Improvisation caquiste

Le 22 novembre, la Société de Transport de Montréal (STM), par la voix de son président Philippe Schnobb, a signalé que le réseau du métro connaît une hausse marquée de son achalandage qui justifie la construction d’une nouvelles ligne de métro, soulignant la saturation de la station Berri-UQÀM. Or, dans ce dossier, la balle est dans le camp du gouvernement québécois. Et il y a de quoi entretenir quelques inquiétudes.

On connaît la propension de la CAQ à appuyer des projets qui en apparence semblent régler des problèmes mais qui en réalité ne font qu’en créer de nouveaux : pensons au 3e lien à Québec. Alors, il ne faut pas s’étonner du fait que François Legault fasse preuve d’improvisation dans le dossier montréalais. Le 21 juin dernier, lors de la présentation de son plan de transport, il semblait prétendre savoir mieux que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) quels sont les besoins de Montréal, malgré le fait que cette agence dispose des moyens (études, expertises) pour identifier les besoins et déterminer les solutions. Il rejetait du même coup la proposition de ligne rose de Valérie Plante sous prétexte que le dossier n’était pas assez bien construit, tout en proposant une extension du REM vers Chambly qui n’a jamais fait l’objet de quelque réflexion sérieuse que ce soit. Plus tard, il a rajusté le tir en proposant que la ligne rose soit construite en surface « pour diminuer les coûts ». Or, à moins de détruire des quartiers entiers pour faire passer un métro de surface, cela revient à proposer une ligne de tramway sur rue (moindre capacité, beaucoup moins rapide) plutôt qu’un métro, ce qui ne changerait que peu de choses à la congestion de la ligne orange.

Monsieur Legault et son cabinet devraient faire l’exercice de vivre l’heure de pointe à Montréal, matin et soir, ne serait-ce que le temps d’une semaine. Devoir attendre le passage de 3, 4, 5 trains de métro, pour ensuite monter à bord de la classe sardine, cela changerait probablement leur point de vue sur les priorités d’infrastructures. Avant de tracer de nouvelles lignes de REM en banlieue profonde par pur électoralisme, ce qui ne ferait qu’alourdir la charge du réseau central du métro, il est nécessaire de créer de nouvelles lignes de « soulagement » pour celui-ci. Sinon, les stations de métro déborderont. Littéralement. Et l’attrait du transport en commun diminuera proportionnellement, annulant du même coup les progrès des dernières années.

Le promoteur-planificateur

Le même jour que la sortie de la STM, La Presse nous faisait part des visions de grandeur de Christian Yaccarini (président de la Société de développement Angus) pour l’est de Montréal : REM à l’est, sur l’axe des boulevards Notre-Dame (au sud) ou Henri-Bourassa (au nord). Pour donner un verni d’« acceptabilité sociale » au projet, il a proposé (sérieusement ou non, l’histoire ne le dit pas) de « peindre le REM en rose », suggérant ainsi que son projet pourrait se substituer à celui de Valérie Plante. Toutefois, cela n’a rien à voir : les lignes qu’il suggère ne feraient qu’ajouter des antennes au réseau existant sans soulager le réseau central.

De son côté, la ministre déléguée aux transports et responsable de la région de Montréal (et ex-mairesse de Pointe-aux-Trembles de l’Équipe Denis Coderre), Chantal Rouleau, a rajouté qu’elle ne voyait « aucune différence » entre le REM et un tramway pour ce secteur… démontrant du même coup son ignorance du dossier. Ses anciens collègues au Conseil municipal François Croteau et Robert Beaudry ont eu la sagesse de démontrer de l’ouverture à ces propositions, tout en restant ferme sur l’essentiel : oui, mais la ligne rose de métro d’abord.

On peut comprendre l’intérêt d’un promoteur immobilier pour le développement du transport en commun dans des zones démontrant un potentiel de nouvelles constructions. Et on peut comprendre également l’intérêt de Chantal Rouleau de « récompenser » la population de l’est de Montréal pour avoir élu deux caquistes. Or, le problème, ici, revient à la même chose que dans le cas du REM en banlieue : oui, il est bon de construire de nouvelles lignes pour accueillir de nouveaux usagers et nouvelles usagères, mais encore faut-il que le réseau en place soit en mesure d’assumer cette nouvelle charge. Mais nos élu.e.s de la CAQ et leurs amis promoteurs n’apportent aucune solution de ce côté. Il y a de quoi s’inquiéter.

Il est certes réjouissant que les projets de nouvelles infrastructures de transport en commun soient (à nouveau) considérés comme sexy. Mais si les priorités ne sont pas définies avec sérieux par les instances qui connaissent les besoins réels (comme l’ARTM), si nous laissons les apprentis-sorciers décider, les solutions proposées se révéleront plutôt être des miroirs aux alouettes.