Sans un tel élargissement des appuis, les promesses de tenir un référendum résonnent creux. Il semble que cet exercice éminemment partisan se prête à des discours visant à conforter la base dans ses croyances plutôt qu’à une remise en question. Pourtant, la crise profonde du projet indépendantiste est indéniable et le PQ aspire toujours au rôle de « navire amiral » dans un mouvement qui dépasse largement sa base militante ou électorale.

Le carrousel référendaire

Comme le PQ en a l’habitude depuis un demi-siècle, l’essentiel des positionnements traite de l’engagement envers la tenue d’un éventuel référendum. Guy Nantel, Sylvain Gaudreault et Paul St-Pierre Plamondon promettent tous un référendum durant un premier mandat. Nantel ajoutant la précision « durant la deuxième année », et Gaudreault la nuance d’un mandat « majoritaire ». Il semble donc que dans l’éternel débat entre les pragmatiques et les pressés, le PQ s’apprête à entrer dans une phase « pressée » comme à l’époque de Landry et de Boisclair, plutôt que de poursuivre dans le rejet du « référendisme » caractéristique de Marois et de Lisée.

On s’étonnera de ne voir aucune trace, dans les plateformes des quatre aspirants chefs, de l’idée la plus intéressante ayant émergé du mouvement indépendantiste depuis 1995, soit celle de l’assemblée constituante. Pourtant, l’idée d’une assemblée élue par la population spécifiquement pour rédiger une constitution a été retenue par les États généraux sur la souveraineté suite à une vaste consultation. Il s’agit d’affirmer la supériorité d’une démarche constitutionnelle émergeant de la souveraineté populaire, face à la constitution canadienne imposée d’en haut sur le mode monarchique. Concevoir l’indépendance comme une révolution démocratique fondée sur la souveraineté du peuple constitue une option claire, crédible et inspirante, susceptible de rallier des secteurs de la population qui ne s’identifient pas d’emblée comme souverainistes. Mais le PQ, fondé sur l’idée de la « nouvelle entente » négociée au sommet ne semble pas capable de se défaire de son conservatisme institutionnel.

La discrimination comme fer de lance

On trouve quelque chose comme une nouvelle stratégie dans la proposition de Frédéric Bastien à l’effet de provoquer délibérément une confrontation avec l’État fédéral sur la question de la Loi 21 du gouvernement Legault sur la laïcité. En bref, il s’agit d’affirmer le droit du Québec d’adopter une loi foncièrement discriminatoire, contraire tant à la Charte québécoise des droits et libertés qu’à la constitution canadienne. Il ose comparer une telle loi à la Charte de la langue française dont le but n’était pas de légaliser la discrimination mais bien de mettre fin à une injustice en affirmant le droit des francophones de vivre et de travailler dans leur langue au Québec. Aussi, la loi 101 représentait un geste d’ouverture sans précédent de la majorité francophone envers toutes les minorités par l’inclusion des enfants de toutes les origines dans le système scolaire public. Au contraire, la loi 21 dit aux enseignantes trop visiblement musulmanes d’aller se trouver du travail dans le secteur privé… Nantel en rajoute en s’engageant à « reconduire la clause dérogatoire sur la Loi sur la laïcité de l’État ».

Même Gaudreault, que Gérard Bouchard a désigné comme le candidat de l’interculturalisme, évoque l’idée de s’appuyer sur la loi 21 comme tremplin quand il affirme que « l’indépendance est le seul moyen de faire respecter notre modèle de laïcité ». On comprendra, étant donné l’appui enthousiaste du caucus péquiste pour cette loi et l’absence de tout bilan critique de l’épisode de la Charte des valeurs, que ce « modèle de laïcité » est celui que le PQ et la CAQ ont en commun.

En quoi cette perspective est-elle prometteuse pour le projet de pays? Y a-t-il une seule personne qui soit devenue indépendantiste grâce à la Charte des valeurs ou à la loi 21?

Bien au contraire, il y a des milliers de jeunes et de personnes appartenant à des minorités qui ont jeté le bébé de l’indépendance avec l’eau sale de cette laïcité répressive. Un choix est présenté à la majorité francophone en 2020 : reprendre le rôle des oppresseurs qu’elle dénonçait autrefois chez « les Anglais », ou reconnaître l’oppression des minorités et s’élever à la hauteur de leurs luttes en fondant un pays sur des valeurs inclusives et antiracistes.

La seule idée nouvelle et progressiste mise de l’avant est la proposition de Gaudreault à l’effet de revendiquer une compétence exclusive pour le Québec en matière d’environnement. PSPP va dans le même sens en parlant de « lier la question de l’environnement et celle de l’indépendance. » Mais ce début d’une bonne idée progressiste est éclipsé par la persistance du conservatisme institutionnel et du conservatisme identitaire. Si on ajoute à cela le conservatisme socio-économique dont fait preuve le PQ depuis la crise économique du début des années 1980, il ne reste pas grand-chose d’inspirant et de mobilisant. Au bout du compte, le prochain chef du PQ n’aura fait la preuve que de sa capacité à prêcher aux convertis.

Benoit Renaud, auteur de l’essai Un peuple libre : Indépendance, laïcité et inclusion (Écosociété, 2020 )