L’histoire de Mariano débute en 2007, alors que s’amorce sa lutte contre la mine La Revancha dans la municipalité de Chicomuselo. «À cette époque, Blackfire ne réussit pas à avoir les permis pour débuter les opérations. L’ambassade canadienne intervient donc auprès de l’État mexicain pour faire débloquer le dossier. Les habitant-es de Chicomuselo s’opposent au projet en raison des dangers environnementaux et de certaines violations de la loi agraire. Mais en somme, leur droit de refus n’a pas été respecté» explique la responsable des communications de l’organisme Otros Mundos Chiapas, qui accompagne la famille Abarca dans sa recherche de justice.

Mariano Abarca
Otros Mundos Chiapas A.C.

La mine est mise en opération en 2008, et c’est à partir de ce moment que la résistance s’accentue. Mariano Abarca est à l’époque le leader et le visage de la mobilisation. Il a alors déjà été victime de menaces physiques et juridiques de la part d’employés de la compagnie Blackfire. Il est aussi agressé physiquement par des employés armés de la minière. En 2009, Mariano organise un campement de blocage pacifique sur la voie d’accès de la mine. Le 17 août de la même année, il reçoit la visite de la police et est mis en prison suite à une plainte contre lui par Blackfire pour complot, crime organisé et attentat aux voies de communication. Mariano est relâché huit jours plus tard sans recevoir de charges.

Le 27 novembre 2009, quelques jours après avoir déposé une plainte contre deux personnes liées à Blackfire, Mariano Abarca est tué par un sicario. Il reçoit deux balles dans le dos à bout portant et décède devant sa maison du centre de Chicomuselo.

La mine de baryte de La Revancha cesse ses opérations en mai 2010 après que ses permis soient suspendus par le gouvernement du Chiapas. Les installations de la mine ne respectent pas les réglementations environnementales de l’État du Chiapas.

L’ambassade canadienne mise en cause

En 2013 un rapport de MiningWatch Canada établit que l’ambassade canadienne au Mexique a pris le parti de la compagnie Blackfire au détriment de son devoir d’assurer le comportement responsable des compagnies canadiennes à l’étranger et de ses obligations internationales à promouvoir le respect des droits de l’homme. L’ONG canadienne juge que la position de l’ambassade a contribué à l’émergence du conflit entre Blackfire et les habitant-es de Chicomuselo.

Toutes les démarches de mobilisations des habitant-es de Chicomuselo, la mort de Mariano Abarca et la fermeture de la mine n’auront pas été assez pour faire changer la position de l’ambassade canadienne au Mexique. Deux semaines après la mort de Abarca, des allégations de corruption entre Blackfire et le maire de Chicomuselo font surface dans les médias canadiens. L’ambassade n’a pas respecté son obligation d’avertir la GRC de toutes allégations de corruption qui implique des citoyens canadiens à l’étranger. C’est finalement MiningWatch, avec d’autres organismes de la société civile, qui portent plainte à la GRC contre Blackfire.

Toutes les démarches de mobilisations des habitant-es de Chicomuselo, la mort de Mariano Abarca et la fermeture de la mine n’auront pas été assez pour faire changer la position de l’ambassade canadienne au Mexique.

Le rapport de MiningWatch établit également que le support de l’ambassade canadienne à Blackfire s’est poursuivi après les allégations de corruption. Le délégué commercial de l’ambassade, en plus de défendre la compagnie auprès de certaines instances mexicaines, a aussi conseillé Blackfire afin qu’elle puisse poursuivre l’État du Chiapas sous les termes de l’Accord de libre-échange nord-américain.

L’enquête de la GRC sur les allégations de corruption s’est conclue en 2015 et n’a mené à aucune accusation.

Dénoncer une enquête bâclée

Lors de la conférence de presse du 28 juin dernier, la famille de Mariano Abarca estimait que l’enquête sur sa mort avait été bâclée par les autorités mexicaines: «Depuis le jour de l’assassinat de mon père, l’enquête menée par l’État mexicain est complètement paralysée. Plusieurs personnes reliées à Blackfire ont été arrêtées et une seule personne à reçu une condamnation en 2010. Aujourd’hui, toutes ces personnes sont en liberté» dénonce Jose Luis Abarca Montejo, le fil de Mariano Abarca.

Depuis le jour de l’assassinat de mon père, l’enquête menée par l’État mexicain est complètement paralysée.

Otros Mundos Chiapas A.C.

Devant le manque d’option pour que justice soit faite, la famille de Mariano Abarca a lancé une pétition pour accompagner une plainte à la CIDH: «La justice mexicaine et canadienne ne nous a pas permis d’obtenir justice. Tout comme mon père, nous avons été laissés tomber par les institutions. Notre requête au CIDH vise à porter plainte contre le gouvernement mexicain pour son incapacité à protéger la vie de mon père et pour son désengagement dans l’enquête sur sa mort» poursuit Jose Luis Abarca Montejo.

Avec sa cause, la famille de Mariano Abarca espère pouvoir faire une différence pour les militant-es d’Amérique latine: «L’attentat qui a coûté la vie de mon père est un fait qui n’est ni unique ni isolé. Les défenseurs des droits humains et de l’environnement sont victimes d’attentats similaires partout en Amérique latine. Avec notre plainte, nous espérons établir un précédent légal pour dénoncer les liens entre les autorités mexicaines et l’ambassade canadienne qui permettent aux compagnies minières de menacer la vie et les droits des défenseurs de la terre» conclut finalement le fils de Mariano Abarca.

L’attentat qui a coûté la vie de mon père est un fait qui n’est ni unique ni isolé. Les défenseurs des droits humains et de l’environnement sont victimes d’attentats similaires partout en Amérique latine.

Une pétition à la CIDH est une requête en violation de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. La CIDH, après son enquête, peut émettre des recommandations envers l’État fautif afin qu’il se conforme aux exigences de la Convention. Si l’État en question ne se soumet pas à ces recommandations, la CIDH peut transférer la cause à la Cour Interaméricaine des Droits de l’homme, qui a le pouvoir d’émettre des jugements contraignants.