Pendant que les loups s’installaient à leur table pour le point de presse, on a pu remarquer avec étonnement qu’il y avait trois hommes et trois femmes, donc la parité. Quelle fumisterie! Les trois hommes du centre (Sylvain Brouillette, Stéphane Roch et Jacques Gagné) sont les seuls vrais leaders du Conseil, un triumvirat. À leur droite se trouvait Myriam Voyer, leur «secrétaire», tandis que les deux autres femmes sont d’illustres inconnues pour les médias. Elles ne font absolument pas partie de l’exécutif de La Meute : les femmes n’ont pas de pouvoir décisionnel depuis aussi loin que la fondation du groupe.

Le manifeste de «Maikan»

Passons maintenant au manifeste lui-même, une autre formidable supercherie. Le mot «islam» ne se trouve nulle part. A-t-on la berlue? La Meute s’est-elle soudainement transformée en groupe de défense des droits humains? Le manifeste affirme en introduction :

«La meute est un groupe citoyen de pression politique qui milite pour la défense
des droits de la personne, qui fait la promotion de la démocratie et qui défend le
principe de la laïcité. (…) La Meute est particulièrement concernée par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Elle lutte contre toute exclusion».

Un mensonge ne peut être plus gros que ça, même Orwell ne ferait pas mieux. En allant sur le site officiel de La Meute, la page d’accueil inscrit toujours en grosses lettres ce qu’est leur mandat premier : le groupe existe «Afin que l’avenir de nos enfants ne se retrouve pas entre les mains de l’islam radical pro-charia». Autrement dit, La Meute est un groupe de pression anti-islam. Et si on clique sur l’onglet «Auto-défense», on nous propose des cours de combat afin de nous prémunir contre les méchants migrants qui agresseraient sexuellement des femmes.

Autrement dit, La Meute est un groupe de pression anti-islam. Et si on clique sur l’onglet «Auto-défense», on nous propose des cours de combat afin de nous prémunir contre les méchants migrants qui agresseraient sexuellement des femmes.

Continuons. L’introduction explique que l’organisation ne croit pas au «multiculturalisme». Il faudrait protéger «notre culture, notre langue» au singulier. On ne sait trop comment ils parviennent à jumeler l’anglais et le français en une seule langue, mais ils précisent bien vouloir se battre pour les deux. Pour les loups, tout ce qui n’est pas conforme aux «deux cultures dominantes» doit s’intégrer en une «identité commune». Pourtant, neuf pages plus loin, il y a un passage louangeant les Premières Nations, elles qui ont été complètement oubliées dans l’introduction…

Une autre incohérence remarquable apparaît quant à l’objectif de l’exercice. Les recommandations étaient censées nourrir des partis voulant chasser les libéraux de Couillard en octobre prochain, elles concernent toutefois pêle-mêle tous les paliers de gouvernement, même le municipal. Aucun parti provincial ne pourrait donc lire le manifeste avec sérieux, puisque nombre de mesures ne concernent pas directement son champ de compétence.

Entre multiples bizarreries, on trouve une section «terrorisme domestique», où les «anarchistes» et «étudiants» devraient être tout particulièrement observés. J’aimerais rappeler aux loups que selon une étude de l’Université du Maryland, «les fachos radicaux sont responsables de douze fois plus de morts et de trente-six fois plus de blessés» que l’extrême gauche. C’est donc vous, La Meute, qu’il faudrait avoir à l’œil.

Un chef qui divise

M. Brouillette parle donc au nom de la poignée de membres actifs qu’il lui reste, quelques dizaines tout au plus, bien qu’il essaie de gonfler les chiffres de manière exponentielle. On l’a vu lors des dernières manifestations, ses fidèles ne sont qu’une trentaine, tandis que sur Facebook, on compte environ 135 participants.es véritablement actifs dans leur groupe secret. Pourquoi les partis politiques iraient-ils plier devant les revendications de ces adeptes de la patte de loup?

Ils ont certes eu droit à un sketch au Bye-Bye, où ils ont été dépeints comme d’authentiques abrutis, mais n’en demeure pas moins que leur seul rapport de force réside en l’importance médiatique qu’on leur accorde et au poids fictif et farfelu de leur membrariat. D’après Le Soleil, Québec solidaire serait l’unique parti à oser défier La Meute :

«Le Parti libéral du Québec, le Parti québécois et la Coalition avenir Québec ont tous refusé d’émettre un commentaire. On n’a pas voulu, non plus, dire si une directive allait être donnée aux candidats sur le fait de ne pas accepter de rencontre avec des représentants de La Meute. Seul Québec solidaire a offert une réaction plus étoffée. Le co-porte-parole du parti, Gabriel Nadeau-Dubois, a invité tous les partis à l’Assemblée nationale à « dire rapidement aux dirigeants de ce groupe qu’ils ne veulent ni de leurs votes ni de leurs propositions »».

