Un cafouillage autour du maintien d’un site de dépistage au CLSC de Montréal-Nord a exposé de graves difficultés de communication entre les autorités sanitaires régionales et provinciales, les élu-es et la population de l’arrondissement, selon des acteurs du milieu.
Rappelons que le 4 mai dernier, un centre de dépistage de la COVID-19 a été aménagé devant le CLSC après plusieurs semaines de plaidoyer par des élu.es et des groupes citoyens. Une semaine plus tard, le 11 mai, le CIUSSS a annoncé la fermeture de ce « centre temporaire ».
Le soir même, quand Paule Robitaille, la députée provinciale du coin, fait part de son désarroi au micro de Patrice Roy, elle est contredite en ondes par sa collègue, Chantal Rouleau, la ministre responsable pour la région de Montréal, qui dit que le centre reste ouvert. « J’ai dit que le centre allait fermer, et elle m’a dit que ce n’était pas le cas », se rappelle Paule Robitaille. Mme Rouleau précise ensuite sur Twitter que le centre restera ouvert jusqu’à la mise en place des unités mobiles.
Le lendemain, le CIUSSS du Nord-de-l’Ile-de-Montréal rectifie le tir, précisant que le centre restera ouvert jusqu’à nouvel ordre. « Il n’y aura pas de bris de service [de dépistage] a Montréal-Nord », affirme Émilie Jacob, porte-parole du CIUSSS.
Pour Mme Robitaille et pour Renée-Chantal Belinga, conseillère municipale de Montréal-Nord-Est, l’épisode n’est qu’un exemple parmi d’autres que le courant ne passe pas à Montréal-Nord, un des quartiers le plus durement frappés par la pandémie, et Québec.
« Ça fait huit semaines qu’on dénonce le manque d’information et le manque de transparence autour du dépistage », dit Mme Belinga.
Quand le Dr [Horacio] Arruda et la mairesse [Valérie] Plante sont venus à Montréal-Nord pour parler à la communauté, on a été très déçus avec ce qu’ils avaient à dire. Il y avait déjà un manque d’informations [sur l’offre de dépistage]. Cette situation confirme qu’on a besoin d’un plan stratégique beaucoup plus clair. »
– Renée-Chantal Belinga
« On comprend mal la stratégie à long terme quant à la clinique de dépistage de Montréal-Nord » explique quant à elle Alejandra Zaga-Mendez, membre du CA de l’association Paroles d’excluEs et responsable des communications de Hoodstock. « Alors qu’on a nous annonce deux sites de dépistage lundi dernier, on apprend également la possibilité que celui qui est présent pourrait être fermé ».
Un plan de communication pour tous et toutes
Selon le CIUSSS, l’une des raisons pour lesquelles le centre a failli fermer était que « les gens n’étaient pas été au rendez-vous.» Les deux élues s’inquiètent du fait que le message de l’importance et de la disponibilité du dépistage ne se rend pas forcément aux citoyen.nes.
« On a besoin de ce centre de dépistage parce que c’est un outil essentiel de notre lutte contre la pandémie. On a aussi besoin d’une meilleure communication entre la santé publique et les résident.es », dit Mme Robitaille.
La Dre Mylène Drouin, directrice régionale de la santé publique, a réitéré que les heures d’ouverture et les emplacements prévus des cliniques mobiles seront affichés sur le site web de la direction régionale de la santé publique. Or, selon Paule Robitaille, jusqu’à 30 % des nord-montréalais n’ont pas un accès régulier à Internet.
Qui plus est, plusieurs nord-montréalais sont plus à l’aise en créole haïtien ou en arabe qu’en français. D’après la députée, « quand on est en campagne électorale, il y a des bureaux de vote partout, des gens qui encouragent d’autres à aller voter, des tracts, des affiches, des choses qui passent à la radio et dans les journaux ».
« Pourquoi on ne peut pas faire la même chose ici? » Elle souhaite qu’une « cellule de crise » soit mise en place pour coordonner le dépistage et la sensibilisation à Montréal-Nord.
Montréal-Nord : un cas à part?
Ousseynou Ndiaye est directeur de l’organisme communautaire Un Itinéraire pour tous. Lors de la visite du Dr Arruda et de la ministre Rouleau, son organisme avait fait un plaidoyer pour la mise en place d’un centre de dépistage. « L’important, c’est que le centre est là, et je pense qu’il sera là pendant un certain temps. Maintenant, il faut mener une campagne de communication sur le terrain, aller parler avec les gens sur leurs balcons, booster la présence de notre monde » dit-il.
Ndiaye cite comme exemple l’impossibilité de respecter la distanciation dans certains quartiers densément peuplés de Montréal-Nord. « Si la distanciation sociale est impossible à respecter, pourquoi ne pas distribuer des masques dès le début? »
À Montréal-Nord, Mme Zaga Mendez observe beaucoup d’anxiété : « Les résidants de Montréal-Nord soulèvent de plus en plus d’inquiétude face à la situation de la COVID-19 d’une part, mais aussi vu l’emphase médiatique mise sur la crise actuelle à Montréal-Nord » – d’où l’importance d’un plan clair.
La Dre Drouin a mentionné en conférence de presse que la ville vivait « une phase d’adaptation » avec la mise sur pied des cliniques mobiles de dépistage, et qu’elle avait pour but de maintenir un service de dépistage accessible à Montréal-Nord. Elle a aussi souligné que des quartiers avec une proportion élevée de travailleurs et travailleuses de la santé étaient à plus haut risque de transmission communautaire.
Rappelons que 23 % des travailleurs et travailleuses de la santé de Montréal vivent à Montréal-Nord. Selon Paule Robitaille, « Ces gens-là sont allés soigner nos ainé.es au front. Ensuite, ils ont amené le virus chez eux. Ce qui leur arrive est enrageant ; ils méritent mieux. »