Les fractures se creusent – et elles parlent fort : selon un récent sondage CROP, la mairesse détient un très large appui chez les 18-34 ans (69%) et les non-automobilistes (59%), tandis que la tendance s’inverse avec les 55 ans et plus (40%) et ceux qui se déplacent principalement en voiture (43%).
Or, suite à des décennies de négligence et de timidité de la part de nos décideurs, le minimum d’ambition requise aujourd’hui dépasse invariablement le rythme de ce que les habitudes et mentalités peuvent suivre.
Dans le fond, les mesures de Valérie Plante visant à encourager les déplacements actifs reposent sur des assises solides, faisant état d’un courage et d’une clairvoyance précieux quant à l’enjeu déterminant de notre temps. Toutefois, dans la forme, la mairesse ne parvient pas à rallier les Montréalais à la cause.
Que faire?
La démocratie citoyenne, moteur de transition écologique
Pour rallier la population à la lutte, la mairesse pourrait devoir être aussi ambitieuse dans la création de nouvelles voies de participation citoyenne qu’elle ne l’a été dans le réaménagement des voies publiques.
De la reprise économique à la crise climatique, les réponses requises des pouvoirs publics engendreront des impacts majeurs dans toutes les sphères de la vie. Or, malgré le besoin pressant d’un nouveau pacte social pour soutenir ces transformations, on continue de s’appuyer sur des structures politiques qui sont héritées d’une autre époque et qui ne parviennent pas à impliquer les citoyens dans la conversation ou à établir les conditions pour des délibérations éclairées et inclusives au sein de la société.
Mais il y a une voie de contournement à cette impasse.
Les voies tracées de la conciliation
À travers le monde, des gouvernements à tous les niveaux expérimentent de nouveaux processus démocratiques qui placent les citoyens aux commandes, leur confiant la tâche de tracer des voies de consensus sur des enjeux qui se sont avérés diviseurs et insolubles dans les mains des politiciens.
L’idée peut paraître utopique dans le contexte actuel. Mais diverses expériences ont démontré que lorsqu’elles sont bien conçues, ces instances citoyennes peuvent être un outil puissant pour bâtir un agenda inclusif et transformateur, capable de rallier un large appui au sein de l’électorat.
Un des meilleurs exemples de ceci se situe en France, où le gouvernement Macron, cédant à la pression populaire, a convié la plus importante assemblée citoyenne afin de dénouer l’impasse autour de son programme climatique suite à la contestation des Gilets Jaunes. Des instances similaires, du micro-local au national, sont actuellement déployées au Royaume Uni, en Belgique, en Écosse et en Irlande, où une assemblée citoyenne précédente a réussi le pari de résoudre un blocage de longue date entourant le droit à l’avortement.
La démocratie citoyenne a le vent en poupe. Et, selon l’OCDE, c’est la recherche de consensus en faveur des actions pour le climat qui est le moteur de la moitié des initiatives délibératives récentes à travers le monde.
Participer aux décisions publiques – en s’éduquant
D’où vient cet engouement?
À l’opposé de nos assemblées élues, les membres d’assemblées citoyennes sont sélectionné.e.s de manière à refléter toutes les caractéristiques démographiques de la population, permettant à chacun.e de voir son visage représenté. Et si les membres de ces assemblées arrivent inévitablement avec des idées préconçues, leurs opinions évoluent au cours de sessions délibératives qui sont conçues afin de faciliter leur engagement sur base d’un large éventail de preuves, d’experts et de perspectives.
Étant indépendantes des instances politiques, ces assemblées offrent aussi un espace commun pour les débats au sein de la population, cette dernière pouvant suivre les délibérations, participer en ligne, et s’éduquer sur les enjeux en même temps que les membres de l’assemblée, augmentant ainsi l’appui éventuel aux recommandations qui seront formulées.
Valérie Plante évoque souvent le besoin de « penser en dehors de la boîte », mais dans le domaine de l’innovation démocratique elle a manqué jusqu’ici d’imagination.
Or, le moment est venu de traiter du renouvellement de notre démocratie avec l’urgence qui lui revient. Car de toute évidence, lorsqu’on espère transformer en profondeur des milieux de vie, on ne peut pas se passer de la participation – et de l’énergie – de ceux qui les font vivre.