Le sage, l’hôpital et la charité

Quand le sage pointe la lune, l’idiot regarde le doigt, dit le vieil adage.

Richard Martineau, lui, se rentre le doigt du sage dans l’œil (ou même, vu la puérilité de son œuvre récente, dans le nez).

Voyez-vous, le chroniqueur-vedette à la poursuite facile a cherché, dans une récente chronique, à ramener le naufrage des médias régionaux… aux enjeux identitaires.

«Si ton journal est de moins en moins lu, ce n’est peut-être pas seulement à cause des méchants médias sociaux. C’est peut-être aussi parce que tu défends des points de vue que ne partage pas l’ensemble de la population. Parce que tu es déconnecté de ton lectorat. Si tu passes ton temps à dire que la loi 21, c’est de la merde, alors que 70 % de la population la défend et l’appuie, ça se peut que des gens cessent de lire ton journal et mettent fin à leur abonnement, non?», écrivait-il récemment, visiblement en recopiant directement ses notes prises sur une napkin à cocktails.

Richard, non seulement tu donnes (encore) dans la désinformation, mais tu viens torpiller les ambitions de ton grand ami et employeur.

Selon la plus récente enquête sur les pratiques culturelles du Québec parue en 2016, le lectorat global des journaux avait augmenté de 13 % en une décennie. Le Soleil a vu son nombre de lecteurs augmenter de 537 000 à 551 000 entre les 2e et 3e trimestres de 2017. Le quotidien Le Droit d’Ottawa a vu son nombre de lecteurs augmenter de 17 % entre l’automne 2018 et le printemps 2019.

Et lors du dernier épisode de la série sans fin L’hôpital qui se fout de la charité, Pierre-Karl Péladeau cherchait une fois de plus à se positionner en sauveur (une tendance lourde) en exprimant son intérêt envers les journaux de Capitales Médias.

Lui qui, il y a seulement quelques jours, laissait valoir les mérites de la concurrence et les désavantages de la concentration de propriété… alors qu’il cherchait à acquérir Air Transat.

Bref, on le sait depuis longtemps, le problème n’en est pas un de lectorat, c’est un problème de revenus et de modèle d’affaires.

En tout cas Richard, je ne sais pas s’il existe des syndics en faillite intellectuelle, mais je commencerais à magasiner.

D’autres modèles

Un test de démocratie, donc.

La semaine passée, le premier ministre Legault, gérant de la province de Québec, incitait les gens à s’abonner aux journaux pour les aider, s’enfonçant de son côté l’énorme poutre qui l’empêche visiblement de voir lui aussi le fond du problème… à moins que ce soit volontaire.

Car la solution, du moins une partie, repose entre les mains des législateurs qui devraient emboîter le pas à la France et ouvrir la voie à la taxation des GAFAM, afin de récupérer des revenus acquis sur le territoire… Ce qu’on appelle, en d’autres termes, du vol.

On constate une compétence fédérale et une volonté inexistante du côté de l’ex-ministre de l’inculture maintenant en charge du dossier de la langue francophone, de même que chez son successeur. Si M. Legault avait réellement à cœur les intérêts des citoyens et citoyennes, il presserait ce dossier de manière encore plus agressive.

D’autres, comme la députée solidaire Catherine Dorion, voient le modèle coopératif comme une autre piste de solution.

Elle a raison.

Mais j’irais plus loin.

Pourquoi ne pas s’inspirer du fonctionnement des associations étudiantes et prélever une modeste cotisation à même le compte annuel de taxes municipales?

Histoire de remettre entre les mains des citoyens et citoyennes la santé trop fragile d’une démocratie déjà moribonde qui s’effrite sans cesse.