Une crise qui dure depuis (trop) longtemps
En février dernier, les wagons du métro de Montréal diffusaient des publicités rappelant aux locataires de ne pas quitter leur logement avant d’avoir signé un nouveau bail afin d’éviter qu’ils se retrouvent sans toit, comme l’ont été près de 200 ménages au 1er juillet 2019. Cette année, près de deux fois plus de ménages en logement locatif craignent de se retrouver sans logis à la fin de leur bail en comparaison à la mi-juin 2019, d’après les données réunies par le FRAPRU.
À la ville de Québec, le Bureau d’animation et information logement (BAIL) s’inquiète : le nombre d’appels reçus pour des demandes d’aide d’urgence a déjà quadruplé en comparaison à 2019.
« On estime que pour un marché du logement équilibré, ça prend 3 % d’inoccupation », précise Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Or, actuellement, Montréal se situe à 1,5 %, son taux le plus bas en 15 ans, tout comme la moyenne provinciale à 1,8 %. Sans compter les prix faramineux que l’on constate sur le marché locatif actuel.
Une crise tout aussi éprouvante en région, comme à Rouyn-Noranda, où le taux d’inoccupation est à 1 % et à Val-D’Or, à 1,4 %. L’Association des locataires de l’Abitibi-Témiscamingue (Alocat) constate surtout que les locataires connaissent très peu leur droit en terme de logement. « Les gens n’en parlent pas. Ils n’aiment pas en parler. Ils subissent », explique Bruce Gervais.
Pour Bruce Gervais et Véronique Laflamme, cela démontre également que le marché privé du logement ne suffit pas aux besoins de la population.
« Dans les régions, il n’y aura peut-être pas 100 ménages qui vont se retrouver à la rue le 1er juillet, mais plusieurs vont devoir signer un bail qui va accaparer une grosse partie de leur revenu et se priver de nourriture mois après mois pour avoir un toit au-dessus de la tête. Et ça, c’est une réalité qui est bien présente, mais invisible, et ça fait partie de la crise du logement », évoque Véronique.
Mesures d’aide insuffisantes
Le FRAPRU reproche au gouvernement son inaction : « [il] s’est contenté de suggérer aux locataires de s’entendre avec les propriétaires tant pour le paiement du loyer que pour le renouvellement des baux. Sauf que cela a laissé place à beaucoup de demandes abusives aux locataires qui n’avaient pas renouvelé leur bail. » Une situation qui inquiète aussi l’Alocat et le BAIL.
Datant de 2005, le programme d’aide d’urgence en vigueur pour les municipalités est le même que celui de l’année dernière et ne prévoit pas s’adapter pour l’instant. « Dans le contexte de la COVID, on pense que ce n’est vraiment pas suffisant. Déjà, les municipalités disent qu’ils vont manquer de ressources financières », rappelle Véronique. Si le taux d’inoccupation est en haut de 2 %, la municipalité n’est pas admissible à l’aide d’urgence.
« Si on veut une relance qui soit juste et porteuse d’une plus grande justice sociale, c’est clair que le logement social en fait partie. Sinon, on laisse un grand nombre de personnes exclues et chassées de leur milieu de vie, pas juste en ville, mais aussi dans les villages », souligne Véronique Laflamme.
Plus de 26 organisations sociales, syndicales, autochtones, féministes et communautaires joignent leur voix au FRAPRU et demandent aux gouvernements Legault et Trudeau d’inclure de l’aide financière pour les logements sociaux dans le plan de relance économique.
Le gouvernement provincial s’était toutefois engagé à fournir 15,000 logements sociaux, qui n’ont toujours pas vu le jour. Le FRAPRU précise que le seul programme qui finance les logements sociaux, Accèslogis, est sous-financé, faute de prix jamais indexés en 10 ans, en plus de n’avoir aucun nouveau projet de logements sociaux.
Il y a trois ans de cela, le gouvernement Trudeau avait lancé une stratégie nationale sur le logement. Toutefois, aucune entente n’a été signée avec la province à ce jour.
Le logement social ne représente que 11 % du parc de logement au Québec. Pourtant, le logement social et communautaire a prouvé ses retombées positives. « Pour chaque dollar versé par la SHQ à titre de subvention, 2,3 $ ont été injectés dans l’économie québécoise », affirme l’Étude sur les impacts sociaux des activités de la société d’habitation du Québec (2013).