Si de plus en plus de restaurants proposent uniquement des plats sans viande (végétariens), mais aussi sans produits d’origine animale, comme les œufs, le lait ou le miel (véganes/végétaliens) dans le paysage montréalais, peut-on dire pour autant que ces tendances alimentaires ont la cote?

«C’est encore un phénomène urbain et qu’on remarque chez des gens qui ont une certaine éducation, surtout chez les jeunes. Ils sont de plus en plus sensibilisés et manger de la viande, pour certain-es, c’est comme de consommer la cigarette», avance sans détour M. Cyr.

C’est encore un phénomène urbain et qu’on remarque chez des gens qui ont une certaine éducation, surtout chez les jeunes.

Impossible toutefois de savoir combien il y a de végétarien-nes et végétalien-nes au Québec, faute de statistiques officielles. Mais pour Florence Scanvic, vice-présidente de l’Association végétarienne de Montréal, il ne fait nul doute qu’ils sont plus nombreux, considérant qu’on compte maintenant près 70 bannières végé et vegan, alors qu’il y en avait cinq fois moins il y a 10 ans. Elle se réjouit aussi de la hausse du nombre de participant-es au Festival végane de Montréal, alors que plus de 12 000 personnes se sont donné rendez-vous en 2016, comparativement à 5000 épicuriens en 2014.

Depuis qu’il a lancé son projet web il y a un an et demi, Jean-Philippe Cyr dit recevoir plusieurs témoignages, chaque jour, de parents ayant réussi à intégrer plus de recettes véganes qui font désormais le bonheur de leurs enfants, même les plus réticents. D’autres ont su faire plaisir à des membres de leur famille en les recevant autrement durant période des fêtes. Plusieurs internautes lui ont d’ailleurs signalé une pénurie de millet (céréale sans gluten) dans certaines épiceries pour cuisiner sa fameuse recette de tourtière de millet!

Des préjugés persistants

Malgré la popularité grandissante de ces mouvements, on continue de véhiculer certains stéréotypes, comme celui selon lequel les végétariens et les végétaliens ne consomment pas assez de protéines*, à défaut de manger de la viande. «On dirait qu’il y a toujours cette peur de manquer de calcium et de protéines. Ça fait des années que les gens sont conditionnés à l’idée qu’il faut boire beaucoup de lait et qu’on se paye la traite avec un bon gros filet mignon», déplore-t-il. Le Guide alimentaire canadien porte une grande responsabilité pour Florence Scanvic, qui estime inconcevable l’absence d’une version végé à ce jour.

On dirait qu’il y a toujours cette peur de manquer de calcium et de protéines.

Par ailleurs, M. Cyr s’indigne de la mauvaise réputation du tofu. C’est ce qui a inspiré le cuisinier à produire une vidéo sur un ton humoristique. «[Le tofu], ça coûte pas cher, c’est polyvalent, ça goûte ce qu’on met dessus. Ça goûte rien? Du poulet cru, ça ne goûte pas grand-chose non plus là!», plaide-t-il dans sa vidéo. Il propose de l’assaisonner avec de la sauce soya, du sirop d’érable, de la sauce sriracha ou encore de «cacher» des morceaux dans la sauce à spaghetti.

Un sujet sensible

Végétarienne depuis deux ans, Mme Scanvic a d’abord commencé par retirer les produits laitiers de son alimentation en raison d’une intolérance. Elle en a profité pour s’informer davantage sur les produits transformés à l’épicerie et sur le sort réservé aux animaux dans les abattoirs, ce qui l’a incitée à éliminer la viande, même si elle aimait en manger.

Loin de regretter ses choix consciencieux, elle constate qu’ils sont parfois lourds à porter. «C’est un sujet très émotif, car on a l’impression qu’il faut se justifier alors qu’on veut juste manger sa boite à lunch tranquille. Il y a une forte pression sociale et certaines personnes n’ont pas encore le courage de s’assumer en public», note Mme Scanvic.

C’est un sujet très émotif, car on a l’impression qu’il faut se justifier alors qu’on veut juste manger sa boite à lunch tranquille.

Jean-Philippe Cyr, quant à lui, a décidé de rompre sa relation avec la viande lorsqu’il travaillait dans un restaurant comme chef cuisiner. En préparant l’agneau qu’il devait servir à un groupe de 150 personnes, il s’est questionné à savoir combien de bêtes avaient péri pour servir les clients qui n’ont pas tous apprécié le plat…

Selon une nouvelle recherche universitaire, la consommation de viande dans le monde constitue la plus importante menace pour la biodiversité. Un citoyen d’un pays industrialisé consomme 76 kilogrammes de viande par année, contre 43 kilogrammes en moyenne dans le monde. À l’heure actuelle, les pâturages nécessaires aux animaux accaparent déjà 70 % des terres cultivables.

Sans nécessairement les appeler à faire une croix définitive sur la viande, Jean-Philippe Cyr invite ses abonnés à réduire leur consommation en optant pour d’autres sources de protéines, comme les lentilles, les pois chiches ou encore le tofu, tous des aliments qui coûtent beaucoup moins cher que la viande. Payant pour l’environnement, payant pour le portefeuille!

* Consultez le tableau des protéines végétales produit par l’Association végétarienne de Montréal ici