En suivant les différentes annonces des grands partis politiques durant la campagne, on pourrait croire qu’il n’existe pas de pauvreté au Québec tellement le terme a été absent. Seul Québec solidaire a fait une annonce concernant directement la lutte à la pauvreté et l’aide sociale. La pauvreté ne fait pas gagner d’élections dit-on.

Le mot «pauvreté» est tellement absent qu’il ne se retrouve qu’une seule fois dans les plateformes électorales de la Coalition avenir Québec (CAQ) et du Parti québécois (PQ). Le Parti libéral du Québec se repose sur son «Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale 2017-2023» présenté à la fin de son mandat.

Parti libéral du Québec

Le gouvernement sortant ne propose aucune nouvelle idée pour la lutte à la pauvreté. Si le parti cherche à rendre la vie plus facile, elle cible surtout les familles et une partie des travailleurs et des travailleuses, pas les personnes en situation de pauvreté.

Néanmoins, certaines mesures pourraient donner un coup de pouce à certaines personnes à faible revenu, comme le transport en commun gratuit pour les étudiant-e-s et les aîné-e-s. Le PLQ propose aussi une «couverture des soins dentaires pour les enfants […] prolongée jusqu’à 16 ans» et que «les aînés recevant le supplément de revenu garanti auront un accès gratuit à des soins dentaires de base.» La possibilité d’avoir accès aux stationnements des hôpitaux ou des CHSLD selon certaines conditions pourront aussi éliminer certains freins.

Essentiellement, toutefois, le programme du PLQ se concentre sur les familles et la classe moyenne. Philippe Couillard aura beau vanter sa «compassion» pendant les débats, celle-ci n’est présente nulle part dans le programme électoral du parti pour les personnes les plus vulnérables de la société.

Parti québécois

Le Parti québécois a beau souligner quelque part dans sa plateforme que sa «volonté d’agir afin de lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale est ferme», il devient difficile de quantifier la fermeté de cette volonté, même en creusant les propositions péquistes. La portion où l’on retrouve cette phrase ne concerne que les personnes âgées. Dans une autre partie, un paragraphe titré «pour lutter contre les inégalités sociales» ne concerne finalement que la mise à jour de la loi anti-scab. Une vision assez mince des inégalités sociales.

Le PQ propose tout de même d’augmenter le salaire minimum à 15 $/h d’ici 2022, une progression mieux que la CAQ et le PLQ, mais peut-être un peu lente selon les études de l’IRIS sur le salaire viable. Le parti propose aussi d’éliminer dans le calcul de plusieurs prestations les pensions alimentaires.

D’autres engagements demeurent nébuleux ou manquent de précisions. Le PQ souhaite augmenter «substantiellement le nombre de logements sociaux», mais sans préciser le nombre. Le PQ veut régler «le problème de la ségrégation scolaire» en révisant le financement des écoles privées, mais sans en dire plus sur ses ambitions. Le Parti québécois veut aussi poursuivre la réflexion sur le revenu minimum garanti, sans préciser dans quelle direction. Le PQ veut aussi négocier avec le fédéral pour régler les «trous noirs» de l’assurance-emploi, ces périodes entre la fin des prestations et la reprise du travail saisonnier, mais ne peut évidemment pas garantir la finalité de ces négociations.

Coalition avenir Québec

Le parti de François Legault a beau avoir un onglet «Solidarité» dans ses «Idées», le mot pauvreté ne s’y retrouve qu’une seule fois et l’idée de soutenir les personnes en situation de pauvreté ne se résume qu’à cette seule phrase : «Un meilleur soutien pour les personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi par le biais des organismes communautaires concernés.»

La CAQ soutient le programme Objectif emploi malgré les nombreuses critiques qu’il a suscité et s’inscrit dans cette idée que l’aide sociale ne devrait être que temporaire «le temps d’entamer les démarches visant à intégrer le marché du travail.»

Si à peu près rien ne concerne les personnes en situation de pauvreté, si ce n’est de limiter leur accès aux jeux de hasard, deux mesures pourraient aider certaines personnes. La CAQ est d’accord de retirer du calcul de certaines prestations les pensions alimentaires. Par ricochet, la «maternelle 4 ans» pourrait aider les parents qui n’ont pas pu trouver une place dans un CPE.

La CAQ veut offrir un «meilleur soutien» aux organismes qui œuvrent en milieu défavorisé, sans préciser à quelle hauteur et veut offrir «un soutien conséquent» aux parents d’enfants lourdement handicapés sans expliquer ce qu’est un «soutien conséquent». Il ressort surtout cette idée que la création de richesse profitera à l’ensemble de la population, y compris les plus pauvres, même si cette théorie ne s’est jamais réellement observée après environ 40 ans de politiques similaires mises en place ici comme ailleurs.

Québec solidaire

Contrairement aux autres partis représentés à l’Assemblée nationale, Québec solidaire ne se contente pas d’une seule phrase pour parler de lutte à la pauvreté. Une section complète, avec onze sous-sections, propose une vision large de la lutte à la pauvreté, dépassant les simples préoccupations d’employabilité.

Québec solidaire compte mettre sur pied un projet-pilote de revenu minimum garanti. D’ici la fin de ce projet, le parti augmenterait à 1500 $ par mois les prestations des personnes ayant une contrainte sévère à l’emploi et à 1063 $ les personnes sans contraintes. Même si QS dit vouloir mettre fin à l’idée de «bon» et «mauvais» pauvre, sa proposition maintient quand même deux types de prestataires, d’autant plus que le revenu des personnes sans contrainte n’atteindra toujours pas le seuil établi par la mesure du panier de consommation, soit 18 000 $ environ.

Tout de même, QS propose plusieurs mesures qui faciliteraient la vie des personnes en situation de pauvreté. Le parti veut augmenter le salaire minimum à 15 $/h dès 2019, promet le financement de 50 000 nouveaux logements sociaux, diminuer les obstacles judiciaires des itinérants et obliger les ministères à étudier «l’impact de leurs mesures sur les personnes les plus vulnérables» et à «s’assurer que personne n’est exclu des programmes proposés». QS veut aussi améliorer les conditions de travail minimal des travailleurs et travailleuses en modernisant les normes du travail.

Employabilité versus dignité

De la même manière dont la majorité des partis présents à l’Assemblée nationale à la dissolution du gouvernement parlent de l’immigration, la pauvreté est souvent réduite à l’emploi, comme si le seul frein pour sortir de la pauvreté était l’accessibilité à un emploi.

Les rares fois où les notions de dignité surgissent, c’est autour de personnes considérées vulnérables, comme les personnes avec un handicap ou les personnes âgées. De ce fait, avec leur plateforme électorale, le PLQ, le PQ et le CAQ ne font que renforcer les préjugés sur les personnes en situation de pauvreté, au lieu de réellement les soutenir.