M. Couillard,

Je suis Jonathan Thisselmagan Schuld, Ilnu du Pekuakami, et c’est par tipenitamum, responsabilité territoriale, que j’hérite de mes ancêtres sur le Nitassinan, que je vous adresse cette lettre ouverte, laquelle, je l’espère, informera les Premiers Peuples du Kanata qui subissent à leur insu de l’appropriation culturelle par vos employés à la fonction publique.

Il ne s’agit pas d’une appropriation culturelle limitée au peuple Innu en territoire Innu; il est indéniablement question de l’instrumentalisation dénigrante d’une forme de spiritualité aborigène partagée à travers toute l’Amérique du Nord, ce qui ne peut-être toléré après 150 ans de politique de destruction de tous les Premiers peuples à travers tout le Kanata. Nous sommes, dans la résistance au racisme institutionnalisé, une communauté de destin. J’espère que vous comprenez l’ampleur de ce manque de respect, par la rigueur de mes arguments. À partir d’un «petit jeu» dans un party de Noël de vos employé-es, je critiquerai ce qui fut déjà critiqué et qu’on doit continuer de critiquer pour exiger du changement : les comportements comme le mépris et l’appropriation culturelle, l’éducation des citoyen-nes, et le plus honteux, le racisme systémique.

Il ne s’agit pas d’une appropriation culturelle limitée au peuple Innu en territoire Innu; il est indéniablement question de l’instrumentalisation dénigrante d’une forme de spiritualité aborigène partagée à travers toute l’Amérique du Nord, ce qui ne peut-être toléré après 150 ans de politique de destruction de tous les Premiers peuples à travers tout le Kanata.

D’un bonheur niais, une fonctionnaire du ministère du Travail, de l’Emploi, et de la Solidarité sociale m’a dit qu’elle doit, pour le party de Noël du bureau de Chicoutimi, se trouver un «totem indien». Indigné, je lui ai répondu d’abord que le qualitatif «indien» est inconvenant, et que l’appropriation culturelle est inacceptable, après 150 ans de politiques d’assimilation comme les pensionnats. Malheureusement, au lieu d’entendre ce que j’avais à lui dire, c’est-à-dire à lui enseigner, mon interlocuteur que j’écoutais m’a fait la sourde oreille, me répondant par des paroles creuses, grimace dans le visage face, de sorte que plus elle niait et plus je critiquais. Pour elle, ce n’est qu’un «jeu», qui n’a rien à voir avec de l’appropriation culturelle, et encore moins avec les pensionnats. Mais il ne s’agit pas que de l’attitude méprisante d’un individu au service de la fonction publique. Il est question d’un bureau de fonctionnaires, lesquels, sans compréhension de la spiritualité qu’ils mettront en scène dans la joie des spiritueux entre collègues, ne prennent même pas le temps de s’interroger sur les implications morales de leur petit jeu, puisque, dénonçant les politiques d’assimilation et de destruction des cultures des Premiers peuples, c’est-à-dire le génocide, votre employée m’a répondu : «penses-tu vraiment qu’on a pris le temps de penser à ça? Ça n’a même pas rapport! C’est juste un jeu!» J’ai consulté «L’éthique dans la fonction publique québécoise» et, n’ayant rien trouvé dans ce document qui me donne espoir qu’une plainte sera prise au sérieux par le répondant à l’éthique, lequel pourrait avoir ses préjugés reçus par le système d’éducation depuis sa plus tendre enfance, et considérant l’absence d’une mention explicite des Premiers peuples, je n’ai pas jugé utile de faire cette démarche. Mais, étant donné que c’est un sujet d’intérêt public, le plus utile est de vous écrire une lettre ouverte.

Le simulacre de spiritualité des fonctionnaires est inacceptable. Simuler être un «Indien» à l’Halloween ou dans un party de Noël, ou se déclarer à tort être «Métis», sont de nouvelles formes d’assimilation pour nier notre existence en tant que peuples distincts. Parallèlement à ça, on rit de nous si on est gros, si on est pauvre, si on souffre, agonise. J’ai entendu le jeune fils d’un ami emménagé à Québec l’été dernier, lui raconter se faire intimider par d’autres enfants de l’école. On lui dit qu’il sent mauvais et n’apprendra jamais à lire parce que c’est un «sauvage».

