La manœuvre avait pour objectif d’intimider et faire taire ces personnes de gauche, en les clouant au pilori : «traîtres» et «parasites», croassaient les affiches, «ennemis de la nation», pontifiait une autre bannière… Puis sur un ton menaçant, on les prévenait : «…Et d’autres suivront!».
Quel est le message d’Atalante?
Atalante est un groupe d’extrême-droite de Québec, qui a été formé en août 2016 en fédérant plusieurs groupuscules boneheads racistes, dont Québec Stompers – Légitime Violence – qui en est la pierre angulaire.
Depuis sa fondation, Atalante a multiplié les coups d’éclat : marches au flambeau, messe commémorative en l’honneur de Jeanne d’Arc, distribution de denrées en scandant «les nôtres, avant les autres», etc. Il s’agit d’activités de propagande visant à bien faire passer leur idéologie néofasciste violente.
Leur modèle préféré est CasaPound, un groupe d’extrême-droite italien œuvrant à une renaissance du fascisme. Ce dernier a pour leader Gabriele Adinolfi qui s’est déjà déplacé au Québec pour offrir une conférence à nos fachos locaux. Les échanges culturels entre les deux formations sont fréquents. En d’autres termes, Atalante ne croit pas à la démocratie, leurs idéologues souhaitent un mouvement insurrectionnel qui conférerait le pouvoir aux Canadiens-français «de souche» et restaurerait les valeurs traditionnelles d’antan.
Notons que plusieurs de leurs membres ont un passé criminel raciste, comme l’a observé un article de La Presse : «certains de leurs membres s’en sont déjà pris violemment à des Québécois issus de minorités visibles, les blessant grièvement, révèlent des documents judiciaires».
Des bannières haineuses
Comme les adeptes d’Atalante sont moins nombreux que ceux de formations rivales telles La Meute et la Storm Alliance, ils tirent profit de leurs coups d’éclat pour gagner en visibilité.
Le 15 octobre 2016, par exemple, ils étaient apparus lors d’une manifestation xénophobe à Québec en brandissant le message : «Terroristes à mort, islam dehors». Dans une même phrase, on associait ainsi l’islam au terrorisme, en termes on ne peut plus violents.
Puis à l’occasion de la vague des demandes d’asile en août 2017, Atalante avait posé des banderoles «Remigration», notamment près du Stade olympique, où l’on accueillait des immigrants d’origine haïtienne. En militant pour la réémigration en bloc de tous ces gens, Atalante ne fait que réaffirmer ses mobiles racistes.
La fin de semaine dernière, son suprémacisme blanc a refait surface alors que les deux personnes racisées de sa liste ont été taxées de «parasite » (A. Khadir et J. Singh), tandis que les autres se voyaient accusées d’être des «traîtres» à leur nation : «S’ils sont des nôtres ce n’est que par la naissance», disait leur message Facebook, «les autres sont des parasites saboteurs».
Pourquoi nous?
De mon côté, j’ai vécu l’expérience avec une certaine angoisse car Atalante a tenté de marquer les quartiers respectifs où nous résidons. Quand un ami m’a alerté samedi soir, je croyais, sur le coup, être la seule personne visée.
De nombreux proches se sont inquiétés pour ma sécurité, d’autant plus que dans les milieux d’extrême-droite, «traître à la nation» peut être entendu comme un appel symbolique à la pendaison.
Ce n’est que dimanche midi que j’ai appris que plusieurs personnalités politiques et médiatiques avaient également été visées, dont Guy A. Lepage (?). La campagne ratissait large et nous avions eu droit à plusieurs bannières distinctes.
L’opération m’a semblé remplir deux fonctions : (1) semer la peur parmi les progressistes, (2) réaliser un coup de pub pour Atalante et ses valeurs néofascistes. Les partisans d’Atalante espèrent un retour du balancier comme si la gauche dominait le Québec depuis aussi loin que la Révolution tranquille.
Si j’ai été ajouté à leur liste, c’est certainement par vendetta. Tout d’abord pour avoir embarrassé l’extrême-droite à quelques reprises par mes billets de blogue. Deuxièmement parce que j’ai récemment fait une entrevue à Radio-Canada au sujet de leur groupe suprémaciste. Puis parce que j’incarne à leur yeux, en tant que «prof de philo», la décadence du système d’éducation qui serait de «culture marxiste». Quant aux personnalités visées, elles représentent chacune, à leur manière, des valeurs progressistes opposées à l’idéal rétrograde d’Atalante.
Qui sont les auteurs?
Selon le document «Cartographie de l’extrême-droite», Atalante serait en train de mettre sur pied un chapitre montréalais de plus en plus costaud :
«À la manifestation de Storm Alliance et La Meute du 25 novembre 2017, des membres d’Atalante ont collaboré avec les Soldats d’Odin pour prendre l’esplanade devant l’Assemblée nationale et y déployer leurs bannières racistes et drapeaux devant les contre-manifestant.e.s antifascistes. Peu après, deux néonazis de Montréal (Shawn Beauvais-Macdonald, un ancien associé de La Meute aujourd’hui fortement inspiré par l’alt-right américaine, et Philippe Gendron des Soldats d’Odin) ont déclaré leur intention de démarrer une branche montréalaise d’Atalante».
Caricature d’Alexandre Fatta
Sur le territoire montréalais, les Soldiers of Odin – constitués principalement de boneheads – s’allient donc ponctuellement à Atalante pour commettre leurs méfaits.
La plateforme en ligne On Jase a dévoilé quelques-uns des participants au raid de samedi soir, qui se sont eux-mêmes trahis sur Facebook. Si Atalante essaie de nous faire croire que nous les traitons injustement d’«extrême-droite», par manque d’ouverture d’esprit, alors remarquons qu’un de ces poseurs d’affiches – Alan Kovak – est un admirateur inconditionnel de tatous illustrant des croix gammées et un emblème SS…
Enfin, dimanche après-midi, les Soldats d’Odin avaient déjà revêtu leurs «couleurs» propres pour se rendre à Sherbrooke où ils fêtaient le 70e anniversaire du fleurdelisé, en compagnie des Insoumis, groupe radical indépendantiste. Les alliances entre diverses factions d’extrême-droite deviennent monnaie courante, leur racisme décomplexé s’étale lentement mais sûrement dans l’espace public. Quand cela va-t-il réellement préoccuper nos élus.es?