Le Richard, semble-t-il, n’avait pas apprécié notre satire nécrologique. Celle-ci dressait le bilan de la catastrophique carrière de ce chroniqueur organique du pouvoir. Avec le recul, concédons que notre texte était plutôt moyen… Il ne liait pas assez clairement le cas du Richard aux autres déclinaisons de la même pathologie généralisée : Jeff Fillion, Fox News, Info Wars, Donald Trump, La Pravda, Allo police…
Naturellement, et comme nous l’avons répété dès les premiers gémissements du Richard et de sa cour de codindes, il n’a jamais été question de prôner la violence physique à son égard (vous pouvez lire ici notre réplique agrémentée d’une jolie chanson de la Compagnie créole).
Mais «nul n’est plus sourd que celui qui ne veut entendre» – sauf peut-être «celui qui ne veut entendre» et qui passe son temps à insulter les sourds parce qu’ils n’entendent pas bien.
Où est Charlie?
Quoi qu’il en soit, le plus Charlie des Charlie, celui qui répète tellement qu’on «ne peut plus rien dire» qu’on se demande bien par quel tour de magie il peut encore le dire, le Don Quichotte combattant les moulins à vent imaginaires des islamo-gauchistes, celui qui ne rate jamais une occasion – quitte à l’inventer – pour insulter les sans-voix de notre société; bref, le Richard envoyait un huissier cogner à notre porte.
Comme plusieurs, on se demandait depuis longtemps s’il jouait au fou ou s’il croyait réellement ce qu’il disait. Ce matin-là, la réponse se matérialisait sous la forme d’un agent de l’État.
«Toc, toc, toc!»
– Allo?
– Voici une poursuite de 350 000 $. Votre satire a été «rédigée de manière à faire
croire que le demandeur est décédé». Cela constitue un «appel à la haine».
Notre parodie avait, selon ses dires, lourdement peiné le Richard. À un tel point qu’il en avait fait — pauvre petit lui — de l’insomnie.
De l’insomnie… c’est une tragédie! Une grande tragédie! Que dis-je, une tragédie? C’est un drame! Une catastrophe! Une hécatombe! L’insomnie, c’est encore pire que les mauvais rêves! L’insomnie, c’est la pire des calamités depuis l’invention de l’effroyable grippe d’hommes!
Quelques semaines avant cette polémique, le Richard affirmait d’ailleurs un peu étrangement, et non sans le perpétuel mépris qui est le sien : «la capacité de lire un texte au deuxième degré (exercice qui demande un peu d’intelligence) n’est visiblement pas donnée à tout le monde…»
Pas donné à tout le monde, effectivement :
« Dring! Dring! »
– Service des incendies d’Outremont, bonjour.
– Pompiers! C’est Richard Martineau. Mon voisin m’a encore dit qu’il pétait le feu! J’ai peur!
– Mais monsieur, pour la centième fois, il ne pète pas vraiment le feu…
– QUOI??? Pourquoi vous ne pouvez PAS m’aider???? Gnaaa!
Symptôme
Bienvenues dans le sous-monde de la postmodernité. Celui des «bourreaux-victimes», des «majoritaires-minorisés», des «bullys-braillards», des «rebelles-réactionnaires», de l’«élite-populiste» et des «censurés sur médiatisés». Ce ne sont plus seulement les grandes idées qui foutent le camp, mais la raison elle-même. Le cas de notre adorable chroniqueur est chronique. C’est toute l’idéologie dominante qui fonctionne désormais ainsi. Avec la crise écologique et la multiplication des crises économiques, soutenir le statu quo devient de plus en plus irrationnel. Entre le pouvoir et la raison, les classes dirigeantes ont fait leur choix.
Donald Trump est la matière fermentée dans cet enfermement historique. La Meute, Eric Duhaime et Martineau aussi.
Cet enfermement s’appuie sur une absence absolue de réflexion enrobée de faux héroïsme. La pensée sert à aller au-delà des préjugés et apparences, à distinguer le vrai du faux. Le Richard et ses copains font précisément l’inverse : ils utilisent le vrai contre le faux afin, précisément, de consolider les préjugés et les apparences. Ce bourrage de crâne provoque des conséquences désastreuses pour le tissu social, il remplit toutefois une fonction primordiale en société capitaliste : générer du profit.
Pour le Richard, c’est néanmoins un échec intégral. Il voulait 350 000 $, il n’aura pas un sou. Il voulait nous faire plier, ça n’a pas marché. Ses démarches étaient vouées à l’échec. Mais le mal était déjà fait : pendant trois ans, Ricochet et Alexandre Fatta ont vécu avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Une telle menace doit d’être prise au sérieux. Et la menace de la répression, c’est déjà de la répression.
Le cycle de la bêtise continue ainsi de tourbillonner. Nous atteignons désormais un seuil historique. Les amis du Prince continuent de transformer le monde en une apocalyptique fournaise d’intolérance. Ils sèment la haine en pleurant. Ils crient en pleurant. Ils crachent en pleurant. Ils méprisent, attaquent et matraquent en pleurant.
Il nous faudra bien briser ce cycle avant qu’il ne se transforme en tornade…