On devait s’attendre tôt ou tard à un nouveau stunt médiatique de la part d’URBANIA, un peu à la manière d’un train qui arrive à l’heure. Après tout c’est le pain et le beurre du magazine de la jeune élite culturelle montréalaise, tendance extrême-centre enrobée dans un vernis de progressisme néolibéral.

Ils ont fait le coup l’an dernier pour leur numéro «Nouveau Québécois» avec Saint-Sébastien Martineau en couverture, présenté en martyr du changement social, alors que le mercenaire médiatique se trouvait en plein milieu d’une poursuite ridicule — l’Histoire l’aura prouvée — contre Ricochet.

Mais au nom du «faut qu’on se parle», le fondateur et éditeur d’URBANIA Philippe Lamarre est allé chercher, à droite, un chroniqueur qu’on pourrait s’imaginer en service commandé, si on croyait aux théories de complot.

Cute. Mais dangereux.

Car Éric Duhaime, qu’il le veuille ou non, sur un payroll ou non, agit dans le paysage médiatique québécois comme un agent d’influence du néoconservatisme américain, lui-même source d’inspiration du «nouveau conservatisme» canadien en vogue depuis la fusion du Parti progressiste-conservateur et de l’Alliance canadienne au début des années 2000.

Il le dit lui-même dans le texte qui inaugure sa chronique : il milite depuis plusieurs années pour «polariser le débat politique». Dès lors, on peut deviner à qui ça profite.

Le National Endowment for… « Destabilisation »?

Sur ses nombreuses tribunes, Duhaime s’est souvent gargarisé d’avoir «risqué sa vie pour la démocratie en Irak» où il était directeur de programme responsable d’y préparer des élections en 2009, histoire de se poser en héros aussi brave que les milliers de soldats américains dont on a exploité le patriotisme sans la moindre vergogne et envoyés à la boucherie sous couvert des mensonges des criminels de l’administration à laquelle Duhaime a vendu ses services.

C’est plus précisément au National Democratic Institute, chapeauté par le National Endowment for Democracy (NED) qui lui ont permis d’aller faire ce qu’il fait actuellement ici — de la désinformation, de la propagande et de la contamination médiatique — non seulement en Irak, mais également au Maroc et en Mauritanie où il était «consultant en développement démocratique».

Que sont ces institutions?

Des organismes dont la mission serait la «promotion de la démocratie». En réalité, cette expression novlinguistique désigne plutôt l’ingérence américaine dans la politique intérieure des pays où le pays est présent. La liste rassemble d’ailleurs les suspects de convenance de la politique étrangère américaine — Venezuela, Amérique centrale, Afghanistan, Moyen-Orient.

En 1969 (un an après mai 68), elle a financé l’Union nationale interuniversitaire, une association étudiante identifiée à la droite radicale et créée par le Service d’action civique, un bureau obscur enfoui dans les méandres de l’administration gaulliste.

Au Venezuela, la NED finançait directement des médias liés à l’opposition au président Hugo Chavez, après avoir presque quadruplé le financement d’organismes de 250 000 à 900 000 dollars, selon un article paru sur Democracy Now! en mars 2004.

Du côté de la NDI, on trouve actuellement sur son conseil d’administration ET sur son conseil consultatif Madeleine Albright, à jamais infâme pour son rôle actif à plonger et garder le peuple irakien dans la misère la plus abjecte et LA citation qui résume sa pensée sur la mort d’un demi-million d’enfants, «It was worth it». Pour la paraphraser, il existe un place spéciale en enfer pour les secrétaires d’État promptes au meurtre de masse.

Mais surtout, le principal bailleur de fonds du NED, L’agence américaine pour le développement international (USAID) — j’ai d’ailleurs côtoyé leur représentante à Kandahar en 2007-2008 — est un outil de politique étrangère créé durant la Guerre Froide et, c’est un secret de polichinelle, une couverture pour la CIA qui s’est régulièrement servie de USAID pour ses opérations.

Le camarade de plume Marc-André Cyr avait déjà commis un article éclairant sur le sombre passé d’Éric Duhaime — je m’en voudrais de lui faire ombrage.

Duhaime, un opérateur politique d’expérience et diplômé de l’École nationale d’administration publique, était-il au courant des activités et de la nature du NDI et de la NED?

Corruption des mœurs politiques

Depuis qu’il a été parachuté sur la scène médiatique québécoise sous couvert d’un commentateur «libertarien», Éric Duhaime ne chôme pas, non seulement pour nous apporter son analyse si « éclairante » de la politique québécoise, mais surtout pour transformer nos mœurs politiques en les américanisant, aidé par ses alliés populistes qu’on retrouve en grattant le fond de la fosse septique médiatique. À l’intérieur de cette bulle, l’extrême gauche trône au sommet du pouvoir politique et médiatique, les pauvres, les profs et les syndicats sont les responsables du déclin civilisationnel. L’explosion d’un train pétrolier à Lac-Mégantic était un attentat écoterroriste, ceux et celles qui luttent pour la survie de la planète sont des «enverdeurs», il faut bombarder tout pays à prédominance cutanée olive-brune et mieux vaut de la mauvaise information que pas d’information du tout.

Cette dernière phrase, dite verbatim par Duhaime après avoir affirmé, source conspirationniste d’extrême-droite à l’appui, qu’un poste de la Croix-Rouge avait été pillé par des migrants, respire l’authentique ligne de communication tout droit sortie d’un manuel de propagande.

Je m’en voudrais, finalement, si j’omettais son rôle dans la création de Québec FIER, un comité d’action politique qui ne porte pas son nom qui inonde les réseaux sociaux de désinformation et de propagande d’extrême-droite. On pourrait croire à une page indépendantiste, mais, ironiquement, on trouve difficilement plus fédéré au Parti républicain américain.

(J’omets volontairement le Réseau Liberté-Québec – laissons-le reposer en paix dans la fange).

Déjà, les patrons de Cogeco refusent de préserver le peu de réputation qui reste au FM93 en refusant de virer ce polémiste qui, à une époque où la rigueur primait sur les cotes d’écoute, aurait vu sa carrière médiatique avorter avant terme. Le 98,5 FM a fait preuve d’un peu plus de clairvoyance.

URBANIA, vous n’avez pas engagé un chroniqueur un peu frivole doté d’un sens inné du spectacle, mais plutôt un habile propagandiste.

Les opinions reflétées dans ce billet n’engagent que son auteur et ne représentent pas nécessairement celles de la rédaction.