Nous dénonçons ici le manque de représentativité du mouvement des femmes du Québec, notamment parce que le gouvernement n’a pas daigné inviter les personnes les plus susceptibles d’être touchées par ce projet de loi : les femmes qui choisissent de porter des symboles religieux tout en travaillant au service de la société québécoise et dont les choix risquent d’être désormais réglementés par le gouvernement.

Certes, le projet de loi 21 touche les droits de l’ensemble des membres des minorités religieuses, mais il aura certainement un impact sur l’avancement de la condition féminine, étant donné qu’il entraînera une augmentation des barrières à l’emploi, une précarisation économique et l’isolement social d’un groupe de femmes qui fait déjà l’objet de discriminations.

Le gouvernement a exclu les femmes les plus touchées par ce projet de loi : les enseignantes et les fonctionnaires du gouvernement qui risquent de perdre des opportunités d’emploi ou de subir des restrictions imposées par l’État au sujet de leur tenue vestimentaire au travail.

Le processus de consultation mis sur pied par le gouvernement garantit que ce projet de loi sera adopté sans que l’on puisse entendre les voix diverses des femmes du Québec, particulièrement celles des femmes musulmanes qui portent le voile. La commission n’a invité que deux groupes représentant les femmes à prendre la parole lors des audiences : la Fédération des femmes du Québec (FFQ) et Pour le droit des femmes du Québec (PDFQ), deux « groupes de femmes » qui reflètent des visions opposées de l’égalité et des droits des femmes. La FFQ est la seule organisation des femmes qui s’oppose au projet de loi qui a été invitée en commission parlementaire, alors qu’elle regroupe une diversité des membres individuelles et associatives à travers la province.

Quant au PDFQ, il s’agit d’un petit groupe de femmes qui a lancé des attaques contre les droits des femmes dans la province. Par exemple, dans une publication de 2015 dans laquelle ce groupe a appelé à des restrictions accrues au plan de l’immigration pour favoriser des personnes partageant une « identité commune, basée sur des valeurs communes ». De plus, tel que l’atteste son site internet, pas moins de cinq femmes invitées à s’exprimer individuellement devant la commission ont des liens avec PDFQ, augmentant ainsi la surreprésentation de cette petite organisation lors des audiences.

Représentation disproportionnée

La représentation disproportionnée des voix qui soutiennent le projet de loi lors des audiences est préoccupante pour deux raisons. Premièrement, le gouvernement a exclu les femmes les plus touchées par ce projet de loi : les enseignantes et les fonctionnaires du gouvernement qui risquent de perdre des opportunités d’emploi ou de subir des restrictions imposées par l’État au sujet de leur tenue vestimentaire au travail. Cela inclut les femmes musulmanes de la province et les femmes de toutes les religions qui choisissent de porter des vêtements ou des symboles religieux pour travailler.

Il faudrait réfléchir à ce que cela implique dans un contexte de montée de l’extrême droite et de la normalisation des discours d’exclusion.

Deuxièmement, nous craignons qu’un poids disproportionné soit accordé à la posture de PDFQ étant donné que la commission entendra non seulement ce groupe, mais également cinq autres personnes y étant affiliées, donnant ainsi l l’impression que les groupes féministes et de défense de droit des femmes de la province appuient largement le projet de loi. En accordant la priorité à leur perspective lors des audiences sur le projet de loi 21, le gouvernement offre une plateforme aux groupes qui instrumentalisent le langage du droit des femmes pour faire avancer des programmes politiques qui remettent en question l’engagement fondamental des féministes à défendre l’autonomie des femmes à faire leurs propres choix quant à leur corps, leur tenue vestimentaire et leur conception de la liberté.

Alors que le Québec envisage d’adopter un projet de loi qui modifiera la manière dont les services publics sont fournis à tous les Québécois et toutes les Québécoises, nous posons la question : quel contrôle exerçons-nous sur le corps des femmes du Québec? Il faudrait réfléchir à ce que cela implique dans un contexte de montée de l’extrême droite et de la normalisation des discours d’exclusion.

Nous appelons le mouvement des femmes au Québec et toutes les personnes concernées par la justice et les droits des femmes à prendre position contre les lois discriminatoires adoptées au nom du féminisme. Il ne s’agit pas simplement d’une question de liberté religieuse, mais bien de droit des femmes et de la nécessité de protéger la liberté de travailler sans discrimination.

