Écologie
Les jeunes du PLQ souhaiteraient qu’un gouvernement issu de leur parti déclare l’état d’urgence climatique et effectue un virage vert. Si cette préoccupation pour l’environnement peut sembler nouvelle, en réalité, elle ne l’est pas : en 2007, 2009 et 2012, déjà, ce thème se trouvait au centre des discussions du rendez-vous annuel de la CJPLQ. Et les propositions adoptées lors de ces instances allaient dans le sens de tarifications supplémentaires (comme les péages autoroutiers, un droit d’entrée sur l’île de Montréal, hausse des tarifs d’Hydro pour encourager une consommation modérée) et d’une conception marchande des ressources naturelles (quantifier les capacités de régénération des ressources aquifères, mettre en place un PIB « vert », permettre de nouveaux pipelines sur le territoire québécois mais leur imposer des tarifs).
La proposition d’une loi forçant le gouvernement à respecter ses engagements en termes de réduction de gaz à effet de serre adoptée au congrès de cette année relève une ironie toute particulière, car le PLQ a adopté une telle loi lorsqu’il était au pouvoir… et ne l’a pas respectée, alors qu’il a gouverné presque sans interruption pendant 15 ans. Pourquoi les jeunes libéraux ont-ils gardé le silence ces dernières années, alors que l’urgence était déjà évidente?
Une interprétation généreuse pourrait les dépeindre comme des convertis tardifs aux messages de la communauté scientifique… mais alors, pourquoi avoir mis tout ce temps à les prendre au sérieux? Une interprétation plus sévère montrerait plutôt un froid calcul électoraliste : il faut se positionner, car l’environnement est devenu l’enjeu le plus important pour l’électorat jeune. Dans tous les cas, il semble que l’aile jeunesse de la classe capitaliste se rend compte de l’urgence climatique ou, du moins, de l’urgence politicienne de prétendre s’intéresser à ce problème.
Entre les lignes, on peut lire l’inquiétude libérale pour l’avenir : passé de premier chez les jeunes à l’élection de 2014 à troisième à celle de 2018, le PLQ doit désormais prendre au sérieux la menace que représente Québec solidaire, qui lui a ravi la pole position chez les 18-35 ans (ainsi que quatre circonscriptions). Les solidaires ayant consacré la plus grande partie de leur énergie politique de la dernière année sur la question de l’environnement – et ayant réussi pour une rare fois à imposer ce thème dans la discussion –, cela a porté fruit. Les jeunes libéraux le savent et tentent de répliquer.
Interculturalisme
Cependant, c’est la Coalition Avenir Québec qui a pris la plus grande part de votes au PLQ, lui ravissant la quasi-totalité de ses sièges en-dehors de l’île de Montréal. Et cela n’est pas étranger au sentiment que le PLQ a abandonné la défense de l’identité québécoise et a opté pour un fédéralisme tous azimuts ces dernières années. Pour regagner l’électorat francophone, certaines personnes dans le parti font donc le calcul qu’il faut retourner sur le terrain de l’identité et se débarrasser de l’image « multiculturaliste ». Entre donc la CJPLQ et sa proposition d’adopter une loi définissant l’interculturalisme, position souvent présentée comme à mi-chemin entre le nationalisme « dur » et le multiculturalisme, comme politique étatique.
Mais est-ce bien nouveau? Pas du tout. En 2011, les jeunes libéraux s’étaient déjà prononcés en faveur de ce même principe. Plus encore, cette position était celle dont se réclamait nul autre que Jean Charest aux alentours de 2007-2008, quand il sentait la menace de l’Action démocratique du Québec de Mario Dumont, qui surfait à l’époque sur la « crise des accommodements raisonnables ».
Après la catastrophe électorale adéquiste de 2008, on n’en a plus entendu parler par l’ancien premier ministre. Il semblerait donc que l’interculturalisme à la sauce libérale n’est qu’une ligne de communication utilisée par temps difficiles, sans plus. De toute façon, le chef intérimaire Pierre Arcand, à la sortie de la fin de semaine, a bien fait son devoir de rappel à l’ordre, réitérant le credo libéral des dernières années.
