En décembre, les relationnistes de GNL Québec ont prétendu que Jim Breyer, le co-dirigeant de la compagnie américaine, a lancé le projet d’Énergie Saguenay pour «lutter concrètement contre les changements climatiques ». Selon eux, M. Breyer mènerait une lutte salutaire au charbon, gros émetteur de GES. La future usine de liquéfaction du Saguenay augmenterait l’offre mondiale de gaz naturel, ce qui permettrait de le substituer au charbon dans les centrales électriques.
Vérification faite, les préoccupations de M. Breyer pour le climat et sa «lutte» pour sevrer la planète du charbon ne dépassent guère la rédaction de communiqués de presse. Il n’y a pas de désamour entre lui et le charbon. Bien au contraire.
Sa femme, Angela Chao, est à la tête du Foremost Group, une entreprise maritime basée à New York qui transporte chaque année des millions de tonnes de charbon, en bonne partie vers la Chine . Il s’agit à n’en pas douter d’une source de revenus appréciable pour ce couple milliardaire. Une source qui n’est pas à la veille de se tarir : la Chine compte augmenter son importation de charbon au cours des années à venir .
Incidemment, les relations de Foremost Group avec l’administration Trump se trouvent au cœur d’une enquête pour conflit d’intérêts. La sœur de Mme Chao, Elaine, est la secrétaire de Donald Trump aux Transports. La Chambre des représentants, dominée par les démocrates, soupçonne cette dernière d’avoir adopté des mesures d’aide à Foremost, l’entreprise familiale fondée par son père et maintenant dirigée par Angela .
Le charbon bon marché transporté par le Foremost Group provient surtout de l’Australie et de la Colombie . Sur son site, Angela Chao affirme que sa flotte de navires est constituée de cargos modernes et «eco-friendly ». Ce n’est pas ce que montre la photo de l’un d’entre eux, le Ping May, qui accompagne le communiqué des Forces navales de Colombie annonçant une saisie de cocaïne dissimulée dans une de ses cargaisons de charbon . Elle fait plutôt voir un vieux bateau à la coque rouillée (voir la photo qui accompagne notre titre).
Nous avons déjà souligné dans Ricochet que Jim Breyer et sa femme ont donné par le biais de leurs entreprises des dizaines de milliers de dollars en contributions électorales à des politiciens américains qui nient la crise climatique . Parmi eux : leur beau-frère Mitch McConnell, époux d’Elaine Chao et leader de la majorité républicaine au Sénat. M. McConnell a fait de la promotion du charbon le thème central de sa dernière campagne électorale. Il a également mené la charge contre les mesures anti-charbon du président Barrack Obama .
M. Breyer est par ailleurs administrateur et actionnaire de Blackstone Group , un grand fonds d’investissement co-propriétaire d’une des plus grosses centrales au charbon aux États-Unis, l’usine Gavin en Ohio, d’une capacité de 2665 mégawatts (beaucoup plus que Manic 5) .
La proximité de Jim Breyer avec le sénateur Mitch McConnell était un atout lorsque Steve Schwarzman, le PDG de Blackstone Group, l’a nommé sur son conseil d’administration en 2016. M. Breyer s’est trouvé par le fait même à avoir des actions dans le groupe. Selon le rapport annuel de l’entreprise déposé à la Security Exchange Commission, ses revenus provenant de Blackstone se sont élevés à près de 300 000$ en 2018 .
Tant M. Breyer que M. Schwarzman ont beaucoup de contacts dans l’administration Trump. L’un d’entre eux est Neil Chatterjee. Celui-ci travaillait comme avocat pour Facebook, quand Jim Breyer en était un des plus importants actionnaires . M. Chatterjee a ensuite servi de conseiller à l’énergie dans le bureau du sénateur Mitch MConnell, une position qu’il a utilisée pour diriger la bataille des républicains pour le pipeline Keystone XL, de TransCanada pipelines . Lorsque Donald Trump a été élu, M. Schwarzman lui a conseillé de nommer M. Chatterjee à la Federal Energy Regulatory Commission. Il en est aujourd’hui le président . La presse financière le présente comme un «champion du charbon ».
Soulignons enfin que Jim Breyer est un important partenaire d’affaires du magnat Rupert Murdoch, de Twenty-First Century Fox. M. Murdoch et ses médias mènent depuis des années une intense campagne pro-charbon et niant la crise climatique, tant aux États-Unis qu’en Australie . Quand les relationnistes d’Énergie Saguenay présentent M. Breyer comme un chevalier de l’industrie en croisade contre le charbon et pour le climat, il est permis de hausser les sourcils…