En fait, le problème, ce sont aussi tous ces grands médias qui sont allés couvrir l’événement sur place, dans une jolie salle gardée par des fiers-à-bras néofascistes jouant aux services de sécurité amateurs. Notons que le Journal de Montréal et TVA ont retransmis leur propagande en les qualifiant simplement de «groupe populiste», alors que Radio-Canada s’est montré légèrement plus nuancé. Il y a aussi Nathalie Normandeau qui a accueilli «Maikan» à bras ouverts, comme elle le fait souvent à 100% Normandeau, ainsi que Dominic Maurais.

Notons que le Journal de Montréal et TVA ont retransmis leur propagande en les qualifiant simplement de «groupe populiste», alors que Radio-Canada s’est montré légèrement plus nuancé. Il y a aussi Nathalie Normandeau qui a accueilli «Maikan» à bras ouverts, comme elle le fait souvent à 100% Normandeau, ainsi que Dominic Maurais.

Le manifeste est donc paru avec deux mois de retard, puisqu’il avait été prévu initialement pour le début de février. Pour justifier les délais, l’un des chefs a essayé de nous faire accroire qu’il y avait 65 pages et qu’il a fallu ramener ça sur 17 pages. N’importe quoi pour couvrir leur incapacité à écrire un texte un tant soit peu cohérent.

La Meute n’est pas un «groupe citoyen», comme se plaisent à le dire, trop souvent, plusieurs médias. Il s’agit d’un groupuscule d’extrême droite où toutes les décisions sont prises par le grand leader se trouvant au sommet, en l’occurrence, M. Brouillette. Ce dernier n’a pas à consulter ses membres pour publier un texte, et il ne l’a pas fait.

Le manifeste se révèle être, pour Brouillette, une occasion inespérée de sortir d’une crise aiguë qui l’oppose à d’anciens chefs, déterminés à le faire tomber de son piédestal. Dans une lettre ouverte publiée la semaine dernière, son ex-bras droit Éric Proulx l’accuse d’être un petit «führer» narcissique à la tête d’une «gestapo» :

«L’immense succès médiatique que fut la manifestation du 20 août 2017 fut, selon moi, l’élément qui déclencha chez M. Brouillette sa soif du pouvoir total combinée à son addiction aux médias». On apprend que «Maikan» a orchestré un putsch en septembre, amenant au renvoi de centaines de membres mécontents. Pire encore, il a mis sur pied un régime de surveillance et de terreur contre tous ses subalternes, y compris les divers officiels qui ont été contraints à signer des «ententes de confidentialité» ayant une valeur légale.

Ainsi, aucun ex-membre de La Meute – ayant signé le document – ne peut ternir l’image du groupe pour une durée de douze mois, sous peine de recevoir des mises en demeure. À la vérité, Brouillette et ses sbires vont jusqu’à intimider les individus et leurs familles en message privé, comme ce fut le cas pour Johane Cayer («Jo Caya»), qui fait partie des dissidents.es : étant mère monoparentale ils ont menacé de s’en prendre à elle et son fils, pour la faire taire. Ce qui semble avoir fonctionné, car elle ne veut plus parler aux médias…

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le manifeste en tant que tel, mais il ne mérite même pas qu’on s’y attarde avec déférence tellement il est truffé de contradictions et surtout de mensonges éhontés : jamais La Meute ne parle d’autre chose que de l’islam et de l’immigration dite « massive » sur ses groupes privés. Sa raison d’être est la persécution et la stigmatisation des musulmans.es, jusqu’à ce qu’ils en viennent à s’effacer totalement, à ne plus pratiquer leur religion ni «sembler» être musulman.e. Les meutons appellent cela «la Cause» et sont prêts à travailler nuit et jour pour leur Cause.

Le problème, plus large, est la place accordée par certains partis politiques et certains médias à l’islamophobie. Fermer la porte à La Meute peut être quelque chose d’envisageable, mais auront-ils aussi l’audace de dire non à l’islamophobie?