Signée par :

Sirma Bilge, Professeure titulaire, Département de sociologie, Université de Montréal;

Geneviève Pagé, Professeure, Département de science politique, UQAM;

Natalie Kouri-Towe, Professeure adjointe, Institut Simone-De Beauvoir, Université Concordia;

Marlihan Lopez, Coordinatrice de programme, Institut Simone-De Beauvoir, Université Concordia;

Gada Mahrouse, Professeure agrégée, Institut Simone-De Beauvoir, Université Concordia;

Kimberley Manning, Professeure agrégée, Institut Simone-De Beauvoir, Université Concordia;

Genevieve Renard Painter, Professeure adjointe, Institut Simone-De Beauvoir, Université Concordia;

Geneviève Rail, Professeure titulaire, Institut Simone-De Beauvoir, Université Concordia;

Yasmin Jiwani, Professeure, Département de communications, Université Concordia;

Martine Delvaux, Professeure titulaire, UQAM;

Sophia Koukoui, Professeure associée, Université de Montréal;

Erin Manning, Professeure, Université Concordia;

Norma Rantisi, Professeure, Université Concordia;

Alanna Thain, Directrice, Université McGill;

Michelle Hartman, Professeure, Université McGill;

Rachel Berger, Professeure agrégée, Université Concordia;

Anya Zilberstein, Professeure agrégée, Université Concordia;

Jonathan Sterne, Professeur, Université McGill;

Shannon McSheffrey, Professeure, Université Concordia;

Claudia Mitchell, Professeure titulaire, Université McGill;

Bronwen Low, Professeure agrégée, Université McGill;

Leila Benhadjoudja, Professeure adjointe, Université d’Ottawa;

Eldad Tsabary, Professeur agrégé, Université Concordia;

Edward Lee, Professeur adjoint, Université de Montréal;

Khaoula Zoghlami, Doctorante, Université de Montréal;

Romina Hernández, Organisatrice communautaire;

Ryoa Chung, Professeure agrégée, Université de Montréal;

Sophie Mederi, Coordinatrice, Regroupement Naissance-Renaissance;

Thomas Lamarre, Professeur titulaire, Université McGill;

Jenny Burman, Professeure agrégée, Université McGill;

Homa Hoodfar, Professeure émérite, Université Concordia;

Nelly Bassily, DAWN-RAFH;

Odile Boisclair, Travailleuse communautaire;

Theresa Ventura, Professeure adjointe, Université Concordia;

Anne-Marie D’Aoust, Professeure, UQAM;

Sylvie St-Amand, Co-coordonnatrice, L’R des centres de femmes du Québec;

Valérie Gilker Létourneau, Militante féministe;

Elizabeth Elbourne, Professeure agrégée, Université McGill;

Jade Almeida, Doctorante, Université de Montréal;

Rachel Chagnon, Professeure, UQAM;

Edith Skewes-Cox;

Tamara Vukov, Professeure agrégée, Université de Montréal;

Laila Parsons, Professeure, Université McGill;

Carrie Rentschler, Professeure agrégée, Université McGill;

Amandine Catala, Professeure agrégée, UQAM;

Kharoll-Ann Souffrant;

Lucie Lamarche, Professeure, UQAM;

Leila Celis, Professeure, UQAM;

Dinaïg Stall, Professeure, UQAM;

Dolores Chew, Enseignante, Collège Marianopolis;

Yuriko Furuhata, Professeure agrégée, Université McGill;

Baharak Fatholahzadeh, Enseignante, Collège Marianopolis;

Alia Al-Saji, Professeure agrégée, Université McGill;

Sandrine Ricci, Doctorante, UQAM;

Michèle Spieler;

Line Chamberland, Professeure, UQAM;

Bettina Bergo, Professeure, Université de Montréal;

Joanna Berzowska, Doyenne associée recherche, Université Concordia;

Shelley Ruth Butler, Chargée de cours, Université McGill;

Fiona Ritchie, Professeure agrégée, Université McGill;

Emmanuelle Bernheim, Professeure, UQAM;

Rushdia Mehreen, Collège Vanier;

Dominique Meunier, Professeure, Université de Montréal;

Deborah Rose Lunny, Enseignante, Collège John Abbott;

Véro Leduc, Professeure, UQAM;

Matthew Penney, Professeure agrégée, Université Concordia;

Saaz Taher, Doctorante, Université de Montréal;

Suzanne Morton, Professeure, Université McGill;

Kim Sawchuk, Professeure, Université Concordia;

Ann-Louise Davidson, Professeure agrégée, Université Concordia;

Esther Armaignac, Doctorante, Université McGill;

Safa Ben Saad, Professeure associée, Université de Sherbrooke;

Monika Kin Gagnon, Professeure, Université Concordia;

Alan Wong, Professeur, Collège Vanier;

Marguerite Deslauriers , Professeure, Université McGill;

Nawel Amara Hamidi, Avocate et Chargée d’enseignement, Université Laurentienne, Sudbury;

Rosa Pires, Chargée de cours, Université Concordia;

Kelly McKinne, Enseignante, Collège John Abbott;

Shanice Yarde;

Maria Nengeh Mensah, Professeure titulaire, UQAM;

Toula Drimonis, Écrivaine;

Alexandra Lipskaia, Coordinatrice de communications, Université Concordia;

Florence Ashley, Faculté de Droit, Université McGill;

Erica James, Enseignante, Collège Vanier;

Myriam Durocher, Étudiante au doctorat, Université de Montréal;

Sophie Gagnon, Avocate;

Jeremy Stolow, Professeur agrégé, Université Concordia;

Line Grenier, Professeure agrégée, Université de Montréal;

