Les langues autochtones à l’honneur
Le dignitaire, qui a livré une partie de son discours en innu avant de passer au français, n’a pas manqué de souligner les gains obtenus récemment par les premières nations et les autochtones au Canada, dont la reconnaissance de leurs droits linguistiques avec la Loi sur les langues autochtones, adoptée par le gouvernement fédéral. Il a aussi salué le fait que la Ville de Montréal avait récemment procédé au changement de nom de la rue Amherst, rebaptisée d’un nom mohawk, Atateken.
«Les langues autochtones occupent la planète et c’est magnifique», s’est réjoui le chef de l’AQLPN, en rappelant que 2019 est l’année internationale des langues autochtones. S’il se dit optimiste pour l’avenir, il ne s’inquiète pas moins des conditions de vie qui prévalent dans certaines communautés, comme celle de Kitcisakik qui vit toujours sans électricité ni eau courante.
Le difficile chemin de la réconciliation
Également invitée à prendre la parole, l’avocate crie Marie-Ève Bordeleau, nommée commissaire aux Affaires autochtones de la Ville de Montréal l’an dernier, a pour sa part tenu à reconnaître Montréal comme territoire non cédé, avant de souligner l’importance, à l’heure de la réconciliation, d’un festival comme Présence autochtone qui réaffirme la place de Montréal comme lieu de rencontre historique entre les nations autochtones et non autochtones.
Le gouvernement fédéral avait dépêché pour l’occasion la députée de Châteauguay—Lacolle Brenda Shanagan. La députée qui a pris la peine de reconnaître les autochtones comme protecteurs des terres, ne pouvait pas passer sous silence l’historique chargé des relations entre autochtones et non autochtone dans sa circonscription, située au pied du pont Mercier que les Mohawks ont bloqué durant la crise d’Oka en 1990.
Dans son discours inaugural, où il se réjouissait de voir le Québec enfin sortir «de la longue nuit coloniale», le PDG de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Jean-Louis Roy, hôte de l’événement d’ouverture de Présence autochtone, a pour sa part trouvé le moyen de saluer, sans le nommer, le chef de l’APNQL et de s’étendre en profus remerciements pour le magnat de la presse Pierre-Karl Péladeau, principal commanditaire du festival par le biais de Québecor. Ce dernier s’est pour sa part distingué par un discours, visiblement improvisé et particulièrement confus, où il semblait parler de réconciliation entre autochtones et non autochtones comme de vagues retrouvailles entre de vieux amis qui s’étaient éloignés.
Quand la culture rencontre la politique
Beaucoup plus articulé et toujours drôle, le directeur de Présence autochtone, André Dudemaine, a présenté la programmation du festival (qui se poursuit jusqu’au 14 août) comme «la plus belle pizza en ville». S’accusant à la blague «d’appropriation culturelle», il a fait un clin d’œil immanquable à la polémique dans laquelle le metteur en scène et dramaturge Robert Lepage s’était empêtré l’an dernier, notamment avec son spectacle Kanata.
D’un ton plus sérieux, le président de la Société pour la diffusion de la culture autochtone Terres en vues, a salué la résistance des Maoris contre un projet de développement immobilier sur des terres sacrées en Nouvelle-Zélande. Ce conflit qui fait les manchettes actuellement n’est d’ailleurs pas sans rappeler la crise d’Oka qui sévissait au moment de la première édition de Présence autochtone en 1990 et dont on sent encore les échos ces jours-ci.
André Dudemaine en a d’ailleurs profité pour souligner qu’une projection spéciale en langue mohawk du film Kanehsatà:ke, 270 ans de résistance aura lieu le 12 août à Kahnawà:ke en présence de la réalisatrice abénaquise Alanis Obomsawin qui avait documenté de l’intérieur le conflit autour de la pinède d’Oka, épicentre de la crise il y a 29 ans.
Le cri du cœur de Natasha Kanapé-Fontaine
Fondé à l’origine comme un festival de cinéma, Présence autochtone est aujourd’hui un festival multidisciplinaire qui investit notamment la Place de festival avec des spectacles gratuits. Le cinéma demeurant le cœur de la programmation, c’est avec un film que s’est ouvert le festival.
Présenté en première mondiale, le film réalisé par Santiago Bertolino, met en vedette l’artiste multidisciplinaire, poète et militante Natasha Kanapé-Fontaine. Intitulé NIN E TEPUEIAN — MON CRI, ce documentaire met en lumière les enjeux actuels et la réalité autochtone contemporaine – du génocide colonial à la résistance aux pipelines, en passant par la protection et la promotion des langues autochtones – à travers le vécu et la parole d’une jeune femme innue qui cherche à affirmer son identité à travers son rapport à sa langue, à son corps et à son territoire et à panser les plaies de la «blessure de la colonisation».
«Il n’y a rien qui va me déposséder de mon identité», a lancé l’auteure dans un court discours livré avec émotion suite à la projection. Disant espérer que le film pourra «aider les autres à découvrir leur feu», elle a terminé son allocution avec un hommage bien senti à l’écrivaine afro-américaine Toni Morisson, décédée le 5 août.