Il y a treize ans, j’étais membre d’Option citoyenne, un mouvement politique qui rassemblait des milliers de personnes. Un mouvement fondé dans la foulée de la publication de «Bien commun recherché», écrit par mon amie Françoise David.
Après une tournée dans toutes les régions du Québec, après la vente de milliers de livres, nous nous sommes réunis à Québec. Nous étions enthousiastes, motivés, déterminés à faire avancer des idées de gauche, féministes, écologistes. À Québec, à l’automne 2004, nous avons adopté une plate-forme qui reflétait nos valeurs et décidé d’entreprendre une réflexion collective sur la question nationale. Nous avons aussi convenu de débattre avec l’Union des forces progressistes pour une éventuelle fusion. Car nous savions que la gauche, pour avancer, devait se donner une alternative politique rassembleuse, crédible, efficace, porteuse d’espoir.

Durant un an, nous avons discuté entre nous, mais aussi avec les militants et militantes de l’UFP. Des deux côtés, il y avait des réticences. Quand j’y repense maintenant, je ne peux m’empêcher de sourire. L’UFP nous trouvait un peu trop réformistes. Plusieurs des camarades de cette organisation n’aimaient pas trop notre façon d’animer des soirées, de chanter ensemble, vous savez… notre côté communautaire!

Durant un an, nous avons discuté entre nous, mais aussi avec les militants et militantes de l’UFP. Des deux côtés, il y avait des réticences. Quand j’y repense maintenant, je ne peux m’empêcher de sourire.

Et de notre côté, on les trouvait un peu trop dogmatiques, utilisant un langage qui faisait parfois penser aux anciens marxistes-léninistes, trop sérieux. Et pourtant…
Après plusieurs mois de discussions, nous avons décidé de fusionner. À Option citoyenne, notre réflexion collective sur l’avenir politique du Québec, menée avec respect et patience, nous avait conduits à appuyer l’idée du pays. Un pays de projets. Nous avions aussi appris à côtoyer les militantes et militants de l’UFP et nous avions fait des découvertes : il y avait bien des féministes à l’UFP! Et elles rêvaient de la fusion pour renforcer leurs points de vue et leurs revendications. Nous avions aussi compris qu’au-delà du langage utilisé, plein de militantes et militants, sincères et généreux, portaient les mêmes rêves que nous pour le Québec.

De leur côté, les gens de l’UFP ont appris à mieux nous connaître. Ils ont apprécié notre enracinement dans des milieux où ils étaient peu implantés : milieux féministes, écologistes, communautaires. Bref, de part et d’autre, nous sommes allés au-delà des préjugés et des premières impressions.

Des deux côtés, nous avons fait des concessions lors de nos négociations. L’UFP a renoncé à ses tendances regroupées au sein du parti avec droit de vote dans les conseils nationaux et congrès. Nous avons plutôt adopté l’existence de collectifs affinitaires sans droit de vote. Dans nos discussions ultérieures sur la question nationale, nous avons précisé ensemble le processus de constituante. Bref, nous voulions que ça marche et nous avons bien négocié!

Le congrès de fondation a eu lieu le 5 février 2006. Nous avons adopté sans problème une déclaration de principes et des statuts. Et surprise : la greffe a pris! Un an ou deux plus tard, on ne parlait plus des anciennes et anciens d’Option citoyenne et de l’UFP, mais des militantes et militants de Québec solidaire. Comment y sommes-nous arrivés?

D’une façon assez simple : en travaillant ensemble, dans nos quartiers, nos villages, nos régions. Et puis, quelques semaines après la fusion, nous étions déjà en élection partielle… dans Sainte-Marie–Saint-Jacques. Mon comté! Des centaines de militantes et de militants, anciennement OC ou UFP, se sont donné la main dans cette première campagne. J’ai obtenu un résultat de 23 %, de quoi fêter toute la nuit! Ce que nous avons fait…

Nous avions appris quelque chose d’important : l’objectif est plus grand que les questionnements légitimes et parfois, les préjugés. Et l’objectif était (est toujours) d’unir la gauche, féministe, écologiste et souverainiste. Pourquoi? Parce que seule cette unité peut faire avancer les idées qui nous sont chères dans un univers souvent hostile, où nos adversaires ne nous laissent aucune chance. Seule cette unité peut convaincre la population que nous sommes une bonne solution de rechange aux inégalités persistantes et à la destruction de la planète.

Nous avions appris quelque chose d’important : l’objectif est plus grand que les questionnements légitimes et parfois, les préjugés. Et l’objectif était (est toujours) d’unir la gauche, féministe, écologiste et souverainiste.

J’écris cela en pensant aux débats qui ont cours en ce moment au sein de Québec solidaire et d’Option nationale. Les mêmes questions légitimes surgissent et, peut-être, les mêmes préjugés. Serons-nous capables d’oser dépasser nos craintes, de poser les bonnes questions, mais en ayant toujours en tête que la gauche politique doit s’unir? Pourquoi? Parce que le rêve d’un Québec prospère pour tout le monde, dans une économie qui respecte la nature, dans une société inclusive et féministe, avec un projet de pays qui est un pays de projets, ce rêve-là n’est possible que si nous sommes nombreux et nombreuses, ensemble, à le porter.

Mon amie Françoise nous disait en 2004 : «Si nous avons pu organiser une Marche mondiale des femmes en l’an 2000, avec tous les défis que ça supposait, on devrait être capables d’unir la gauche au Québec!» C’est ce que je pense encore aujourd’hui et je soumets humblement que telle est notre tâche en cette fin d’année.

Manon Massé, coporte-parole de Québec solidaire