Autres propositions
Quand on s’intéresse à l’œuvre d’ensemble de la CJPLQ, par-delà les seuls thèmes de l’environnement et de l’identité, on retrouve une constante : lorsque leur parti est dans l’opposition, les jeunes libéraux envoient des signaux « à gauche », mais lorsque celui-ci est au pouvoir, ils le tirent à droite toute. En particulier quand on regarde leurs propositions touchant à la démographie, au travail et à l’éducation.
La jeunesse libérale est bien préoccupée par l’« équité intergénérationnelle ». Mais, par là, il faut comprendre la réduction au maximum de la taille de l’État et l’imposition du plus grand nombre de tarifs possible pour atteindre (ou conserver) le sacro-saint équilibre budgétaire et réduire la dette au plus vite (2009).
L’immigration est considérée d’abord et avant tout du point de vue de l’emploi : revoir les critères de sélection de l’immigration pour assurer une harmonisation avec les besoins de main-d’œuvre – ici, la CAQ semble avoir été inspirée – et accélérer la reconnaissance des diplômes étrangers (2014). D’ailleurs, parlant de travail, les jeunes libéraux n’aiment pas beaucoup les syndicats (qu’ils prétendaient vouloir moderniser en 2008) et le principe d’ancienneté (qu’ils voulaient abolir en 2016), mais ils ont été les plus grands champions d’Uber et AirBnb, qu’importent les conséquences sociales.
Enfin, en éducation, les jeunes libéraux ont réclamé à maintes reprises des hausses de frais de scolarité universitaires – allant même jusqu’à applaudir le projet de loi 78 lors de la grève étudiante de 2012 malgré son caractère liberticide – et ont suggéré, en 2014, que l’on abolisse les cégeps (« dépassés et ne répondant plus aux besoins du marché du travail »), que les universités développent davantage de partenariats avec le privé et que le système d’éducation dans son ensemble se moule aux besoins des employeurs.
Dans cette vision, la population est, avant toute chose, main-d’œuvre. À la CJPLQ, on veut des garderies pour stimuler la natalité et, à défaut d’avoir un taux de fécondité satisfaisant, on veut des immigrant.e.s bien qualifié.e.s pour venir occuper les emplois nécessaires au bon roulement économique. L’école, ce n’est pas fait pour cultiver son esprit et s’ouvrir au monde (sauf celui des affaires, bien sûr) : il faut y passer aussi peu de temps que possible pour ainsi se retrouver rapidement sur le marché du travail. Si les jeunes libéraux ont un projet de société, il se résume à ceci : acquérir des compétences, travailler sans trop demander en retour, se reproduire et mourir sans laisser de dette. Emballant, n’est-il pas?
Une stratégie en panne
Mais tout cela a peu de sens dans un monde qui court à la catastrophe, et les gens s’en rendent compte un peu plus chaque jour. On sent que la jeunesse libérale veut rompre avec l’image affairiste et technocratique de leur parti, en particulier sous Philippe Couillard, et renouer avec une proposition politique en phase avec les préoccupations de la jeunesse, d’une part, et avec les insécurités identitaires de la majorité francophone hors-grands centres, d’autre part.
À l’ère où Greta Thunberg fait le tour du monde pour rappeler aux parlementaires leur responsabilité, il est de bon ton de faire preuve d’une certaine sensibilité environnementale. Pourtant, conjuguer cela à une tentative timide de retourner à la défense de l’identité québécoise risque d’envoyer des signaux contradictoires. Dans les deux cas, les jeunes libéraux reprennent certains de leurs thèmes historiques mais semblent arriver trop tard au rendez-vous.
Le problème le plus important de la CJPLQ, ici, est la trop grande apparence d’électoralisme, un électoralisme qui sert à mettre au pouvoir un parti qui lui-même se met au service des grandes entreprises. Peut-on faire confiance à ceux qui sont à l’origine du problème quand ils nous disent que maintenant ils ont les solutions?