Ahmed Hamila, Doctorant, Université de Montréal;

Hasana Sharp, Professeure agrégée, Université McGill;

Constance Lafontaine, Université Concordia;

Sarah Brand, Enseignante, Collège Marianopolis;

Lynda Clarke, Professeure, Université Concordia;

Louise Legault, Coordinatrice, Collège John Abbott;

Anuska Martins, Collège Vanier;

Nora Nagels, Professeure agrégée, UQAM;

Krista Lynes, Professeure agrégée, Université Concordia;

Katherine Zien, Professeure agrégée, Université McGill;

Will Roberts, Professeur agrégé, Université McGill;

Stephanie Olsen, Université McGill;

Margaret Gordon, Collège Marianopolis;

Marlo Turner Ritchie, Consultante;

Nary Ellen Davis, Chargée de cours, Université Concordia;

Cory Legassic, Professeur, Collège Dawson;

Heather Pattee;

Rachel Chainey, Université Concordia;

Ghazala Munawar, Coordonnatrice;

Christopher Bourne, Collège Dawson;

Amel Zaazaa, Militante féministe;

Élisabeth Mercier, Professeure adjointe, Université Laval;

Diana Rice, Coordonnatrice, Collège Dawson;

Yves Winter, Professeur adjoint, Université McGill;

Révérende Diane Roller, Église unitarienne de Montréal;

Marie-Pier Boisvert, Directrice générale, Conseil québécois LGBT;

Florencia Marchetti, doctorante, Université Concordia;

Stéphanie Paterson, Professeure agrégée, Université Concordia;

Natalie Gibb, Enseignante, Cégep Heritage;

Mona Greenbaum, Directrice générale, Coalition des familles LGBT;

Suzanne Zaccour, doctorante, Université Oxford;

Julie Lavigne, Professeure agrégée, Université du Québec à Montréal;

Danielle Bobker, Professeure agrégée, Université Concordia;

Pilar Hernandez Romero, Directrice générale, PAAL Partageons le monde;

Naftali Cohn, Professeure agrégée, Université Concordia;

Carly Daniel-Hughes, Professeure agrégée, Université Concordia;

Nargess Mustapha – Hoodstock;

Dana Vocisano;

Sarah Beer, Professeure , Dawson Collège;

Stefanie Duguay, Professeure adjointe, Université Concordia;

Antonia Fikkert. Professeure, Collège Dawson;

Evan May, Professeure, Cegep Heritage College;

Razan AlSalah, Professeure adjointe, Université Concordia;

Olivier Mathieu, Collège de Valleyfield;

Marie-Eve Veilleux;

Leila Bdeir, Enseignante, Vanier College;

Sissi de la Côte;

Jenn Clamen, Simone de Beauvoir Institute, Université Concordia;

Allison Harvey Bibliothécaire responsable, CDÉACF;

Why’z Panthera, Artiste militante;

Laïna Daigneault-Desroches, Enseignante, Cégep Heritage;

Cynthia Martin, Professeure, Collège Dawson;

Annie Pullen Sansfacon, Professeure titulaire, Université de Montréal;

Anna-Liisa Aunio, Professeure, Collège Dawson;

John Faithful Hamer, Enseignant, John Abbott College;

Mireille Beaudet, avocate;

Maureen Jones, Enseignante, Collège Vanier;

Halah Al-Ubaidi;

Colleen Parish, Université McGill;

Stéphanie Vallée, Présidente, L’R des centres de femmes du Québec;

Lindsay Morrison, Conseil Communautaire NDG;

Marianne Pelton, Collège Dawson;

Hannah Payne;

Judith Sribnai, Professeure adjointe, Université de Montréal;

Sue Montgomery, Maire de CDN NDG;

Laurence Parent, Chercheure postdoctorale, Université d’Ottawa;

Belinda Bowes, Simone de Beauvoir Institute, Université Concordia;

Rula Jurdi, Professeure, Université McGill;

Québec contre les violences sexuelles;

Rula Jurdi, Professeure, Université McGill;

Tanya Rowell Katzemba, Enseignante, Collège John Abbott;

Violaine Arès, Enseignante, Collège John Abbott;

Tanya Rowell Katzemba, Enseignante, Collège John Abbott;

Francesca Buxton, Coordonnatrice administrative, Project 10;

Laïna Daigneault-Desroches, Enseignante, Cégep Heritage;

Hind Oukhija;

Fiona Tomaszewski, Professeure, Collège John Abbott;

Brianna Bernhardt;

Julie Podmore Professeure adjointe, Université Concordia;

Avery Larose, Enseignante, Collège John Abbott;

Andrew Ivaska, Professeure associé, Université Concordia;

Tara Chanady, Chargée de cours, Université de Montréal;

Tatiana Garakani, Professeure agrégée, ENAP;

Catherine Humes, Professeure, Collège John Abbott;

Diane Shea, Collège Dawson;

Karine-Myrgianie Jean-François;

David Graciano;

Rachel Berger, Professeure associée, Université Concordia