Mercredi, encore une soirée de la semaine où nos familles sont réveillées par les bruits sourds des tirs de coups de feu. Encore une rentrée où nous allons devoir prier pour que tout cela s’arrête bientôt, parce que l’automne et l’hiver arrivent. Encore une soirée estivale où l’on verra les lumières des ambulances et où l’on entendra les sirènes de la police. Encore une soirée où nous allons devoir expliquer à nos enfants que ce qu’ils entendent et voient n’est ni normal ni ordinaire.
L’été 2020 aura été celui des tensions et de l’augmentation des échanges de tirs. Notamment lors de cet après-midi où très tôt, tout juste après une activité très fréquentée par les familles et les enfants, un jeune homme est venu et a tiré sur un autre, en manquant de tuer plus d’une personne présente. Beaucoup d’innocents auraient pu être victimes.
L’on se rappelle ce corps gisant sur le sol que nous avons dû observer avec beaucoup d’attention pour réaliser qu’il était l’enfant de notre amie. L’on se remémore le deuil d’une mère, inconsolable, abandonnée à son sort, laissée à sa communauté.
Où sont les institutions, lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux problèmes? Lorsqu’il faut se relever les manches.
On les a laissés à eux seuls, comme on nous laisse ici seuls.
AbandonnéEs.
Nous habitons un beau quartier où les valeurs familiales sont fortes et où malgré les difficultés les gens se supportent. Nous sommes passés à travers la pandémie grâce à notre solidarité.
Depuis des années, cela-dit, nous subissons les secousses après chaque fusillade. Nous vivons dans un climat de terreur qui nous empêche de respirer et de profiter de notre rue.
Nous sommes indignées de ne pas vivre dans la même ville que tous les montréalais.
Nous sommes indignées de ne pas pouvoir vivre dans la même sérénité d’esprit que nos voisins du même arrondissement.
Nous sommes indignées de devoir céder sur la tranquillité parce que nous devons faire attention à ce que les enfants ne prennent pas une balle perdue.
Chaque fois que l’on regarde un enfant dans le quartier, c’est à se demander si cette balle perdue ne va pas s’abattre sur lui. Est-ce vraiment cela qu’on attend? N’y a-t-il pas eu assez de morts?
Nous sommes indignées, parce que nous avons tout fait. Nous sommes des citoyennes impliquées. Nous avons travaillé. Nous donnons du temps, de l’énergie et de notre santé dans les projets collectifs. Nous participons chaque jour à construire le vivre-ensemble et nous avons œuvré pour rendre le quartier plus propre et plus vert.
Et vous maintenant? Que faites-vous? Notre sécurité est votre responsabilité et vous ne pouvez pas vous déresponsabiliser en en demandant plus à la police. Si vous avez abandonné, et que nous habitons des zones de la ville moins prioritaires, merci de nous le dire.
En ce mercredi soir de septembre, il semble y avoir eu des blessés. Il est difficile de réaliser que c’est dans ce quartier où l’on a décidé de s’installer que cette insécurité règne. Nous avons mis toute l’énergie d’une vie de mère et toute la passion pour notre environnement. Nous sommes attachées à notre quartier et nous voulons y vivre en paix. Est-ce possible? Si ce n’est pas possible dites-le moi.
Dites-le nous.
Des mères montréalaises indignées