« Prends pas le métro, prends pas l’autobus, moi j’te l’dis » m’indique sans détour le coloré président du Syndicat du transport de Montréal, Gleason Frenette.
Les membres de ce syndicat affilié à la CSN travaillent à la maintenance et à l’entretien des équipements de la Société de transport de Montréal (STM). Le transport en commun étant considéré comme un service essentiel, ces travailleurs et travailleuses continuent de rentrer au boulot tous les matins ou toutes les nuits afin que nous puissions nous rendre du point A au point B dans la région métropolitaine.
Encore en retard?
À titre de société publique, il serait logique que la STM soit à l’avant garde de la prévention et de la sécurité sanitaire de ses usagers et employés. Pourtant, il semble que ce soit loin d’être le cas. En effet, le transporteur public n’a annoncé que le 22 avril dernier l’installation de distributeurs de désinfectant à main dans son réseau. L’opération devrait être terminée à la mi-mai. Je ne sais pas pour vous, mais le Dollarama de mon quartier en avait installés dans la semaine qui a suivi l’annonce du confinement, à la mi-mars…
Les chauffeurs d’autobus, représentés pour leur part par le Syndicat canadien de la fonction publique ont également eu à faire plusieurs sorties publiques pour demander que des mesures de distanciation sociale soient mises en place. Il apparaît que le processus de décision de la STM à ce niveau soit d’abord de refuser en bloc les demandes syndicales avant de faire volte-face par la suite, comme ce fut le cas notamment au début de la crise pour l’embarquement par la porte arrière des autobus, ou encore pour ce qui est d’offrir des masques et des gants aux chauffeurs.
Répression plutôt que prévention
Gleason Frenette ne mâche pas ses mots en déplorant plusieurs dizaines de cas d’infection à la Covid-19 parmis les employés de la STM. « Ils font les beaux devant les médias en annonçant des mesures sanitaires, mais sur les planchers de travail, c’est une autre histoire », continue le président du Syndicat du transport de Montréal qui est intarissable sur « le laxisme dont fait preuve l’entreprise publique ».
Si Frenette est tellement remonté contre son employeur, c’est qu’il juge que la STM en fait trop peu pour permettre à ses employés de travailler dans des conditions sécuritaires. Il a d’ailleurs appris à ses dépens que les gestionnaires qui dirige la société de transport n’entendent pas à rire lorsqu’ils sont attaqués par les syndicats qui représentent les employés sous leur commandement. Ce dernier a même reçu une deuxième suspension depuis le début de 2020 pour avoir déclaré à la direction que des « têtes allaient rouler » s’il fallait qu’il y ait un mort parmi ses quelques 2 500 membres.
La direction en question a considéré que cette déclaration constituait une menace de mort et Frenette a eu droit à 25 jours de suspension.
C’est ainsi que plusieurs travailleurs des ateliers ont décidé spontanément de quitter leur poste de travail à l’annonce de la suspension de leur leader syndical. La STM s’est empressé de porter plainte au Tribunal administratif du travail (TAT) qui a déclaré le débrayage illégal. L’administration du transporteur public aurait également suspendu des syndiqués pour avoir exercé des refus de travail ou pour avoir porté des vêtements ou des masques de protection à l’effigie du syndicat selon Frenette. « On a environ 3 000 griefs actifs contre l’employeur en ce moment », continue-t-il.
Une gestion critiquée
C’est que la tension est vive entre la STM et le Syndicat du transport de Montréal ainsi que son flamboyant représentant syndical, notamment depuis la négociation de la dernière convention collective entre les deux parties. De l’aveu du syndicaliste, l’arrivée en poste du directeur général Luc Tremblay, peu apprécié des employés avec son background de comptable, aurait grandement facilité la mobilisation de ses membres, ce qui aurait mené à l’obtention de plusieurs gains syndicaux.
Depuis, le torchon brûle entre la STM et le syndicat qui représente plusieurs corps de métier tels que des électromécaniciens, des plombiers, des maçons, des rembourreurs et plusieurs autres. « La direction nous voit comme des numéros », affirme Gleason Frenette qui considère que la gestion de l’entreprise publique est plus que déficiente.
Une réalité dénoncée également par Steve*, employé affecté depuis plus de dix ans à la maintenance des trains du métro qui s’implique également auprès des Industrial Workers of the World (IWW), qui prônent un syndicalisme combatif. Steve juge que c’est la compagnie la « plus mal gérée » pour laquelle il ait travaillé dans sa vie.
« On se démène comme des diables dans l’eau bénite depuis le 14 mars pour faire respecter les mesures sanitaires dans les ateliers », poursuit le président du Syndicat du transport de Montréal. « Il a fallu une journée et demi d’arrêt de travail pour qu’on ait droit à des mesures de distanciation sociale à certains endroits. Qu’est-ce que tu veux, si on ne se bat pas, les gestionnaires ne feront rien pour notre santé et sécurité. »
L’administration Plante avait fait du transport en commun une priorité lors de la dernière campagne électorale municipale. Force est de constater que pour ceux qui travaillent à faire en sorte que nos autobus et nos métros fonctionnent, la situation ne semble pas être beaucoup plus rose qu’auparavant.