Simuler être un «Indien» à l’Halloween ou dans un party de Noël, ou se déclarer à tort être «Métis», sont de nouvelles formes d’assimilation pour nier notre existence en tant que peuples distincts.

Un travailleur social diplômé d’une maitrise m’a fait cet aveu : «quand on jouait au hockey, on te détestait parce que tu étais un Indien, et on ne voulait pas que tu sois bon. Lorsque vous ne vous développez pas, on vous méprise, mais lorsque vous vous développez trop, on vous hait». Ce mépris et cette haine existent, et le nier, comme l’a fait Jean-François Lisée lorsqu’il a exercé cette pression titanesque et malhonnête sur votre gouvernement pour vous faire reculer sur la tenue d’une importante commission d’enquête sur le racisme systémique, c’est manquer de respect envers les Premiers peuples. Monsieur Lisée est sans compassion, il l’a encore démontré cette semaine lorsqu’il a présenté son nouveau candidat dans Gouin, en s’appropriant une reconnaissance importante pour nous, que l’on affectionne comme une marque de respect, une véritable médecine à la dépossession et au racisme institué : la reconnaissance des territoires non cédés.

Comme premier ministre, vous devez comprendre que ces individus sont des productions de l’État québécois, formés à travers les institutions pédagogiques de la maternelle jusqu’à l’université, notamment à travers les cours d’histoire où les Premiers peuples sont littéralement «arriérés» dans la représentation d’un temps linéaire du «progrès», mais aussi, à travers les interactions quotidiennes. C’est évidemment à nous, les Premiers peuples, de propulser et de diriger nos canots. Nous n’avons certainement pas à négocier notre autonomie! C’est à nous d’affirmer notre présence et les limites de l’inacceptable afin de nous faire respecter. C’est ce que je fais en vous écrivant cette lettre pédagogique. Vous devez prendre votre part de responsabilité et mettre en œuvre les politiques nécessaires à la transformation des mentalités du peuple qui vous a élu pour le représenter, car autrement, la réconciliation sera impossible, les négociations territoriales avec les Innus sont vaines, et sous le verni d’humanisme de la société québécoise, sera critiquable et critiquée sa profonde barbarie.

Vous devez prendre votre part de responsabilité et mettre en œuvre les politiques nécessaires à la transformation des mentalités du peuple qui vous a élu pour le représenter, car autrement, la réconciliation sera impossible, les négociations territoriales avec les Innus sont vaines, et sous le verni d’humanisme de la société québécoise, sera critiquable et critiquée sa profonde barbarie.

L’exemple le plus radical de l’appropriation culturelle et de son lien infrangible avec le racisme systémique est le groupe La Meute, dont le chef s’est autoproclamé «Mahikan», le simulacre de totémisme le plus répugnant qu’a produit l’État québécois. Cela trahit, par ailleurs, la crise identitaire de la société québécoise, à laquelle Jean-François Lisée n’y peut rien, sinon l’empirer… Nous sommes loin d’un sein métissage culturel et consentant. Je ne fais que vous parler d’éducation, au sens fort du terme, en spécifiant que les individus sont les productions de l’État québécois.

Je vous invite, pour résoudre ce diagnostic, à considérer d’appliquer les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation comme pronostique en matière d’éducation des citoyens et fonctionnaires du Québec. Une commission d’enquête sur le racisme systémique devrait être rétablie, afin de comprendre la complexité du racisme dans ses moindres nuances et la multitude de ses manifestations, afin d’y remédier localement, dans une cohérence globale.

Une commission d’enquête sur le racisme systémique devrait être rétablie, afin de comprendre la complexité du racisme dans ses moindres nuances et la multitude de ses manifestations, afin d’y remédier localement, dans une cohérence globale.

Veillez acceptez, monsieur le Premier ministre, mes sincères salutations,

Niaut,

Jonathan Thisselmagan Schuld, militant autochtone.