Si les élections de mi-mandat de cette année sont au cœur des motivations d’une partie des manifestant-es, notamment les futures candidatures de femmes, ce sont aussi les droits humains fondamentaux bafoués et menacés par le gouvernement Trump que viennent défendre les citoyen-nes américain-es. Une marche des femmes assurément, une marche humaine incontestablement.
À New York, le 20 janvier dernier, c’est par une fin de matinée particulièrement douce et ensoleillée qu’autour des 71e et 72e rues se sont donnés rendez-vous nombre de manifestant-es. L’évènement, organisé par la Women’s March Alliance, prévoit plus de 100 000 participant-es. Rassemblé-es sur plus de 25 blocs, ils et elles attendent le début d’une marche qui se veut pacifiste et dont l’énergie créative et contagieuse se fait sentir dès la sortie du métro.
La journée se veut sous le signe de l’action, de l’unité et de la tolérance, un contrepied à la politique actuelle des États-Unis. Pour la New-Yorkaise Shantall Richardson, venue pour la deuxième édition avec ses amies d’école, cette année est l’occasion d’une plus grande implication. Concernée par les problèmes sociaux tels que la discrimination, le racisme, le harcèlement sexuel ou encore le mouvement Black Lives Matter, elle s’est engagée depuis quatre mois en tant que bénévole au sein du mouvement organisateur de la marche. Shantall espère du rassemblement qu’il donne l’occasion à chacun-e d’en apprendre sur l’autre.
Ce sont finalement plus de 200 000 personnes, selon le maire de New York Bill de Blasio, qui prennent part au cortège depuis Columbus Circle pour descendre les rues de Manhattan. La marche s’ouvre avec le défilé de personnes à mobilité réduite. Les motifs de participation varient : des droits des femmes à ceux des immigrant-es, la fin du programme DACA, les droits des communautés LGBT, ceux des personnes handicapées, des personnes religieuses ou non, des personnes de couleur ainsi que la défense des droits de la terre, sans oublier la décolonisation du territoire.
Pour Jayne Johnsen Seeburger qui assiste comme en 2017 au rassemblement, les raisons de sa présence diffèrent de son engagement initial. Cette fois, il est question «d’avoir des femmes élues qui seraient plus éthiques et plus actives». Elle souhaite que «les Américains élisent de meilleurs politiciens qui puissent discuter de sujets critiques intelligemment et arriver à des compromis raisonnables».
La diversité des manifestant-es reflètent autant de causes défendues. Si le genre féminin et le genre «non binaire» priment en termes de présence, les hommes aussi sont nombreux à marcher. On est venu ici entre ami-es, en famille, en couple. On n’y voit aucune solitude. Toutes les origines, toutes les croyances, et tous les âges sont réunis.
A 13 h, dans la foulée d’une minute de silence, un mur humain contre la misogynie s’élève le long de l’avenue des Amériques. Le lieu n’est pas anodin, sur le passage de la marche, devant un édifice de grande taille qui rappelle «le géant impossible» comme le nomme Andrea Lauer, l’une des créatrices du projet, en référence au président actuel. La performance artistique et rencontre sociale «BrickxBrick» créée par PDA Collective se produit simultanément dans onze autres villes des États-Unis.
Pendant plus de trois heures, les 87 participant-es immobiles et impassibles, rencontré-es pour l’occasion, se tiennent la main en signe d’unité. Ils et elles seront plus de 250 à travers le pays. Pour les encourager, Sarah Sandman, autre cofondatrice de BrickxBrick, défile devant leurs yeux en simulant des mains un battement de cœur qu’elle accompagne d’un remerciement murmuré. Intrigué-es par le mouvement, les passant-es qui le souhaitent peuvent rejoindre le groupe pour quelques minutes et permettre au mur de s’étendre.
Vers 16 h, alors que la marche touche à sa fin, d’autres évènements se mettent en place pour libérer la parole et développer l’activisme.
C’est à la bibliothèque Jefferson, ancien centre de détention pour femmes, dans le Greenwich Village, que sont lus des textes de femmes dont l’engagement a été vecteur de progrès social.
Au sein de plusieurs salons résonnent entre autres les mots de Lucy Stone, Dorothy Day, Eleanor Roosevelt et Ingrid Washinawatok El-Issa, membre de la nation Menominee et respectivement suffragette, journaliste, première dame activiste et militante des droits humains. Un moment d’écoute, de partage et d’hommage définitivement tourné vers l’avenir. Selon KD McTeigue, actrice new-yorkaise choisie pour porter certaines de ces voix : «Notre compréhension de l’histoire des droits des femmes a principalement été enseignée selon une perspective blanche et je crois que l’avenir de l’activisme des femmes, aux États-Unis, doit privilégier les voix des femmes de couleur. En faisant cela, on pourrait voir une diversification de nos médias, de nos bureaux politiques, en rendant le pouvoir à ceux qui sont le plus oppressés parmi nous».
Les actions concrètes se multiplient et se font l’écho d’un mouvement global et sans frontières.