«Quand on va sortir du confinement, je ne veux pas voir ma copine pendant au moins un mois», lance Carl, excédé de passer presque toute heure du jour avec celle qui partage sa vie depuis plus de trente ans.
«Toujours de pas de symptômes?»
Pauline a passé une partie du confinement dans sa famille pour ensuite s’installer dans un appartement en solo. Sa dernière liaison avec un homme remonte à un voyage à Vienne qui lui a valu 14 jours de quarantaine. Sur Tinder, elle accepte d’aller prendre un verre avec un local du nom de Vlad.
«On rigole un peu sur le coronavirus, en se sentant bien loin de tout ça, puis il m’embrasse à la fin de la soirée», évoque-t-elle. Deux jours plus tard, le couple se retrouve pour partager un souper qui se termine au lit. La voyageuse prend l’avion pour Montréal quelques jours plus tard.
Alors que la situation se corse dans le monde, Vlad lui écrit tous les jours pour prendre de ses nouvelles. Les conversations s’étiolent au fil des jours pour ne plus que devenir de simples questions dans le style «Toujours pas de symptômes?». 14 jours après leur liaison, plus de nouvelles.
Un élan de peur semblable s’est emparé de nombreux célibataires à l’annonce du confinement. «Le réflexe pour plusieurs fut de s’assurer une fréquentation, une rencontre sexuelle régulière, observe Louise Sigouin, psychologue spécialisée en accompagnement relationnel. Avec le temps, dans mon bureau, j’entends toutes les stratégies pour justifier une liaison : “ il/elle n’est pas allée à l’étranger”, “il/elle n’est pas malade”, etc.»
Ce ne sont pas tous les individus qui s’inquiètent autant de tels échanges. Depuis le début de la pandémie, Laurence, 27 ans, reçoit fréquemment des invitations via Tinder, malgré les règles strictes de distanciation sociale. Plusieurs lui assurent qu’ils n’ont pas de symptômes, qu’ils n’ont pas voyagé pour mieux sécuriser l’étreinte convoitée. L’avocate de profession a finalement cédé et reçu un prétendant chez elle.
«C’était un risque calculé., justifie-t-elle, «nous travaillons les deux de la maison et nous ne voyons personne d’autre».
Jasmine, 32 ans, a aussi exploré les réseaux de rencontre le temps du confinement. «Je n’étais pas très active, mais je suis tombé sur un gars avec qui on a commencé à blaguer», raconte-t-elle. Très vite, les conversations sont devenues un rendez-vous quotidien en soirée.
«C’est certain qu’on va se voir lorsqu’il y aura un retour à la normale, mais en attendant, il y a quelque chose de vraiment plaisant dans la découverte de l’autre via un échange épistolaire. Je ne pense pas qu’on pourrait autant approfondir l’expérience si nous n’étions pas en confinement», croit la Montréalaise.
Les couples déjà formés rivalisent aussi de créativité pour entretenir la flamme. Ils préparent leur repas en même temps via FaceTime, prévoient des marches à deux mètres de distance ou se racontent les banalités quotidiennes de la vie à la maison. «Ces échanges anodins nous incitent à voir différemment ce qu’on tenait pour acquis, on devient plus attentifs à l’autre», estime Louise Sigouin.
Le sexe après l’intimité
La pandémie n’a pas que ralenti le rythme de l’économie, mais aussi celui des rapports intimes. «Il n’y a rien de mauvais là-dedans. L’ambiance permet de ne pas précipiter la relation, elle permet d’ajouter de la profondeur et de se montrer plus vulnérable. La fébrilité collective apporte une dimension intéressante aux niveaux relationnel, affectif et sexuel», explique la psychologue.
Les escortes avec qui Louise Sigouin travaille ne peuvent plus rencontrer de clients, mais travaillent toujours grâce au téléphone. La plupart de celles qui consultent Louise Sigouin avouent nourrir des conversations qui n’ont rien de sexuel.
L’autrice entrevoit un retour au romantisme et à l’érotisme. «On flush moins vite un partenaire potentiel, tandis qu’en couple, on ne laisse pas les escalades inutiles prendre le dessus», observe-t-elle. «On a davantage envie de faire équipe.»
À quoi ressemblera la fièvre estivale après autant de semaines encabanés? «On va passer d’un extrême à l’autre, avance la psychologue. Certains vont faire passer leurs besoins sexuels et amoureux en premier et faire fi des précautions, tandis que d’autres vont redoubler de prudence. Il sera d’autant plus crucial de ne pas baisser la garde.»