Depuis le début du mois de mai, une campagne de recrutement de candidats a été lancée par le chef du Parti patriote, Donald Proulx. Parmi les prérequis demandés : «pas de dossier judiciaire, une personne sérieuse et avoir le sens de l’organisation», peut-on lire sur une des publications.

Le 24 mai, Donald Proulx publiait la charte du parti pour le volet fédéral. Elle propose entre autres «un gouvernement par le peuple et pour le peuple par une démocratie directe» et affirme que le parti «défendra la liberté d’expression, l’équité entre hommes et femmes et les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État».

«Nous n’accepterons que la reconnaissance de ce que nous sommes; c’est-à-dire une Nation libre de choisir sa destinée. C’est ce pour quoi avec vous nous nous battons (sic)», peut-on lire en conclusion.

Le 25 mai, M. Proulx annonçait le soutien de la « Société Saint-Jean-Baptiste de Québec ». Dans un courriel envoyé à Ricochet, l’organisme affirme «[appuyer] toute formation politique qui est en accords [sic] avec notre programme politique, incluant le Bloc Québécois et le Parti patriote (à être accrédité (sic))».

Le hic, c’est qu’elle n’est pas reconnue par la SSJB, ce qui a été confirmée par le président de la SSJB-Montréal Maxime Laporte, et ne figure même pas au nombre des organismes formant le OUI-Québec (Organismes unis pour l’indépendance), ni dans aucune autre coalition.

Réunion stratégique

Selon ce qu’a appris Ricochet, des membres de l’exécutif du Parti patriote se sont récemment réunis dans un café du quartier Plateau Mont-Royal et discutaient stratégies en vue des prochaines élections fédérales.

Selon notre source — très fiable, mais qui a demandé l’anonymat —, trois des membres du parti étaient attablés avec une quatrième personne non identifiée afin de la recruter comme candidat. Parmi eux se trouvaient le chef du parti Donald Proulx et trois autres personnes dont on a pu confirmer l’identité.

Au cours de la conversation, M. Proulx aurait annoncé qu’il avait obtenu plus de 400 signatures. Dans une publication sur sa page Facebook personnelle datant du 5 mai dernier, il mentionnait avoir obtenu «les 375 signatures nécessaires pour l’enregistrement du parti».

Élections Canada exige un minimum de 100 signatures pour chaque candidat et de 250 membres pour l’enregistrement d’un parti politique.

L’idée derrière la stratégie de recrutement serait de «profiter de la vague bleue», un rassemblement tenu devant les locaux de TVA à Montréal le 4 mai dernier pour soutenir le projet de loi 21 sur la laïcité et réunissant plusieurs individus et groupes identitaires radicaux. Radio-Canada rapportait notamment la présence de Storm Alliance et, sur une capture d’écran provenant de leur site web, on peut apercevoir le Carillon Sacré-Cœur, version antérieure au fleurdelisé créé par le prêtre Elphège Filiatrault et qui fut brandi comme drapeau officieux du Québec à partir du début du 20e siècle jusqu’à l’adoption officielle du Carillon moderne par le gouvernement Duplessis, devenu par la suite le fleurdelisé en 1948.

«Faire comme Trump»

Toujours selon notre source, la tablée prépare une stratégie de communication de choc auprès des radios-poubelles de Québec. «Qu’on parle de nous en bien ou en mal, au moins faut qu’on parle de nous», aurait dit le chef du parti.

Le nouveau parti affiche aussi déjà une méfiance envers les médias «traditionnels». «Il faut qu’on passe massivement par les réseaux sociaux, il faut faire comme Trump», aurait ajouté M. Proulx, en référence tant à la stratégie de communication du président états-unien qu’à son dédain pour les grands médias.

Thèses conspirationnistes

Selon toute vraisemblance, le nouveau parti fédéral représente la suite logique du parcours de ses membres. En 2017 et 2018, Donald Proulx était à la tête de l’Union patriote, qui comptait présenter des candidats aux élections municipales et provinciales, respectivement. Aucune mention du parti ne figure sur le site d’Élections Québec, mais le nom «Parti patriote» a été réservé le 21 mai dernier.

Toujours selon notre source, on aurait suggéré à la personne visée par l’effort de recrutement de visionner les vidéos de Alexis Cossette-Trudel, un youtubeur très prisé dans les milieux d’extrême-droite pour son adhésion et sa dissémination de théories conspirationnistes telles que QAnon, qui serait un membre haut-placé de l’appareil militaro-sécuritaire américain. La genèse de cette dernière remonte au début du «pizzagate», une théorie de complot discréditée faisant état d’un réseau de trafic humain pédophile dirigé par nombres d’élite démocrates et définis comme progressistes. La présidence Trump serait le point culminant d’une stratégie s’étalant sur plusieurs années et qui fait du politicien américain une espèce de figure messianique qui mettra à jour et démantèlera le réseau, malgré que lui-même ait à de nombreuses reprises fait des commentaires lubriques à propos de sa fille Ivanka. En octobre 2016, il avait également dit d’une jeune fille de 10 ans « qu’elle serait sa compagne dans 10 ans ».

Fils des ex-felquistes Louise Lanctôt et Jacques Cossette-Trudel et doctorant en sémiologie, Alexis Cossette-Trudel collabore notamment aux médias d’extrême-droite Horizon Québec Actuel et Le Peuple, héritiers 2.0 de publications antisémites datant des années 1930, telles que Le Goglu du «Führer canadien» Adrien Arcand. Ces sites de «réinformation» publient des articles provenant de sources douteuses ou malhonnêtement réinterprétés pour correspondre au narratif politique des personnes derrière ces sites.

«Patriotes» ou ultranationalistes?

Malgré son nom, le Parti patriote semble plutôt privilégier une politique basée sur un nationalisme radical à saveur ethnique. Le dictionnaire Oxford de science politique définit d’ailleurs le patriotisme comme un concept de dévotion au pays qui «alimente le nationalisme, mais n’est pas nécessairement nationaliste en soi», sans toutefois être obligatoirement rattaché à un projet politique défini.

Notons que les patriotes, dont le parti s’inspire, provenaient tant du Haut-Canada que du Bas-Canada et comptaient dans leurs rangs de nombreux anglophones, dont les frères Wolfred et Robert Nelson. Ce dernier avait prononcé, en février 1838, la Déclaration d’indépendance du Bas-Canada à titre de président de la république morte-née.

Aucun membre ou dirigeant du Parti patriote n’a répondu aux questions posées par Ricochet.