Nous sommes un collectif de féministes noires basé à Montréal et composé d’organisatrices communautaires et de chercheuses. Nous signons cette lettre aujourd’hui pour demander du soutien de nos instances gouvernementales. Nous leur demandons de mettre en place des services communautaires dédiés aux besoins des survivantes noires de violences sexuelles. À travers nos activités de militantisme, de recherche, en collaboration avec nos partenaires ou même à titre personnel et interpersonnel, nous observons ce manque important. Nous avons constaté un manque criant de ressources sécuritaires et accessibles pour cette population qui tend à être laissée pour compte.

Mise en contexte

Cet été, une vague de dénonciations a secoué le Québec. Plusieurs d’entre nous ont mené des entrevues auprès de nombreux médias pour nommer l’effacement des réalités des femmes et filles noires vivant des violences sexuelles. Les femmes et les filles noires font face à un ensemble de besoins et de barrières spécifiques qui ne sont pas répondus par l’offre de services actuelle.

Il y a un manque de représentativité dans les campagnes de sensibilisation et les prises de parole publiques sur cet enjeu.

La dénonciation et le dévoilement sont complexifiés pour les femmes et filles noires en raison de nombreux facteurs. Pour nombre d’entre elles, les ressources existantes en matière de violences sexuelles peuvent être situées à de très longues distances de leur domicile. De plus, la pauvreté et le racisme systémique limitent considérablement leur accès à ces services. Même lorsque certains d’entre eux existent, ils s’avèrent souvent peu adaptés aux réalités des survivantes noires. Nous insistons donc sur l’importance d’avoir une approche locale et de proximité et sur la mise en place de programmes menés par et pour les communautés noires de Montréal.

La convergence des mouvements #MoiAussi et #BlackLivesMatter

Notre collègue Marlihan Lopez décriait dans le Journal Métro en octobre 2017 déjà ce manque de ressources à Montréal-Nord dans la foulée du mouvement #MoiAussi. Montréal-Nord est un arrondissement qui compte un nombre considérable de résident.es issues des communautés noires. Ainsi, cette demande émerge d’un besoin récurrent observé par plusieurs des membres des communautés noires, elles qui façonnent notre métropole.

Nous sommes en plein dans la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015-2024) décrétée par les Nations Unies. Peu de temps avant la vague de dénonciations de violences sexuelles de l’été 2020, le mouvement #BlackLivesMatter a pris de l’ampleur.

Le Québec a été mobilisé et touché par la lutte contre le racisme anti-noir dans la foulée de la mort de George Floyd et de Breonna Taylor aux États-Unis. En 2016, le Groupe d’experts des personnes d’ascendance africaine des Nations Unies est venu dans plusieurs villes canadiennes, dont à Montréal. Bien que leur rapport s’adresse principalement au palier fédéral, ils ont recommandé d’adopter une approche prenant en compte l’intersection entre la race et le genre. Cette approche permet de mettre en lumière les inégalités spécifiques que vivent les femmes d’ascendance africaine au pays. En adoptant une telle approche, nous serions à même de mieux pouvoir répondre à leurs besoins de prévention et d’intervention en matière de violences sexuelles.

Notre demande

Nous interpellons donc nos élu.es et la société civile afin de contribuer positivement aux mouvements #BlackLivesMatter et #MeToo. Nous croyons que nous pouvons tous faire partie du changement que nous souhaitons instaurer. La conjoncture récente nous oblige collectivement à porter un regard sur les réalités des femmes et filles noires ayant vécu des violences sexuelles. Elles sont ignorées depuis si longtemps.

Marlihan Lopez, Vice-présidente de la Fédération des Femmes de Québec et Coordonnatrice à l’Institut Simone de Beauvoir

Tarah Paul, chargée de projet du CALACS de l’Ouest-de-l’Île

Kharoll-Ann Souffrant, travailleuse sociale, étudiante au doctorat en service social à l’Université d’Ottawa

Renée-Chantal Belinga, Conseillère d’arrondissement, Montréal-Nord

Gabriella Garbeau, fondatrice de la Librairie Racines

Stephanie Germain, intervenante jeunesse, médiatrice culturelle et organisatrice communautaire à Montréal Nord

Laïty Fary Ndiaye, sociologue, organisatrice communautaire et chercheure associée à l’Institut Simone de Beauvoir

Camessarde Rosier-Laforest, Black Lives Matter – Tiohtià:ke/ Montréal et étudiante au baccalauréat en droit

Clorianne Augustin, intervenante jeunesse et étudiante en Techniques d’éducation spécialisée

Karine-Myrgianie Jean-François, juriste et militante féministe

Me Marie-Livia Beaugé, avocate et activiste