«Le gouvernement est très désengagé dans la lutte contre la pauvreté. Seulement 10% [de notre financement] provient de l’État, alors on a 90 % à aller chercher autrement», expose Richard Daneau, directeur général de Moisson Montréal, la plus grande banque alimentaire au Canada.

Une centaine de supermarchés IGA, Provigo, Maxi, Metro et Super C, dont plus de la moitié se trouvent dans la région de Montréal, acceptent de donner leurs produits invendus encore propres à la consommation à Moisson Montréal. Deux collectes par semaine sont effectuées pour aider plus de 38 000 personnes dans le besoin.

Malgré l’implication de nombreux bénévoles, ces opérations coûtent cher pour récupérer les denrées à temps. Et la survie du programme dépend de l’aide du public. «C’est grâce aux médias qu’on réussit à faire ce qu’on fait. Il y a une incidence directe entre la notoriété publique et les dons sur notre site internet», assure M. Daneau.

Malgré l’implication de nombreux bénévoles, ces opérations coûtent cher pour récupérer les denrées à temps.

Il y a quelques semaines, le gouvernement du Québec a décidé d’octroyer près de 400 000 $ au réseau des Banques alimentaires du Québec, qui lui aussi, a un programme de récupération déployé à la grandeur de la province. Avec la subvention, le projet permettra de rassembler plus de 600 magasins d’ici trois ans autour du même projet, en achetant des camions réfrigérés ou en permettant la construction d’entrepôts pour recevoir les denrées dans les organismes.

Comme il y a plus de familles qui réclament de l’aide alimentaire chaque année, ces initiatives ont tout un impact humanitaire. Mais aussi environnemental, car des tonnes de denrées ne seront finalement jamais jetées. Même s’il n’a pas reçu un pareil montant du gouvernement, Moisson Montréal poursuit tout de même ses efforts et a entamé des discussions pour rallier de nouveaux détaillants, soient Costco et Walmart, des joueurs de taille sur le marché de l’alimentation à grande surface.

Produire moins, acheter autrement

En France, depuis plus d’un an, la loi oblige la grande distribution à distribuer les invendus alimentaires qu’elle jetait auparavant. Est-ce que le Québec devrait emboiter le pas en forçant tous les commerçants à ne pas jeter leurs invendus? Selon M. Daneau, «l’enjeu, ce n’est pas de forcer la récupération. C’est de réduire la production qui est trop grande [dans les supermarchés]. Comme il existe des pays où c’est interdit d’enfouir des déchets comestibles, alors on attend de voir si ça ne pourrait pas se produire au Québec».

En France, depuis plus d’un an, la loi oblige la grande distribution à distribuer les invendus alimentaires qu’elle jetait auparavant.

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), un tiers du volume de nourriture destiné à la consommation humaine dans le monde — soit environ 1,3 milliard de tonnes chaque année — est perdu ou gaspillé. Une deuxième question se pose : qui est le principal responsable de cette situation?

Pour Estelle Richard du projet Sauve ta bouffe des AmiEs de la Terre de Québec (ATQ), les grandes entreprises tendent à jeter le blâme sur les consommateurs qui exigent une grande variété de produits. «De la part de l’industrie, c’est de se déresponsabiliser en voulant répondre à ce besoin d’offrir un choix infini. Une fois qu’on développe cette habitude, c’est extrêmement compliqué [de renverser la tendance]», plaide-t-elle.

Il y a un an, les ATQ ont présenté au gouvernement un mémoire pour mobiliser la population sur la question du gaspillage alimentaire. On suggère de diminuer le gaspillage de 30 % d’ici 2025 et d’améliorer les comportements alimentaires et l’autonomie des personnes en cuisine, notamment via une grande campagne de sensibilisation.

Les consommateurs devraient devenir des «consom’acteurs» selon l’organisme, et Mme Ricard est convaincue qu’ils devraient se tourner davantage vers les commerces de proximité et l’achat local, mis de l’avant avec l’offre des paniers bio, par exemple. «C’est à la portée des gens de changer leurs habitudes. Il y a un consensus sur cette question», affirme-t-elle.

Si le grand public est responsable de plus de la moitié du gaspillage alimentaire, il n’en demeure pas moins que le gouvernement doit assumer sa part de responsabilité, comme le suggère le rapport des ATQ. «Une collecte de données concernant le gaspillage alimentaire s’avère indispensable, tout comme l’adoption de lois, règlements, normes relatifs au gaspillage documentaire et le soutien des organismes qui luttent déjà contre ce fléau».

D’autres initiatives qui récupèrent les denrées :

Second Life
Paniers de légumes moches

Montreal Dumspter Diving
Récupération dans les poubelles

Les jus LOOP
Faits à partir de vieux fruits