Les 2300 résident.es du camp, majoritairement des jeunes familles réfugiées de la Syrie, de l’Afghanistan, de l’Irak et de la République démocratique du Congo, vivent dans des «quartiers» étroits de roulottes blanches, appelées «caravanes» par les résidents francophones. La Grèce a déjà enregistré plus de 1 150 cas de coronavirus et Adriano, ses voisin.es et les organismes internationaux qui encadrent les activités du camp s’inquiètent qu’une éclosion de COVID-19 dans les camps puisse s’avérer catastrophique.
«Les gens sont terrifiés et ils ont peur de sortir dans la rue», raconte Adriano.
Il n’y a eu aucun changement dans le camp [pour améliorer l’hygiène du lieu]. Le gouvernement grec nous donne certaines informations en farsi, en arabe et en français, mais ils ne nous disent pas tout ce qu’on veut savoir. C’est ma professeure de grec qui me tient informée. Par exemple, c’est elle qui m’a dit qu’il y a beaucoup de cas à Thessalonique et qu’il faudrait dire à mes amis là-bas de faire attention. »
Trude Jacobsen est Secrétaire générale de l’ONG norvégienne Drapen i Havet. En temps normal, cette ONG envoie des dizaines de coopérant.es norvégien.nes et internationaux pour enseigner le grec et l’anglais et coordonner des activités pour jeunes à Skaramagas et dans quatre autres camps grecs : à Elefsina, aussi en banlieue d’Athènes, à Nea Kavala, dans le nord-est du pays, à Moria, sur l’ile de Lesvos; et à Vathi, sur l’ile de Samos.
Mme Jacobsen s’inquiète beaucoup plus pour les familles réfugiées coincées sur les îles que pour celles placées à Skaramagas ou à Elefsina.
De façon générale, [les camps] ne sont pas du tout prêts à affronter le virus. Cependant, à Skaramagas, les gens ont des caravanes avec leurs propres toilettes [une toilette pour environ une dizaine de personnes]. Ils peuvent s’auto-isoler dans la mesure du possible dans leurs caravanes. Sur les îles, les gens n’ont aucune chance.»
Les conditions hygiéniques des camps de réfugiés sur les iles grecques, particulièrement celles du camp de Moria, ont été dénoncées à répétition par Médecins sans frontières (MSF) et par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et ce, depuis au moins deux ans. À Moria, plus de 16 000 personnes vivent entassées dans un espace conçu pour 3 000 personnes.
Trude Jacobsen partage l’inquiétude des autres acteurs du milieu. «Si jamais le coronavirus arrive à Moria, ce sera catastrophique», dit-elle.
La distanciation sociale est impossible, et tout le monde est obligé de faire le fil pour manger. Ils n’ont ni eau chaude ni savon, et tout est plus difficile à obtenir parce qu’il y a de moins en moins de personnes qui travaillent au camp.»
Des volontaires formés comme Adriano, des équipes de MSF et d’autres ONG et des représentant.es de la santé publique grecque tentent tant bien que mal d’enrayer les flots de fausses nouvelles et de peur, et de développer des protocoles d’isolement dans l’éventualité d’un cas. Sur les îles, c’est une difficile course contre la montre qui s’annonce.
«Il y a certains endroits à Moria où il n’y a qu’un évier pour 1300 personnes», précise par voie de communiqué la Dr Hilde Vochten, coordonnatrice médicale de MSF en Grèce. «Ce serait impossible de contenir une épidémie dans des telles conditions et à ce jour nous n’avons pas vu un plan crédible de gestion d’épidémie sur les îles.»
Même en temps de crise, alors que les frontières internationales se ferment, qu’aucun navire de sauvetage ne circule en Méditerranée et la plupart des organismes internationaux ont demandé à leurs employé.es ou volontaires de revenir à la maison, des réfugiés continuent d’arriver aux camps situés sur les Iles grecques et les côtes italiennes.
Alarm Phone, une ONG indépendante qui surveille et répertorie les sauvetages en Méditerranée, indique que cinq bateaux de réfugiés ont été repérés en Méditerranée entre le 16-22 mars, dont trois qui ont été redirigés vers les îles grecques, ajoutant plusieurs centaines de personnes aux 42 000 déjà entassées dans les divers camps.
«Nous comprenons que nous sommes dans une phase cruciale [de gestion de pandémie] et que les pays ferment leurs frontières» explique Cécile Pouilly, porte-parole du HCR, qui plaide la cause des réfugiés à un monde focalisé par l’impact de la pandémie dans leurs propres pays.
«Mais les guerres ne se sont pas arrêtées. Les gens vont continuer à fuir pour leurs vies. Les virus ne discriminent pas… si on n’offre pas des soins aux populations vulnérables, on met à risque la santé des personnes réfugiées et la santé de tout le monde.»
Le Service d’asile grec n’a pas répondu à nos tentatives de contact.