Pour les plus modérés, les gens en poste d’autorité devraient être costumés de manière neutre, histoire de «respecter la fonction attribuée». Pour les plus convaincus, les signes représentent une offense et ne devraient pas apparaitre dans l’espace public. On connait la rhétorique : le voile serait un «rejet de la loi de la majorité», une «négation de la civilisation occidentale», «un refus de s’intégrer»

Le traitement n’est cependant pas le même pour tous… Voici des photos qui devraient normalement être diffusées par les grands médias, mais qui passent totalement sous le radar.

En théorie, la police devrait être au service du citoyen et non de ses propres croyances. On imagine mal un policier arborant un badge affirmant qu’il est au service d’Allah ou de Lénine.

La première a été prise le 1er mai dernier. Elle montre un policier arborant deux badges sur son uniforme. Les origines de celui du haut, indiquant Saint Michael protect us, est obscure. En gros, Saint Michael serait le protecteur de… Dieu. Ce symbole a-t-il lieu d’être sur un uniforme? En théorie, la police devrait être au service du citoyen et non de ses propres croyances. On imagine mal un policier arborant un badge affirmant qu’il est au service d’Allah ou de Lénine. Si une telle chose se produisait, on aurait droit à un nombre incalculable de chroniques sur «l’islamisation des forces de l’ordre» et sur l’«empire de la gauche multiculturelle».

Anonyme

Le deuxième badge est plus ringard… Il s’agit du logo de la série The Punisher. Cette série adorée par l’extrême-droite met en scène un ancien combattant luttant violemment pour se faire justice. Cette adoration n’est pas fortuite. Elle est telle que le comédien jouant le héros a dû se distancer des groupes paramilitaires l’admirant… À ses admirateurs le fétichisant, il a répondu avec le tact caractéristique de son personnage en leur lançant un subtil «Fuck them».

Anonyme

La mince ligne bleue au centre de l’image est aussi significative. Elle apparaît également sur la deuxième photo. Cette ligne fait référence à la bataille de Guadalcanal, The thin blue line, qui a eu lieu pendant la Deuxième Guerre mondiale. Cette ligne bleue est mise de l’avant afin de supporter les policiers morts en service (Blue lives matters). Signe d’une injustice, elle constitue aussi une réplique relativisant le mouvement noir américain Black lives matters. Accolée au Punisher, elle devient un désir de vengeance (de même qu’un signe évident des difficultés qu’éprouvent certains à distinguer la fiction de la réalité…)

Raisonnable?

Le code de déontologie des policiers du Québec stipule ceci :

Le policier doit exercer ses fonctions avec désintéressement et impartialité et éviter de se placer dans une situation où il serait en conflit d’intérêts de nature à compromettre son impartialité ou à affecter défavorablement son jugement et sa loyauté (Code de déontologie, point 9).

On voit mal comment un badge religieux ou soutenant que les policiers n’ont pas eu justice et mérite vengeance pourrait être considéré comme du «désintéressement» de l’«impartialité». Laurent Gingras, sergent responsable des relations médias du SPVM, confirme qu’ «il a vu quelques policiers» arborer le symbole de la «bleu line». Il ne s’agirait toutefois pas, selon lui, d’un «mouvement politique», mais plus simplement d’un soutien à l’«importance du travail des policiers au sein de la société». Quant au symbole de Saint Michael, il serait, toujours selon Gingras, le «Saint-Patron des policiers». Il aurait une teneur historique, voire folklorique. Quoi qu’il en soit, le sergent croit que le SPVM n’endosse pas le port de ces signes et que des plaintes à cet effet pourraient donner lieu à des sanctions.

Il semble bienvenu de se questionner sur ce type d’identification partisane et réactionnaire. Il n’y a toutefois pas à se surprendre. On a vu dernièrement des policiers du SPVM protéger des néonazis à Montréal. À Québec, on avait également vu des membres de La Meute serrer chaudement les mains des policiers qui les avaient protégés contre les… antifascistes.

Les policiers regardent la télé, ils lisent les journaux. Comme tout le monde, ils sont influencés par l’imaginaire de la société, par ses délires sécuritaires et ses dérives autoritaires.

Le vrai problème, en fait, c’est qu’ils ont également le permis de tuer…