Comme je suis la campagne de Québec solidaire (QS) en direct de leur autobus ces jours-ci, j’ai écouté le débat à la Ninkasi, bar situé dans la circonscription de Taschereau à Québec où la candidate de QS Catherine Dorion est en bonne position pour peut-être l’emporter. Je le mentionne parce que le bar était plein, ses deux étages débordaient.
Ambiance survoltée à Québec
Le candidat solidaire de Jean-Lesage, Sol Zanetti, s’est dit impressionné de voir autant de jeunes être prêts à écouter deux heures et demie de débat dans un bar, même si c’est debout ou assis par terre. «C’était comme un match d’une finale au hockey!»
Le public a souvent applaudi les propos de Manon Massé, en particulier lorsque ça touchait l’environnement et l’indépendance, tout en huant à quelques reprises François Legault. Surtout, Catherine Dorion et Sol Zanetti ont eu droit à la fin du débat à de longs et chaleureux applaudissements, le public scandait leur nom, comme un appel à une victoire à Québec. «On est en train de fucker le mystère Québec» a lancé, émue, Catherine Dorion. À l’image de cette ambiance festive à Québec où les solidaires étaient fiers et fières de leur porte-parole, ce débat n’aura sûrement pas tant aidé les fameux «indécis» à faire un choix, mais tout le monde a sûrement réconforté ses partisan.e.s.
Toutefois, comme le parti qui semble réussir à plus mobiliser ses troupes est Québec solidaire, ce débat pourrait leur permettre d’augmenter leurs quelques avances, voire à prendre le dessus dans les circonscriptions serrées.
Les valeurs avant le pouvoir
Certains diront que Manon Massé a suivi la ligne tracée par Françoise David avec un ton calme, mais la co-porte-parole n’a pas joué un jeu, étant ferme dans ses convictions, répondant au premier ministre sortant que c’est elle qui allait lui expliquer quelque chose après que celui-ci ait voulu lui expliquer comment marchait la dette nationale.
«Si rien n’est fait, dans 30 ans, il n’y aura plus de pénurie de main-d’oeuvre, plus de cours d’eau, plus de dette, parce qu’il n’y aura plus rien.»
La solidaire a réussi à rappeler les grands engagements de son parti, mais surtout à mettre de l’avant cette idée que QS ne fait pas de compromis sur ses valeurs. Le parti veut changer le monde, changer le système. Elle a tenté avec un certain succès de montrer que les idées de son parti se veulent pragmatiques devant la crise environnementale, soutenant que si rien n’est fait, dans 30 ans, il n’y aura plus de pénurie de main-d’oeuvre, plus de cours d’eau, plus de dette, parce qu’il n’y aura plus rien.
Marquer des points
Jean-François Lisée était là pour faire des points, pour donner des uppercuts aux autres panélistes. Il s’était préparé des phrases pour tous et toutes. Comme comparer François Legault à Jean Chrétien – une référence assez ratée à mon avis puisque plein de gens ont dû oublier son style ou n’étaient même encore pas adolescent.e.s quand il a quitté son poste en 2003.
Le chef péquiste a effacé ses qualités de débatteurs en passant son temps à couper la parole aux autres et à ne pas leur laisser le temps de répondre. En même temps, ce ton agressif est peut-être le résultat d’une campagne difficile pour le PQ, où malgré les annonces et les sorties, le vent ne semble pas tourner en leur faveur. Il voulait tellement marquer des points qu’il a même par moments détourné les sujets pour ramener une pointe sur un autre dossier, comme l’économie pendant un débat sur l’environnement.
Consolider ses votes
Celui que les sondages donnent comme prochain premier ministre, François Legault, m’a bien fait rigoler. Il disait ne jamais pouvoir pardonne à Philippe Couillard les coupures dans l’aide aux devoirs. Il a ajouté qu’il était en politique pour la maternelle dès quatre ans, alors qu’en vingt ans en politique, on ne l’a jamais particulièrement associé à ces dossiers. Il fallait voir son visage fâché lorsqu’il a attaqué Couillard là-dessus avoir la même crédibilité que les blessures à la dernière Coupe du monde.
Je ne sais toujours pas si le chef caquiste est suffisant ou candide lorsqu’il dit qu’il manque d’emplois bien rémunérés au Québec, sans parler de lutte à la pauvreté, des petits salaires et de la pénurie d’emploi. Ou lorsqu’il mentionne qu’il ne veut pas expulser des citoyens, mais seulement des gens qui ne sont pas encore considérés comme des citoyens et répondre sans gêne à un immigrant qui a appris le français que s’il ne l’avait pas appris en trois ans, il l’aurait invité à partir. Néanmoins, le chef caquiste aura sûrement conforté sa base électorale avec ses positions et ses attaques, allant jusqu’à peut-être même trouver que c’est vrai qu’il «le coeur à la bonne place».
Ne pas faire de vagues
Si François Legault est un mauvais acteur, Philippe Couillard n’arrive toujours pas à démontrer des émotions même lorsqu’il parle de sujets sensibles ou essaie de démontrer qu’il peut faire preuve de compassion. Le chef libéral a mis beaucoup d’énergie à décrédibiliser le chef de la CAQ, ressortant de vieilles citations, déconstruisant des propositions. Au point où le PLQ n’a pas l’air d’être intéressé par le PQ et QS. On pouvait parfois se demander d’où sortait Philippe Couillard tellement son discours sur son bilan et sur ce que les libéraux souhaitent faire est en décalage avec ce que le parti a fait ces quatre dernières années au Québec. Il faut du front dire comme ça que son parti ne manque pas de compassion après toutes les compressions de son mandat qui ont eu des impacts énormes sur les personnes les plus vulnérables de la société.
Malgré tout, il a probablement réussi à se placer comme le choix par défaut pour ceux et celles qui ont peur de la CAQ, mais qui ne sont pas indépendantistes…