L’effet sur la campagne actuelle de ce décomplexe passait, en début de course, par le Front National (FN). L’aboutissement de 10 ans de travail par Marine Le Pen prend forme dans cette présidentielle, elle qui a tenté de libérer son parti de ce qu’il a déjà été lorsqu’il était dirigé par son père.
Pour Muriel Fiol, conseillère régionale pour le FN dans la région Provence-Alpes-Cote d’Azur, elle observe ce changement lors de ses séances de tractage dans les marchés. «Les gens reviennent même sur leurs pas pour nous voir et récupérer le tract. Je n’avais jamais vu ça.»
Les militants-es rencontrés dans cette région, plutôt pro-FN, expliquent qu’il y a moins d’insultes qu’avant, ou du moins, qu’elles touchent maintenant l’ensemble de la classe politique.
En fait, la même situation se produit à l’autre opposé du spectre politique avec la montée de Mélenchon dans cette course à l’Élysée. Il n’a plus l’image de méchant révolutionnaire frondeur qu’il avait lors de la campagne 2012.
«J’ai vu la différence après les émissions [politiques et les débats], de par sa stature. Il y a eu un tournant quand les gens se sont rendus compte que ce n’était pas un dictateur, explique Evelyne Robin, une militante vendéenne de Mélenchon et de son projet France insoumise. On a bon contact en ce moment. C’est différent de 2012 [où] on se faisait insulter.»
Changement de ton des «défenseurs du peuple»
S’il y a une chose sur laquelle les analystes français-es sont unanimes dans les médias : la présente campagne de Jean-Luc Mélenchon opère un changement de ton.On le remarque dans l’ensemble de sa communication, des affiches aux discours. En délaissant son image de frondeur toujours en mode attaque et en utilisant des termes plus populaires pour être plus près des gens, il semble marquer des points et être plus accessible.
Dans un récent sondage fait pour la chaine d’information en continu BFMTV, Mélenchon serait d’ailleurs le candidat qui convainc le plus les Français-es de sa proximité avec les gens et de sa volonté de changement. Il arrive également second pour celui qui est le plus présidentiable, tout juste derrière Emmanuel Macron.
Dans ses passages dans les débats et ses performances lors de ses assemblées de campagne, le leader de la France insoumise est plus posé et se veut rassurant, en s’adressant constamment au peuple, plutôt qu’aux camarades en 2012.
Ce peuple, c’est aussi le cheval de bataille de Marine Le Pen. Bien que la question identitaire reste un élément important de son programme, le discours frontiste s’est aussi tourné vers la classe ouvrière et les chômeurs, notamment lors des dernières élections législatives et départementales, où le FN a marqué des points dans les régions du Nord fortement touchées par des suppressions d’emplois.
Et avec 10,2 % de chômage en 2016 en France, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques de France, on peut comprendre que les deux formations politiques tentent de se poser en défenseurs du peuple, que ce soit «Au nom du peuple» pour Le Pen ou avec «La force du peuple» pour Mélenchon.
Un système et une classe politique mise à mal
Un autre élément à ne pas négliger dans cette campagne, c’est le dégout de nombreux Français-es envers la classe politique en général.
Il ne faut pas discuter bien longtemps avec quiconque dans la rue pour entendre râler face à une classe politique qui parait être complètement pourrie et déconnectée de la réalité gens.
Signe de ce désenchantement, il pourrait s’agir de la première présidentielle dans l’histoire de la Ve République où aucun des deux principaux partis (Parti socialiste et Les Républicains) ne se retrouvaient au second tour.
Profitant de cette situation, les deux candidats anti système politique marquent donc aussi des points, mais rien n’est encore joué. Oui, Jean-Luc Mélenchon s’est hissé dans les intentions de vote au niveau du candidat de la droite François Fillon. Cependant, les candidats étant tous maintenant dans les marges d’erreur l’un de l’autre, il est impossible de les classer avant le vote.
Chose certaine, l’idée de voir au deuxième tour un affrontement Mélenchon-Le Pen est bien réelle et possible, une situation qui déchirerait bien des Français-es rencontrés dans le dernier mois un peu partout en France qui ne sauraient pour qui voter devant ces deux choix de l’extrême.