parlez-en aux médias communautaires ou aux médias indépendants pour voir s’ils profitent de toutes les campagnes publicitaires publiques. Est-ce de la censure dans leur cas, ou un choix publicitaire?
D’un autre côté, ça se défend aussi de poursuivre la campagne si on croit que ces annonces agissent comme une sorte de contrepoids aux propos tenus en ondes. Comme une sorte de rempart, ne serait-ce que par principe.
Soutenir cet argument pourrait laisser croire qu’à partir du moment où un média est populaire, il peut dire n’importe quoi, peu importe le racisme, le sexisme, la xénophobie ou le danger de santé publique des propos, et ce, sans conséquence, sans aucune part de responsabilité sociale.
Ce n’est pas non plus en achetant de la publicité qu’un État soutient la diversité des points de vue. Les médias dénoncent avec raison lorsqu’un palier gouvernemental déguise l’achat de publicités en une sorte de subvention. Acheter de la publicité, c’est une stratégie de communication, ce n’est pas une aide aux médias.
Le départ des annonceurs met peut-être une pression sur la station elle-même, mais je ne crois pas que ce soit une menace à la liberté d’expression. Au contraire, on a bien vu que la station a été épargnée pendant des années malgré les propos violents qu’elle a acceptés sur ses ondes. Le racisme, le sexisme, l’anti-écologisme, la chasse à la gauche et plus encore n’ont jamais trop gêné tous ceux qui viennent de retirer leurs publicités. Si bien qu’on peut parier que la majorité reviendra probablement quand la tempête se calmera.
Pendant que des médias antiracistes ou féministes ou écologistes essaient d’exister et de survivre, CHOI Radio X est loin d’être morte. Et si les publicitaires soutiennent davantage ce genre de stations plutôt que des médias inclusifs, ça fait une belle jambe à la diversité médiatique.